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“Tu ne veux pas reprendre la ferme de ton père en Arkansas ou devenir banquier à New York ? Monte ta startup à San Francisco !”

Guillaume, notre collaborateur sur le projet Dronestagram, vient de passer cinq semaines aux USA dont un mois à San Francisco. Retour d’expérience après immersion au pays des startups millionnaires.

Guillaume, notre collaborateur sur le projet Dronestagram[1], vient de passer cinq semaines aux USA dont un mois à San Francisco afin de mieux comprendre les codes de l’entrepreneuriat et prendre des contacts en vue d’une éventuelle installation sur place. Il en a aussi profité pour tirer quelques portraits de français déjà établis à San Francisco.

Je ne pouvais pas quitter les US avant de vous envoyer le traditionnel récit de fin de voyage ! Attention c’est une tartine, un donut, un muffin, un bacon egg muffin ! !

On parle beaucoup de San Francisco, de la Silicon Valley, des startups à succès et du mode de vie Californien à la cool. Moi qui viens d’un coin davantage reconnu pour la production de reblochon, je voulais vraiment voir ça et j’avoue que je n’ai pas été déçu. J’ai rencontré plein de gens qui m’ont tous demandé pourquoi je ne m’installais pas ici avec de grands yeux ronds, comme si j’étais trop con ! Ces mêmes gens, qu’ils soient Français ou Américains m’ont dit qu’ils adoraient la France pour passer leurs vacances et profiter de la bonne bouffe. Mais franchement, pour le business… COME ON !

C’est vrai qu’il est dur de leur donner tort : Apple, Amazon, Google, Facebook, Twitter, Netflix, Uber, Airbnb, e-bay… Quelques PME sympas qui crachent des milliards de dollars et qui se succèdent le long d’une route aussi longue que le trajet entre Lyon et Saint-Etienne. Avouez que ça fait mal !

Alors les amis, c’est quoi leur secret aux Américains ? Je vais essayer d’apporter quelques éléments de réponses en commençant par vous expliquer comment un repaire de hippies comme San Francisco est devenu une ville de geeks multi-millionnaires.

Hippies vs Hipsters

A l’origine San Francisco est la ville libertaire par excellence. Imagine que tu as 15/25 ans dans les années 60. Tu détestes l’establishment, tu ne veux pas reprendre la ferme de ton père dans l’Arkansas ou devenir un connard de banquier à New York ? Tu joues dans l’équipe de foot de ton lycée seulement pour te retrouver sous la douche avec tes camarades ? San Francisco est la ville faite pour toi. C’est le point de rassemblement des gens qui rêvent de changer le monde et vivre librement dans une société plus tolérante, égalitaire et juste. Imaginez des hordes de hippies avec des fleurs dans les cheveux en plein trip de LSD qui font l’amour à douze dans de belles maisons (bleues) victoriennes en écoutant Jefferson Airplane ou The Grateful Dead et vous avez une image de la ville dans les années 60. Flower power.

“Tu détestes l’establishment, tu ne veux pas reprendre la ferme de ton père dans l’Arkansas ou devenir un connard de banquier à New York ?”

Juste à côté, la Silicon Valley attire les meilleurs ingénieurs du monde et commence déjà à faire parler d’elle. Les années 70 touchent à leur fin, les hippies commencent à se couper les cheveux et cherchent à changer le monde mais si possible en gagnant de l’argent cette fois ! Dans le garage de leurs parents, des startups comme Apple ou Hewlett Packard commencent à développer des produits qui vont plutôt bien marcher. Un savoureux mélange donc entre des gens non conformistes et très créatifs d’un côté et des retraités fortunés prêts à investir de l’autre, sûrement les arrière petits-fils des vieux roublards venus ici pour chercher de l’or 150 ans plus tôt.

Mais ce qu’il faut retenir, c’est que le succès de la Silicon Valley va changer le destin de San Francisco. 40 ans plus tard, les hipsters et leurs fixies ont remplacé les hippies et leurs guitares. Un geek de 20 ans sans charisme à moitié roux est devenu multi milliardaire en créant un réseau social qui va connecter plus d’un milliard et demi de personnes dans le monde. Fini les colocs de 12 beatniks avec le loyer à 60$ par mois, c’est désormais 3500$ minimum qu’il faut débourser pour se loger à peu près décemment. Certains le peuvent puisque j’ai rencontré des mecs de 25 balais qui sont millionnaires. Je répète, millionnaires. Leur talent, c’est de savoir aligner des lignes de codes pour des entreprises qui les rémunèrent en conséquence. 200 000$ annuels pour un développeur mobile chez Uber plus 1 million de dollars en stock option à percevoir au bout de 5 ans (comme ça le mec ne se casse pas trop vite). Je vous dis ça mais Uber paye moins bien que Facebook qui paye moins bien que Google…

“40 ans plus tard, les hipsters et leurs fixies ont remplacé les hippies et leurs guitares.”

Une ville qui était à la fois un repère de chevelus a donc été envahie par une armée de geeks. Les gens (ceux qui ne travaillent pas dans la tech) protestent contre la hausse des prix et crachent sur les Google Bus privatisés qui viennent chercher leurs employés, les salles de cinéma se transforment en salles de sport et les classes populaires doivent partir de l’autre côté du pont, à Oakland. On appelle ça la gentrification.

La recette miracle !

Ok mais pourquoi ces boites naissent ici et pas ailleurs ? Pourquoi tout part de là ?

En fait c’est assez simple, pour les raisons expliqués ci-dessus, la région a une mentalité très créative et une grosse culture de l’entrepreneuriat. En parallèle, deux universités, Berkeley et surtout Stanford (qui détient le record de Prix Nobel) attirent les plus gros cerveaux de la planète. Elles le peuvent car elles sont financées à coups de millions de donations par des boites du privé qui en contrepartie vont piocher dans les talents qu’elles ont contribué à former. Pure logique.

Enfin, et c’est là l’élément le plus important, des Venture Capital (fonds d’investissement) se battent à coups de millions pour financer les petites pépites qui vont les rendre encore plus riches. Tant pis si les 3/4 d’entre elles échouent. Celles qui vont décoller vont tellement leur rapporter que cela compense sans problème les échecs des autres.

Vous avez donc un tiercé gagnant : talent, créativité et argent réunis au même endroit. Et c’est justement ce même endroit qui compte car les US représentent un marché si gros que si cela fonctionne, c’est vite le Jackpot ! Exportable bien sûr en Europe et en Asie.

Le cercle vertueux est en route, des milliers de projets cherchent un financement, des dizaines y parviennent et entretiennent le mythe de la ruée vers l’or.

“Ce que les Américains ont compris, c’est qu’il ne suffit pas d’avoir la bonne idée, il faut surtout aller vite !”

Ce que les Américains ont compris, c’est qu’il ne suffit pas d’avoir la bonne idée, il faut surtout aller vite ! Et c’est là que San Francisco joue un rôle majeur avec une caisse de résonance mondiale. Car la ville sert de test pour toutes les start-up qui cherchent à valider leur modèle (ex : Uber ou Airbnb). Si ça marche ici, ça peut marcher sur un marché de 300 millions d’américains puis de 740 millions d’européens. Et même si la valorisation de ces boites déconne franchement, la magie du digital et la capacité de ces startups à conquérir des millions d’utilisateurs en si peu de temps relève du miracle et va leur rapporter gros. Surtout qu’en prenant tout le monde de court, ils se retrouvent très vite dans une situation monopolistique. Winner takes all, comme on dit là-bas.

Ici les investisseurs sont hantés par le FOMO (Fear of missing out [the next bing thing]), la peur de manquer le prochain succès mondial. Quand je leur parle de BlaBlaCar, (cocorico, fierté nationale), seule start-up à être valorisée à plus d’1 milliard avec Criteo, ils ne l’ont même pas mauvaise car ils savent que cela ne marcherait pas ici. Distance entre les grandes villes trop longues à couvrir et essence pas encore assez chère pour avoir envie de se serrer à 5 dans un pickup.

“J’ai pu facilement rencontrer des personnes inatteignables en France juste le temps d’un café.”

Bon la vraie question que vous attendez tous : est-ce qu’on pourrait réussir nous aussi dans cette jungle ? Mais oui, vraiment. Certaines personnes avec un peu de bouteille m’ont expliqué que finalement l’esprit dans la Silicon Valley est très moutonnier. Il ne suffit pas d’être un génie mais de savoir s’entourer de bonnes personnes. Ensuite il faut savoir réseauter, sport national chez les Américains. Mais les gens sont très à l’écoute. J’ai pu facilement rencontrer des personnes inatteignables en France juste le temps d’un café.

En fait c’est tout à fait imaginable de monter une boite en France qui reste un très bon pays pour se lancer (allocations chômage, bourse BPI et prêt à taux zéro), alors que les aides sont inexistantes ici. Mais la clé pour réussir, c’est de très vite de migrer aux US à condition de délocaliser sa boîte (juridiquement) et de s’installer durablement, pas pour un mois 😉 Même si tu peux bluffer un peu, les mecs te sentent venir à 20 000. Le gars qui vient pour lever de l’argent et repartir tranquille au pays le portefeuille bien rempli pour bouffer du foie gras en dépensant leurs ronds, ça les intéresse assez moyennement.

Il n’empêche que c’est le paradis pour réseauter et développer son activité.

Bon voilà, c’était pour la partie « business », vraiment fascinante à mes yeux.  C’est la Ligue des Champions pour l’entrepreneuriat dans les nouvelles technos, alors que nous sommes en Ligue 2. Il y a beaucoup, beaucoup mais vraiment beaucoup d’argent dans cette ville. Le mec qui prend son café à côté de toi, habillé en jogging est peut être millionnaire. Les gens ne sont pas du tout show off, ils sont à la cool, plutôt discrets, sapés comme des provinciaux qui sortent de Decath. C’est quand même le seul endroit où tu peux voir des mecs en costard aller au boulot en long board et rouler en Porsche avec barres de toit pour planches de surf. J’ai appris que les New Yorkais les considéraient comme des gros beaufs. Comme quoi on est tous le beauf de quelqu’un.

La Californie. Cool, calme, zen.

En dehors du travail, c’est le culte du cool et du bien-être qui prime. Les plus sportifs font du surf, du kite-surf et du voilier dans la baie ou du VTT derrière le Golden Gate. La nature est partout, belle et très bien préservée. Les autres font des promenades, du jogging, du yoga ou promènent leur chien et ramassent leurs crottes avec autant de délicatesse et d’émerveillement que si c’étaient des chanterelles. Les gens semblent vivre dans une bulle. Le weekend venu, ils se réunissent entre amis dans des aires aménagées au bord de l’eau pour faire des pique-niques géants, avec des paquets de chips géants et des packs de bière géants pour enfin repartir dans leurs pick-up géants. Ce sont des américains, ils ne regardent pas du tout vers l’Europe, ni vers l’Asie d’ailleurs. Ils s’occupent d’eux et ont l’air de se  foutre royalement de ce qu’il se passe ailleurs. Il faut dire qu’ailleurs, c’est loin… Surtout l’Europe. Ces 9 heures de décalage te tuent, je commençais mes journées quand vous les finissiez. Ils devraient être à la bourre et pourtant ils ont une longueur d’avance sur nous. Ils sont chiants.

Bon tout n’est pas si rose. Je peux vous dire que mon quartier ne l’était pas du tout. Je n’ai jamais vu autant de toxicos, sans-abris, putes et dealers de toute ma vie. C’est le bon vieux libéralisme américain. Winner vs Loser. Pas de pitié pour ceux restés sur le bas-côté. Ce qui m’a le plus choqué, c’est le nombre de fous qui déambulent dans la ville. Dans les années 70, Reagan, alors gouverneur de la Californie, a décidé de fermer des hôpitaux psychiatriques pour réduire les dépenses. Du coup il y a de vrais phénomènes de foire, schizophrènes, anciens du Vietnam qui parlent tout seulS et se roulent sur les trottoirs en chantant l’hymne américain. C’est assez flippant.

The End

Voilà, c’est la fin du voyage. J’ai perdu plein de thune car la vie est hors de prix mais j’ai aussi conduit une Ford Mustang Cabriolet sur la côte pacifique, vu des dauphins à 10 m de la plage, traversé le Golden Gate à vélo, rencontré des gens passionnants et mangé 40 burritos plus délicieux les uns que les autres !

Hasta la vista muchachos.

[1] Guillaume est responsable du développement pour Dronestagram. Il gère toute la partie marketing, RP, community management, opérations spéciales et relations avec les annonceurs. Bref il est l’homme à tout faire 🙂

Photos : Guillaume Jarret.

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11 commentaires
11 commentaires
  1. J’ai passé tout le mois d’août à SF. Et le récit que j’en ai fait est si proche du tien, à la phrase près. C’en est troublant !

      1. C’est plus un récit de voyage, mes observations sur la ville éparpillées dans plusieurs articles : http://camillesbreath.com/category/san-francisco/
        Extrait : “Le mec au café à côté de toi. Jean, tee-shirt, vielles baskets. Peut être le CEO d’une énorme start-up. Multi-millionaire. Et il va te demander tout simplement s’il peut brancher son ordi à la prise à côté de toi. Et toi, tu vas lui demander de regarder tes affaires pendant que tu vas aux toilettes. Sans même savoir. Tout est mixé ici.” 😉

          1. ah ah oui, mais si on a eu le même ressenti pour SF, peut-être que je t’ai fait gagner du temps pour LA !!!

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