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Côté sciences : qu’est-ce, au juste, que l’Open Access et pourquoi est-il important de le soutenir ?

De multiples raisons me poussent à écrire cet article que je vais m’efforcer de faire court sur le Libre Accès (Open Access ou encore OA), un concept souvent mal compris et pourtant si important.

Cet article est le quatrième de la série “Côté sciences», dans laquelle est traité une à deux fois par semaine un sujet geek et scientifique qu’il soit d’actualité brûlante ou que j’ai simplement envie d’en parler.

De multiples raisons me poussent à écrire cet article que je vais m’efforcer de faire court sur le Libre Accès (Open Access ou encore OA), un concept souvent mal compris et pourtant si important.

D’abord il y a la triste nouvelle, celle du suicide d’Aaron Swartz le génie du web, co-fondateur de Reddit, créateur de l’architecture de l’Open Library, tête pensante derrière le RSS et fervent défenseur de la neutralité et de l’ouverture du net.

Au moment de sa mort, il risquait 35 ans de prison et un million de dollars d’amende pour avoir téléchargé avec l’intention de rendre gratuitement disponible la quasi-totalité des articles scientifiques (4.8 millions) du service JSTOR, et il était devenu de fait l’un des porte-étendards de l’OA. Le lien entre son suicide et cette affaire reste cependant non établi.

Ensuite il y a le fait qu’étant moi-même chercheur (en thèse), et comptant bien publier mes éventuelles trouvailles un jour ou l’autre, je sais à quel point la situation actuelle du système de publication est absurde et à quel point il ne pourra évoluer que quand tout le monde en aura conscience.

Comment publier un article scientifique ?

Rapide rappel pour les non-initiés au système d’évaluation par les pairs (Peer review) qui constitue la base de la science. Pour publier un article scientifique il convient de :

  • Travailler assez pour avoir quelque chose de publiable !
  • Rédiger l’article puis le soumettre pour évaluation à un journal
  • Le journal va transmettre l’article à d’autres scientifiques dans le même domaine (les reviewers) qui liront et jugeront l’article, le commenteront en bien et en mal (sur la validité et l’intérêt scientifique avant tout mais aussi sur la forme) puis ils renverront au journal dont l’éditeur qui prendra une décision sur l’acceptation ou le rejet du manuscrit.
  • Si rejeté, il faut alors revoir complètement la copie.
  • Si accepté, après avoir retouché le manuscrit pour prendre en compte les commentaires des reviewers, l’article est publié.

les journaux non-Open Access

Alors quel est le problème ? Le problème est financier avant tout. Quelque chose de très mal compris par les non scientifiques est que les chercheurs ne publient pas (directement) pour l’argent, ils publient pour la reconnaissance (l’impact) ce qui contribuera à développer leur carrière pour atteindre des postes plus importants et mieux payés.

L’impact dépend de plusieurs choses, de l’intérêt de la recherche bien sûr… mais également énormément du journal dans lequel l’article est publié.

Dans le cadre des journaux non Open Access et d’une partie de ceux OA, non seulement les auteurs ne sont donc pas payés pour ce qu’ils publient, mais ils doivent payer, et payer cher pour publier (pas en dessous de 1.000$ et jusqu’à 15.000$).

Seulement voilà les auteurs ne sont pas les seuls à payer. Si on regarde les gens impliqués dans le processus :

  • Les auteurs payent pour publier
  • Les reviewers ne sont pas payés pour leurs commentaires
  • Les lecteurs (individus ou organisations) voulant accéder aux articles doivent eux aussi payer (c’est là la principale différence avec l’OA) et souvent très cher pour lire les articles

Comme les scientifiques veulent publier dans des journaux importants pour faire avancer leur carrière, les éditeurs se retrouvent dans la situation tout bénéfices où les scientifiques se battent pour avoir un article dans leur journal hors de prix. Ils ne sélectionnent bien sûr que les meilleurs articles et de ce fait la demande de lecture est très forte…

C’est ce qu’on appelle gagner sur tous les tableaux et résultat en 2011 un des principaux éditeur scientifique, Elsevier a enregistré un bénéfice brut de 1,090 millions d’euros sur le dos de… nous tous, puisque la vaste majorité des budgets scientifiques sont issus des fonds publiques.

La solution ? Tous en Open Access !

Le principe de l’Open Access est donc simple, faire payer seulement les auteurs ou avoir un business model complètement différent. Les auteurs acceptent que quiconque puisse accéder, utiliser, citer leurs recherche ce qui est le rêve de tout chercheur. Les licences (Creative Commons) spécifient tout de même que l’auteur doit être respecté et parfois interdisent la ré-utilisation à des fins commerciales.

Le fait est qu’au bout du compte, n’importe qui peut accéder gratuitement à la recherche, ce qui paraît être la moindre des choses puisque c’est le peuple qui paye les chercheurs. Puis c’est aussi une question d’éthique, car fondamentalement il est quand même étrange de mettre un prix à l’accès à la connaissance, surtout via le net !

Le nerf de la guerre dans ce cas n’est pas directement l’argent, c’est la réputation. Les journaux profitent de cette position dominante car les chercheurs visent le “meilleur” journal possible pour publier et comme les non-OA ont l’ancienneté de leur côté, ils sont souvent ceux avec le plus gros impact.

La solution est donc simple, il faut que les journaux en Open Access (comme PLOS) deviennent les plus importants et les plus lus pour qu’ils aient les meilleurs articles et donc le meilleur impact. C’est d’ailleurs le sens de nombreuses actions au cours des dernières années, la dernière en date (2012) étant cette pétition “Le prix de la connaissance” appelant au boycott d’Elsevier et signée par plus de 13.000 chercheurs du monde entier.

Il est donc important de soutenir l’Open Access que vous soyez scientifique ou non, pour votre bien à vous, c’est votre argent, et pour le bien commun car un libre accès à la science veut probablement dire une science meilleure. Parlez-en autour de vous 🙂

 

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Par : Opera
12 commentaires
12 commentaires
  1. Je ne sais pas si cela existe déjà mais voici mon avis:
    il faudrait faire un système de vote comme sur linuxfr mais adapté à la recherche scientifique. Ça permettrait de mettre en avant les publications les plus intéressantes et/ou de meilleur qualitées.

    Ce serait une bonne idée a votre avis ?

  2. A partir du moment où tu me dis qu’Elsevier (entre autres) brasse des millions, j’ai un peu envie de te dire que ta solution est totalement idyllique et irréalisable 🙂 Comment vas-tu raisonner toutes ces maisons d’éditions scientifiques qui semblent marcher à la perfection ?

    Au passage un article intéressant rédigé par Aaron Swartz pour mieux comprendre le personnage :
    https://aaronsw.jottit.com/howtoget

    1. @Adrix: Oui why not mais le problème c’est que c’est pas possible pour tout le monde de tout lire et pourtant il faut bien tout peer-review. Donc un truc par vote basé sur le volontariat n’assurerait pas du tout la validité des articles jamais lus avec un titre dégueulasse en bas de la pile 🙂

      @LiriX : non justement ! Comme j’ai essayé de le dire dans ce cas c’est pas du tout l’argent le nerf de la guerre… leur fric ne leur sert à rien directement. C’est simplement qu’ils possèdent les journaux les plus réputés. Or ça ça se change sans argent simplement en se mettant d’accord… D’ailleurs c’est en cours le nombre des publi dans les OA journals augmente rapidement.

  3. Tout ces trucs open machin ne mène à rien. On est tributaire du bon vouloir de x ou y puisqu’il n’y à aucune rentabilité.
    D’autres part, si effectivement les états payent les chercheurs, c’est donc aux états d’obtenir un retour sur investissement. Il suffit que des brevets ou des des publications soient faites au nom des employeurs plutôt qu’un nom des chercheurs, de la même manière que ce qui se passe dans une société privée. De plus ce n’est pas parceque c’est de l’agent publique que cela appartient aux citoyens. C’est quand même une sacrée nuance.
    Maintenant il existe la possibilité de publier sur internet, sans tenir compte de de l’endroit ou cela est fait. Ce n’est pas parceque une nouvelle x ou y est publiée sur le blog/site de monsieur machin qu’il sera moins accessible qu’ailleurs. Bien couplé à Tweeter et consort, le buzz se fait vite et si effectivement le contenu est intéressant, peut importe le contenant.

    1. Salut @Wolf : Alors comme prévu, je ne suis pas d’accord avec toi sur plein de trucs… déjà il faut comprendre que même en ces temps de crise financière et tout et tout, certains milieux, dont la recherche fondamentale fait partie n’ont pas vraiment à se plier aux règles de la rentabilité à court terme. En terme de publications peut-être (l’employeur y trouve compte sont compte en réputation et donc en future embauche). L’état lui espère effectivement un retour sur investissement en avance technologique et donc brevets et tout le tralala mais d’une part c’est sur le moyen à long terme (beaucoup de projets scientifiques n’ont pas de but clair en terme d’application industrielle ou humaine…) et d’autre part ça n’a rien à voir avec le fait de faire payer le lecteur pour lire les publications scientifiques… ce qui était l’objet de mon article !
      Egalement je n’ai pas dit que parce que les citoyens “financent” la recherche, les résultats devraient leur appartenir… j’ai dit qu’ils devraient pouvoir accéder s’ils le souhaitent aux papiers décrivant les découvertes sans avoir à payer une entreprise qui ne fourni rien d’autre que de l’espace de stockage sur le web…C’est quand même une sacré nuance.
      Enfin je t’inviterai à re-réfléchir sur ton “Tout ces trucs open machin ne mène à rien” quand l’open data (et l’open access accessoirement) amèneront d’ici peu des révolutions en médecine genre thérapie génique ou autre traitement contre le cancer (exemple http://database.oxfordjournals.org/content/2011/bar026.full que tu pourra consulter en entier… puisqu’en accès libre 🙂 )

  4. Bonjour JB. Merci de recadrer mon intervention. Personnellement je pense encore que on ne peut pas faire confiance à un produit/système contenant le mot open. on ne sait pas ce que deviennent ou deviendrons les données traités et ont ne peut même pas certifier qu’elle ne seront pas altérer ou modifier pour aller dans un sens ou dans l’autre.
    Le fait de payer pour avoir accès à ses données permet de financer correctement tout un système et d’avoir une obligation de résultat. De plus je ne suis pas sur que les données publiés sur un système “open quoi que ce soit” soient complètes, car je vois mal dans le cas de recherche entre société ayant pour objectif de sortir un médicament, par exemple, rentable rapidement, partager le fruit de leurs investissements.
    Dans le cas d’un système payant, il est possible de sélectionner qui peut avoir accès à quoi, comme dans une banque.
    C’est bien, c’est utopiste à fond de vouloir partager tout et n’importe quoi comme cela, mais en regle général, cela mène soit à l’anarchie, soit au totalitarisme.

  5. Tout le monde trouve Wolf™ grotesque ou c’est juste moi?
    Même s’il a une bonne attitude en acceptant la critique, son discours un fouillis presque indémêlable.
    Wolf™, as tu pris le temps de construire ta pensée avant d’écrire? Peut-on vraiment t’aider à y voir plus clair en échangeant avec toi ou ce sera pure perte de temps?

  6. @Ben: meme si j’ai eu un peu de mal a lire Wolf , je le trouve aussi assez ouvert.

    @ Wolf : “C’est bien, c’est utopiste à fond de vouloir partager tout et n’importe quoi comme cela, mais en regle général, cela mène soit à l’anarchie, soit au totalitarisme.”
    C’est pas faux. Pour ce qui est des biens. ( a mon avis)
    Mais la on parle de la connaissance. Et encore , on ne parle meme pas des des recherches faites par le secteur privé dans le but de créer un brevet, mais de recherche fondamentale. Et il parait étonnant , alors que l’on parle toujours d’éduquer les enfants pour qu’ils aient plus de connaissances que leur aînés (pour découvrir plus, et donc transmettre plus a leurs enfants, etc, etc… ) . Alors oui on me traite parfois de bizounours, on me dit de revenir sur terre, mais toutes les entreprises ne sont pas comme les géants de l’électronique ces temps ci .
    Un exemple : Volvo a inventé et déposé n brevet sur la ceinture de sécurité 3 points pour les voitures. Et l’entreprise a laissé les autres constructeurs installer ces systèmes pour augmenter la sécurité dans les voitures.

    Donc si une entreprise ( et ce n’est certainement pas un cas isolé) peut faire cela, pourquoi les résultats de recherche fondamentale (financés , pour le moment, en grande partie par le secteur public) ne seraient pas accessibles a tout le monde?

  7. Je suis tout à fait d’accord avec les idées proposées ici, l’arbre de la connaissance est nourricier pour tout esprit. R.I.P Aaron.

  8. Chercheur moi même, je peux vous dire à quel point le système de publication actuel pose problème. Les forfaits pour avoir accès aux journaux sont démesurés (plusieurs milliers d’euros par journal et par an quand il est nécessaire pour un chercheur d’en consulter plusieurs dizaines, voir plus). Alors certes les labos se regroupent pour avoir accès à un maximum de publi, mais quand même c’est un budget non négligeable et autant d’argent qui ne sert pas pour la recherche.

    Mais à force d’en discuter autour de moi avec mes collègues, je me rend bien compte que tout le monde méprise ce système bien que tout le monde ou presque continue de publier dans des journaux non OA.

    Pour ma part, docteur depuis peu, je publie tous mes articles en OA et lorsque ce n’est pas possible (choix du labo) je les mets en libre accès sur internet bien que ce soit illégal.

    Comme dit dans l’article les journaux en OA deviennent de plus en plus populaires et leurs sacro-saints Impact Factors augmentent chaque année. On se rend compte du changement et je serais près à parier que dans 10 ans la tendance sera inversée même si il restera quelques journaux du type Science ou Nature qui ne changeront sans doute pas.

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