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Nos entreprises vont-elles devenir un immense terrain de jeu ?

Longtemps stigmatisé et relégué au rang d’industrie mineure, le jeu vidéo vit des changements palpables depuis l’avènement du numérique. Plébiscité durant de longues années par une majorité d’adolescents, ce medium est dorénavant le plus commun et le plus expressif de notre société.

Longtemps stigmatisé et relégué au rang d’industrie mineure, le jeu vidéo vit des changements palpables depuis l’avènement du numérique. Plébiscité durant de longues années par une majorité d’adolescents, ce medium est dorénavant le plus commun et le plus expressif de notre société.

Slate titrait les jours derniers « les jeux vidéo peuvent-ils devenir la forme d’art que le 21ème siècle va consacrer? ». Sans outrance, ce titre en dit long sur le chemin parcouru en l’espace d’un demi-siècle par une industrie désormais respectée pour son sens de l’art et du storytelling. Le lourd combat de théoriciens, à l’image d’Henry Jenkins, est enfin récompensé et conforte leurs intuitions premières longtemps décriées.

Cette évolution créative, graphique, narrative mais aussi interactive du jeu vidéo impactent la conscience collective de masse qui rentre tout naturellement dans une nouvelle phase. En sollicitant l’intelligence et la créativité des joueurs, le jeu vidéo commence d’ailleurs à mettre Hollywood dans l’embarras.

La Gamification est-elle en mesure de renouveler nos sociétés et institutions ?

Le jeu vidéo est sorti de son périmètre habituel et l’une des plus belles illustrations de cette évolution, la gamification, contribue à aider certains domaines en quête de renouveau ou de perfectionnement. En transposant les codes du jeu dans le domaine non ludique, sociétés et institutions vont pouvoir résoudre leurs problématiques en monopolisant l’attention du joueur et en développant donc une forme de motivation.

Cette approche des plus complexes demande une réelle expertise qui s’acquiert à la fois en expérimentant, mais aussi en échangeant avec ses pères. C’est dans ce sens qu’est né Paris Gamification Day, le premier colloque hexagonal entièrement dédié au sujet. Serious Game Expo, Le Web, CJVM, etc., de plus en plus d’évènements s’orientent vers la gamification en y dédiant seulement une partie de leurs programmes ou en se consacrant à une infime partie de ses champs d’action. Dans la lignée des Gamification Summits initiés par Gabe Zichermann en 2010, Paris Gamification Day a tenu sa première édition mardi 5 juin chez Microsoft France.

Julien Villedieu délégué général du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), a inauguré cette première édition en rappelant le poids de l’industrie vidéo ludique dont la valeur est estimée à 1,7 milliard d’euros de CA annuel, devant l’industrie cinématographique. Cette intervention fut également l’occasion de rappeler l’évolution typologique du joueur, toujours plus hétérogène, mais aussi le bouleversement du profil moyen dorénavant porté par un public féminin (30/35 ans) friand de social games et de jeux mobiles. A Julien Villedieu de constater un  «Game appeal»,  propice à l’investissement de plus en plus de domaines jusqu’alors étrangers aux jeux vidéo.

Une transition idéale pour Olivier Mauco, venu présenter sa vision de la gamification. Son intervention fut l’une des plus appréciées, mais surtout l’une des plus fournies, car celles-ci ne se cantonnait pas aux simples mécaniques de pointification prescrites par une majorité des intervenants.

Ce fut le cas de Matthieu Reboul, Key Account Manager du service mobile Scanbuck. Présentée comme une chasse au trésor numérique, cette application a vocation à augmenter l’attrait du mobinaute pour une marque donnée, en l’incitant à scanner ses produits en GMS à l’aide de son smartphone et cela afin d’obtenir des réductions et des cadeaux. Répondant à un insight fort émanant de consommateurs toujours plus exigeants, ce service n’est pas dénué d’intérêt, cependant rien ici n’est en mesure de lui attribuer des vertus ludiques.

Ce constat s’applique également aux solutions de Ressources Humaines comme Rypple, présentée par Olivier Nguyen Van Tan. Ce responsable marketing produits chez Salesforce recommande aux cadres de récompenser les travaux et avancées de leurs collaborateurs avec des badges, afin d’amplifier les comportements positifs de ceux-ci au sein de l’entreprise. Malgré ses arguments, Rypple n’en reste pas moins une solution basée sur des dispositifs de Badgification. Il s’agit ici de mettre en place des mécaniques de récompenses incitatives de manière numérique et communautaire comme l’ont fait dès les années 80 les Frequent Flyer Programs des compagnies aériennes.

« Jouer est bien sûr dans notre nature, cependant nous ne voulons pas récolter des points, mais jouer, Nous sentir bien ! » disait Steffen Walz. L’homme accorde plus d’importance à l’apprentissage lui-même qu’au gain et son engagement se porte uniquement vers des dispositifs jugés «utiles». Plutôt que de tomber dans le piège du matraquage ou de la récompense dérisoire, pensez à privilégier une expérience créative et divertissante en mesure d’exercer une stimulation intellectuelle sur le jouer.

Les badges n’ont de valeur que relative. Comme le citait très justement Olivier Mauco « Si vous faites un dispositif de gamification sans réellement offrir quelque chose d’autre que les badges cela risque de poser un problème dans l’engagement. »

En déclarant que la gamification est « un moyen d’identifier les problèmes pour y trouver des solutions, en mettant des groupes de travail en compétition pour pousser les employés à innover » Benjamin Moitié, consultant chez Alcyonix voyait juste. Cependant mettre en compétition les joueurs (employés) ne suffit pas.

Ceux-ci doivent avoir l’impression d’apprendre quelque chose comme à s’améliorer dans le jeu, à mieux enquêter etc. L’exemple le plus simple est celui d’Angry Birds, dans lequel le joueur commence par tirer trop haut puis trop bas, au centre et enfin correctement. Cette sensation de compétence, d’auto-efficacité, de maîtrise est primordiale pour espérer impacter sur le joueur mais cela n’est pas suffisant. Elle instaure juste la sensation de plaisir. Les entreprises doivent donc se concentrer sur ce qui fait vraiment la qualité de l’expérience : le Gamedesign et la scénarisation.

L’univers exploité a également son importance et doit être établi en amont pour être à la fois en corrélation avec celui de la société et avec les codes chers aux employés.

En bref, travailler un vrai storytelling, crédible, avoir une promesse aspirationnelle simple à comprendre et impliquante, est une priorité.

La gamification peut-elle devenir un moteur d’engagement interne ?

La gamification est un moteur d’engagement interne à fort potentiel. Cependant, afin d’optimiser cette pratique au sein de ses effectifs, il est impératif de dissoudre le monopole du contrôle managérial, car sans flexibilité, pas de gamification possible. L’approche de Frederic Williquet à ce sujet est pertinente. Il  préconise un univers de travail basé sur trois piliers : les forces de chacun, l’autonomie renforcée des employés ainsi que la collaboration de tous.

« On peut en savoir plus sur quelqu’un en une heure de jeu qu’en une année de conversation » disait Platon. Et si le jeu en plus de rendre les collaborateurs plus motivés et créatifs, permettait de rapprocher les équipes et de mieux cerner les profils ? Une question à laquelle j’espère pouvoir répondre de manière positive lors d’un prochain billet illustré d’expérimentations concrètes.

Dans un second article, nous déterminerons les enjeux communicationnels de la gamification, chez les annonceurs et les politiques. Rendez-vous la semaine prochaine ! 

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13 commentaires
13 commentaires
  1. C’est 1,7 milliard de CA annuel en France ? Parce qu’à l’international ça me paraît un peu dérisoire.

    Je suis ok avec Platon sur le fait qu’en jouant on laisse davantage parler ses émotions, on se lâche plus et ça permet de connaître davantage certaines personnes.
    Mais en ce qui concerne le rapprochement des équipes, ça dépend du jeu, si ça devient une compétition je doute que ça aille dans ce sens.

  2. Les bureaux marketing vont s’amuser dans les prochaines années. Le développement de la mobilité, avec l’interaction marque – jeu – consommateur va prendre ses marques, tout comme le phénomène QR code d’ailleurs, Pour le moment on tatonne et on expérimente, mais vu le déploiement du nombre de startups dans ce domaine et la taille du marché les pionniers seront les plus expérimentés pour convaincre des consommateurs toujours plus exigeants.

  3. Une hausse des concurrents sur le marché europeen est a craindre. Des nouvelles strategies doivent etre deployer pour eviter ce probleme.

  4. Le jeu est un marché en pleine explosion, qui rapporte beaucoup et qui ne coute que des cerveaux en ressources de production ! des graphiste et des developpers, quelques idées et on envoie sur le marché. de plus avec la dématérialisation du produit cela offre encore beaucoup de posibilités de vente.

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