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Après SOPA, ACTA : explications et mobilisation

La mobilisation contre SOPA (Stop Online Piracy Act) le projet de loi jugé par beaucoup liberticide, a largement dépassé les frontières des USA et a aboutie à une marche arrière du Sénat américain. Mais SOPA n’est pas seul, ACTA, un traité international cette fois et déjà signé par la France (mais non ratifié, explications ci-après), l’UE, les Etats-Unis et bien d’autres menace l’internet tel que nous le connaissons et laisse présager la censure sur le réseau.

La mobilisation contre SOPA (Stop Online Piracy Act) le projet de loi jugé par beaucoup liberticide, a largement dépassé les frontières des USA et a aboutie à une marche arrière du Sénat américain. Mais SOPA n’est pas seul, ACTA, un traité international cette fois et déjà signé par la France (mais non ratifié, explications ci-après), l’UE, les Etats-Unis et bien d’autres, menace l’internet tel que nous le connaissons et laisse présager la censure du réseau.

Rose : Pays signataires d’ACTA; Orange : Pays signataires + signataires via l’UE; Vert : Pays signataires via la signature de l’UE uniquement; bleu : pays non-signataires

Avant de commencer, je rappelle que ceci est un blog pas un site journalistique, et je ne me cache pas d’avoir une opinion sur le sujet. Éclaircissons d’abord certains points que l’on voit ressortir un peu partout sur le web (d’après un article de ZDNet UK). En effet beaucoup de choses se sont dites depuis la révélation d’ACTA par Wikileaks, mais le traité n’était qu’un brouillon à l’époque et des choses ont changé. Si vous voulez consulter ACTA dans sa version finale, voici le PDF (en anglais).

A quoi se sont d’ores et déjà engagés les pays signataires ?

Pour l’instant à rien. Bien que les pays que vous voyez sur la carte aient signé le traité, personne ne l’a encore ratifié et ces deux actes sont très différents. La signature du traité revient simplement à dire que le gouvernement essayera par la suite de le faire ratifier. Mais pour cela, et pour que le traité se traduise en loi il faut qu’elle soit votée au niveau national (assemblée, parlement, sénat…). C’est aussi pour cette raison qu’une mobilisation n’est pas inutile même si le traité est présenté comme “déjà signé”.

ACTA a été préparé en secret ?

Le traité, puisqu’il a été conçu comme un accord commercial (puisque englobant toutes les “contrefaçons”, médicaments inclus par exemple, et pas seulement le web), a pu être effectivement rédigé dans le secret le plus total. Il n’aurait de toutes façons pas pu être voté nationalement en secret, mais sans Wikileaks et la pression qui a résulté de la diffusion du brouillon du projet, certains changements dans le traité final (comme l’obligation pour les FAI de coopérer ou l’application d’une loi en 3 avertissements) seraient probablement encore présents.

Si vous allez lire, le texte du traité, la confusion permanente entre les contrefaçons physiques et numériques rend d’ailleurs le texte particulièrement flou…

Qu’est-ce que ACTA punit ?

L’article 23 défini que les signataires d’ACTA doivent déclarer “les infractions au copyright ou à d’autres droits liés, à une échelle commerciale” comme un acte criminel. Reste à savoir ce que veut dire une “échelle commerciale”. Le traité mentionne :

Pour cette section, les actes commis à une échelle commerciale incluent au moins ceux commis via une activité commerciale pour des interets économiques directs ou indirects ou un avantage commercial.

Le moins qu’on puisse dire c’est que cette définition n’est pas très restrictive et je pense qu’une image protégée publiée  sur un site web avec une pub sur la même page, rentre facilement dans cette catégorie. Idem pour un hébergeur dont un client distribue du contenu illégal.

Egalement un crime : contourner la gestion des droits numériques (GDN) ou déchiffrer du contenu qui a été chiffré pour protéger le copyright.
Le “contournement” des GDN peut inclure par exemple récupérer les méta-données sur des fichiers musicaux qui identifient l’artiste et le titre… ou même créer des outils pour le faire.

ACTA va entraîner le blocage des sites web ?

Dans l’article 8 du traité, on peut lire que tous les signataires du traité doivent être capable de faire cesser l’activité d’un contrevenant, et être capable de forcer une tierce partie sous sa juridiction à “empêcher les biens liés à une infraction d’un droit de propriété intellectuelle d’entrer sur les canaux commerciaux”.

C’est là par exemple que la confusion biens numériques/biens réels rend les choses floues… si dans le cas des biens réels on peut facilement comprendre ce que les canaux commerciaux représentent, pour les biens numériques le champ d’application semble large et le blocage des sites web facilement justifiable.

Un autre extrait de l’article 12 qui laisse songeur est le suivant :

Chaque signataire doit s’assurer que les autorités aient la possibilité d’adopter des mesures provisionnelles inaudita altera [sans que la partie accusée ne soit entendue] quand nécessaire, et en particulier quand le moindre délai est susceptible de causer des dégâts irréparables aux ayants droit, ou quand il y a un risque que les preuves soient détruites.

Internet étant par définition un média de diffusion de masse et immédiat ou de plus la destruction des données est facile, tout semble dire que ces mesures avant tout jugement pourraient y être appliquées. Même si on peut lire par la suite que les demandeurs doivent fournir “n’importe quelle preuve raisonnable” de l’infraction et peuvent être amené à rembourser les dommages si l’infraction n’est en fait pas confirmée (encore une chance).

ACTA force les FAI à divulguer les informations ?

Non. Dans les premières version le verbe utilisé pour les FAI était “shall” qui exprime une obligation pour les signataires de forcer les FAI à fournir les données des utilisateurs. Dans la version finale (et probablement grâce aux critiques issues de la divulgation du texte par wikileaks), ce verbe a été remplacé par “may” … ce qui en gros n’oblige plus à rien. Enfin de toutes façons en France c’est déjà le cas grâce à notre HADOPI chérie (que certains candidats à la présidentielle veulent supprimer et d’autres non, je dis ça, je dis rien)

Le système de calcul des dommages

Qui dit infraction dit amende et/ou emprisonnement. Dans le cas des amendes, le système de calcul des dommages infligés aux ayants droit est complexe, et en gros tout est possible mais on peut lire que :

Pour déterminer le montant des dommages pour une violation des droits de propriété intellectuelle, les autorités judiciaires des signataires doivent pouvoir considérer, inter alia, n’importe quelle mesure légitime proposée par l’ayant droit, pouvant inclure les pertes de profits, la valeur des biens tiré du prix du marché, ou le prix suggéré de vente.

Les ayants droit ont le droit de demander à peu près n’importe quoi et on peut lire par la suite (dans les petites lignes de bas de page de l’article 9) que l’un des système de calcul peut être :

la quantité de biens réellement distribué à des tierces personnes violant la propriété intellectuelle de l’ayant droit en question, multiplié par le prix par unité de bien qui auraient été vendus s’il n’y avait pas eu l’infraction.

Partant de cela, on peut imaginer des amendes mirobolantes pour de la diffusion par internet…

Faut-il se mobiliser ? Comment Agir ?

Le traité en France comme ailleurs n’est pas encore ratifié, il est donc encore temps d’agir. Pour ceux qui pensent que la loi ne passera pas, rappelez-vous que le couple HADOPI/LOPPSI semble être une référence mondiale comme premier pas dans l’application de traité ACTA, nous sommes des précurseurs…

Quoi que l’on pense de ce traité, il est probable que s’il est largement ratifié et appliqué par les pays signataires, ce soit la fin de l’Internet tel que nous le connaissons. Avec ses défauts et ses qualités d;ailleurs. C’est aussi une énorme consolidation du système de rémunération des ayants droit, jugé par beaucoup comme complètement injuste pour le public et les artistes contre les “majors” qui récupèrent la majeure partie des recettes sous couvert de frais de diffusion alors qu’ils s’opposent justement à la diffusion via Internet bien moins onéreuse.

Rappelons-nous par exemple, que sans la guerre ouverte aux réseaux de P2P (Peer-to-Peer) et les torrents, des sites comme Megaupload, donc les agissements sont en effet difficilement défendables, n’auraient pas eu le succès qu’ils ont connu et que des alternatives légales auraient surement été développées il y a bien longtemps sans le lobbying des ayants droits pour qui le support physique est une manne financière gigantesque.

Ce traité est également une porte ouverte vers une évolution durable d’internet d’un système très libre (avec les abus qu’il provoque) vers un système de contrôle des infractions majeures en premier lieu, mais beaucoup sont ceux qui ne voient là qu’une première étape vers une censure plus systématique et généralisée du contenu public sur le web.

N’oublions pas qu’il y a quelques jours, Wikipedia, Google, Reddit… s’étaient engagé dans des actions pour dénoncer SOPA qui par beaucoup est en fait décrite comme moins dangereuse que ACTA pour la liberté d’expression…

Comment agir ?

  • En Pologne (premier pays a annoncer vouloir ratifier le traité), en France et ailleurs en Europe, le weekend dernier a été marqué par des manifestations contre ACTA, d’autres suivront certainement.
  • Suivez, lisez et soutenez la Quadrature du Net (twitter)
  • Parlez en autour de vous. Le problème n’est pas toujours clair pour tout le monde et peu relayé par les médias traditionnels.

[ibtimes] [ZDNET UK] [ACTA]

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Par : Opera
21 commentaires
21 commentaires
  1. C’est vrai que c’est pas très rassurant… Bon, après, je doute que les pouvoirs public aient les moyens de tout contrôler, jusqu’au petit webmarchand qui utilise quelques photos sous copyright…

    Mais quand même, il faut faire attention !

  2. Je doute que les pouvoirs public aient les moyens de contrôler tout le monde, y compris le petit webmarchand qui utilise quelques photos sous copyright.

    Mais quand même, il faut suivre ça de près !

  3. Je voudrais bien que cela ne soit pas ratifié mais , pour le moment c’est la tendance contraire, il ouvriront peut etre les yeux avant le jour J

    Merci pour toute ses explication qui ma un peu éclairé sur acta , que je connaissait deja assez pour savoir que c’est une injustice pour internet

  4. Merci pour cette synthèse. J’en avais vaguement entendu parler mais jusqu’à présent je ne savais pas bien ce que c’était. J’espère que la mobilisation rassemblera beaucoup de monde… On ne peut pas laisser un projet comme cela aboutir, il en va de notre liberté d’expression

  5. Pour les médicaments c’est totalement faux… Ce texte ne s’applique qu’aux contrefaçons et non aux médicaments génériques. Cette fausse informations est donnée dans le seul but de faire adhérer toutes les populations. C’et faux. D’autant plus que les médicaments contrefaits sont eux, nocifs voir mortels.

    1. @Atypik : Tu as raison et tort à la fois, mais surtout tort. Tu as raison parce que c’est vrai que beaucoup de choses fausses ont été dites sur ACTA et les médicaments. On a beaucoup entendu que les génériques étaient mis en danger ce qui est complètement faux. Par contre tu as tort ici “Ce texte ne s’applique qu’aux contrefaçons et non aux médicaments ” ta phrase présente un défaut de logique, en effet tu oublies les “médicaments contrefaits”, dont bizarrement tu reparles après… bref, c’est d’exactement cela dont je parlais en disant “un accord commercial (puisque englobant toutes les « contrefaçons », médicaments inclus par exemple, et pas seulement le web.” Nous sommes donc entièrement d’accord.

  6. @Atypik : oui, et moi je n’ai jamais parlé de médicaments génériques dans l’article… c’est ce que je disais on est d’accord…

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