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Nos téléphones nous écoutent-ils vraiment ?

Vous avez parfois l’impression que votre téléphone vous écoute ? Il y a sans doute des raisons de le penser. Mais est-ce vraiment le cas ?

Il arrive parfois que notre téléphone affiche des publicités pour des produits dont nous avons parlé avec nos proches. Pourtant, nous n’avons effectué aucune recherche préalable. On en déduit alors logiquement que quelqu’un ou quelque chose nous écoute. Ce quelque chose, ne serait-ce pas notre téléphone ?

Alors que la question du respect des données privées figure parmi les nouvelles préoccupations des consommateurs, les pratiques de certains géants de la tech interrogent. Si les rouages du ciblage publicitaire sont connus dans les grandes lignes, les méthodes employées par les entreprises du secteur restent opaques.

À la question « nos téléphones nous espionnent-ils ? », les avis divergent. Pour obtenir une réponse concrète, nous avons étudié le sujet en nous penchant sur les explications de plusieurs experts. Alors, nos téléphones nous écoutent-ils vraiment ?

Siri, Alexa, Google Assistant : les assistants vocaux nous espionnent-ils ?

Alexa Siri Google Assistant
© Presse-citron.net

« Ok Google », « Dis Siri », « Alexa » : ces mots, nous les prononçons pour interroger nos assistants vocaux. En profitent-ils pour nous écouter ? Sur ce sujet la situation est « assez transparente » explique aux Echos Mathieu Cunche, enseignant-chercheur à l’Insa-Lyon et l’Inria spécialisé dans la protection des données personnelles.

Pour savoir que nous les avons interrogés, les assistants vocaux doivent forcément nous écouter. Ce qui est plus flou, c’est ce que les géants de la tech font de nos échanges.

Ces entreprises préviennent l’utilisateur qu’elles peuvent analyser les échanges pour perfectionner les algorithmes. Il existe aussi des faux positifs, ces mots ou expressions qui ressemblent à « Ok Google », « Dis Siri » et « Alexa » et qui déclenchent involontairement l’écoute.

Or, « toutes les grandes plateformes – Apple, Facebook, Amazon, Google – ont toutes été épinglées parce qu’elles ont sous-traité, dans des pays étrangers, l’écoute d’échanges avec des assistants vocaux grâce à l’intelligence artificielle » explique à Europe 1 Olivier Tesquet, journaliste à Télérama, spécialiste du numérique et auteur du livre « À la trace : enquête sur les nouveaux territoires de la surveillance ». Autrement dit, les créateurs de ces assistants vous écoutent, mais d’autres entreprises dont vous ne connaissez sans doute pas l’existence aussi.

Plus question alors de perfectionner l’algorithme mais plutôt d’améliorer le ciblage publicitaire ? Difficile à dire. Selon Mathieu Cunche « il est difficile de savoir exactement ce qui se trame dans ces écosystèmes informatiques en vase clos ».

On peut toutefois supposer qu’il ne se trame pas grand chose de bon pour nos données personnelles. Car en 2019, acculés par les scandales, Apple, Google et Amazon ont indiqué avoir abandonné ces pratiques soit temporairement soit localement soit définitivement.

Malgré tout, certains experts recommandent de désactiver le micro lorsque l’on utilise pas l’assistant. Premier problème : la technologie perd tout son intérêt. Second problème : les assistants vocaux ne sont pas les principaux points d’entrée pour vous « écouter ».

Méfiez-vous de vos amis

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Dans un article intitulé « Votre téléphone n’espionne pas vraiment vos conversations – la vérité pourrait être plus effrayante », Kaspersky révèle d’autres zones plus méconnues et plus sombres de l’ « écoute » de nos téléphones.

L’expert en sécurité révèle que les informations récoltées par Google et Facebook leur permettent de créer un « double numérique » de chaque utilisateur. Grâce à la puissance des algorithmes, ils seraient même en mesure de prédire ses besoins.

Mais d’où viennent toutes ces informations ? D’abord de vos recherches. À priori, vous en êtes tout à fait conscients. En revanche, les recherches de vos amis et/ou contacts ne devraient pas avoir d’impact sur votre vie. Pourtant, Damien Bancal, blogueur spécialisé en sécurité informatique, explique à BFM TV que cette hypothèse est tout à fait envisageable. Selon lui, « si mes amis se trouvent dans les mêmes boutiques que moi et que les algorithmes le détectent, il sera alors possible de proposer des produits out des promotions à ce groupe ».

Il ajoute que les algorithmes n’ont même pas besoin de vous localiser dans un même lieu. Par un croisement d’informations (mentions, « j’aime », commentaires, recherches) ils sont en mesure de vous suggérer des produits auxquels vous n’auriez peut-être pas pensé mais qui correspondent à vos besoins.

Par exemple, une femme annonçant sa grossesse recevra très vite des publicités ciblées correspondant aux différentes étapes de sa grossesse alors qu’elle n’a encore entamé aucune recherche.

Les applications, c’est le « Far West »

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© Presse-citron

En réalité, les principales sources d’écoute de votre téléphone viennent de là où vous ne l’imaginez pas. Selon Mathieu Cunche, le monde des applications c’est « le Far West ». En cause, les autorisations accordées aux éditeurs à chaque installation et/ou mise à jour.

Qui lit intégralement les conditions générales d’utilisation ? Qui n’a jamais accepté de donner toutes les autorisations sans vérification préalable ? Pourtant, certaines applications demandent des accès n’ayant aucun lien avec leur but principal. Pourquoi une application de retouche photo aurait-elle besoin d’un accès à votre micro par exemple ?

C’est en cliquant un peu vite que l’on se fait aspirer ses informations en toute légalité. Et comme les applications peuvent être reliées entre elles, les possibilités deviennent quasiment infinies.

C’est d’ailleurs sur ces autorisations que Facebook a structuré son business model. Récemment, le géant américain était une fois encore pointé du doigt pour le changement de conditions d’utilisation de WhatsApp, son application de messagerie. Imaginez les possibilités pour cette entreprise capable de relier les infos personnelles de WhatsApp, Instagram et Facebook. Cela vous effraie ? C’est normal.

D’autant que ces entreprises ont semble-t’il davantage réfléchi à perfectionner les algorithmes plutôt que les protéger. Les failles de sécurité ne sont pas rares et exposent les données personnelles de millions d’utilisateurs à des personnes ou entreprises aux ambitions plus malveillantes. Le scandale Cambridge Analytica, ça vous dit quelque chose ?

Selon une étude de Barracuda Networks menée auprès de 750 sociétés occidentales et relayée par Les Echos , toutes ont été victimes au moins deux fois d’intrusions liée à la vulnérabilité d’applications.

Plus inquiétant encore, la législation française est bien impuissante face à ces problématiques. Les dernières recommandations de la CNIL, gendarme de la protection des données, remontent à 2011 !

Comment se protéger ?

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© Google

« La quantité de données que l’on laisse sur son smartphone est considérable, on a tendance à la sous-estimer. Et il ne faut pas oublier qu’elles sont combinées à la puissance de calcul d’algorithmes toujours plus puissants, en constant progrès. Nos soupçons de surveillance sont légitimes » avertit Mathieu Cunche auprès des Échos. Mais alors, que faire pour éviter que notre téléphone nous « écoute » ?

La première règle consiste à bien vérifier les autorisations accordées aux applications, car elles sont l’épicentre de l’aspiration de données. Apple et Google ont considérablement amélioré les fonctionnalités permettant de vérifier et ajuster ces autorisations. Avec iOS 14.5, la marque à la Pomme a d’ailleurs déjà pris un train d’avance. Android 12 et iOS 15 qui débarqueront fin 2021 iront encore plus loin. N’hésitez pas non plus à désinstaller les applications que vous n’utilisez quasiment plus.

Mieux encore, vous pouvez aussi tenter de remplacer au maximum les applications des GAFA par des alternatives moins intrusives. On pense par exemple à DuckDuckGo pour le moteur de recherche ou Signal pour remplacer WhatsApp.

Enfin, n’hésitez pas à couper le micro de vos assistants lorsque vous ne pensez pas vous en servir. Ce sera déjà cela de gagné.

De manière générale, retenez que les entreprises à l’origine de tout ce qui est intégré à votre smartphone « ont tous les pouvoirs » avertit Mathieu Cunche. À chacun de nous de limiter au maximum leurs intrusions. Peut-être alors, aurons-nous moins l’impression que nos téléphones nous écoutent.

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