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[détox] De la culture dans votre boîte e-mail

Alors qu’on l’annonçait morte avec l’avènement des réseaux sociaux et des agrégateurs de contenus, la newsletter semble partie pour opérer un fracassant retour.

Deuxième épisode de notre nouvelle rubrique « Détox : comprendre la mutation numérique dans les médias ». Cette série d’articles publiés un vendredi sur deux à 15h (de la lecture pour le weekend) tente de décrypter, comprendre et expliquer l’impact d’internet et du mobile dans l’évolution de l’information et des médias. C’est Clément, rédacteur sur Presse-citron depuis quelques années et très en veille sur ces sujets, qui s’y colle.

Pour ce deuxième épisode de [détox], je vous propose de vous pencher sur cet ex-futur outil obsolète et d’y saupoudrer un peu de culture avec Artips et Curaterz.

Un retour aux vieux usages ?

Le progrès technique encourage parfois le retour et le recours aux vieux outils. Symbole de ce web que d’aucun considère comme dépassé, l’e-mail périodique est en train d’être remis au goût du jour. Car tel le phénix renaissant de ses cendres ou Djibril Cissé de retour sur les terrains de football après ses nombreuses blessures, la newsletter revient. Difficile de prédire ce retour (presque) triomphal il y a encore quelques années, tant nous en avions assez de voir notre boîte e-mail se remplir de messages dont nous lisions la plupart du temps seulement le titre. Les marketeurs étaient alors parvenus à nous inonder de messages jusqu’à l’overdose et cet outil a fini par montrer ses limites. Mieux encore, le courrier classique s’était découvert une nouvelle jeunesse grâce à l’e-mailing ! Seulement, la newsletter n’étais pas disposée à garnir les musées 2.0 et opère donc un subtil mais efficace retour en force.

On peut évidemment se demander ce qui a bien pu passer par la tête des stratégistes lorsqu’ils ont choisi de dépoussiérer l’outil. Imaginez un instant, au cours d’une nouvelle réunion visant à innover, innover et encore innover, que l’un d’eux se lève et dise : “J’ai une idée : on va utiliser les newsletter pour diffuser notre contenu”, ce à quoi le boss répond “Tu es bien gentil avec tes propositions, mais la newsletter ça fait des années qu’on l’utilise, on a de moins en moins de retour donc il faut qu’on aille sur les réseaux sociaux maintenant”.

Quand je parlais d’un retour aux vieux usages, je n’allais pas jusque-là ! (Photo : VisualHunt)

Et c’est là que se trouve la différence entre la newsletter d’hier et celle d’aujourd’hui : la newsletter n’est plus un média parmi d’autres, c’est LE média. Un retour surprise rendu possible par plusieurs faits. Premièrement, la mort de Google Reader en mars 2013 a contraint de nombreux sites d’informations aux États-Unis à lancer leur propre newsletter. Ensuite, le flux continu d’actualités est si important qu’on ne sait parfois plus où donner de la tête ; or une newsletter permet d’avoir un résumé quotidien ou hebdomadaire de l’ensemble des publications d’un site donné. Enfin, les smartphones ont considérablement changé notre rapport à l’e-mail : on le sort des centaines de fois par jour pour consulter notre boîte de réception ou on charge les e-mails importants à lire avant de prendre le métro.

Mais au-délà de ces facteurs externes, la newsletter a su se renouveler, ou plutôt ceux qui l’utilisent ont su la rendre attractive. Bien loin du vieux sommaire parsemé de liens externes qui avaient pour objectif d’augmenter le trafic vers le site, cette nouvelle version est le prolongement du site, voire le remplace (je vous invite à relire l’article sur Brief.me pour voir comment se substitue parfaitement à un site d’actualité). Elle reprend ses thématiques, ses couleurs, son ton. Elle est fiable, légère et met de côté la logique du clic pour se concentrer sur le service et la fidélisation. Elle propose parfois d’approfondir un sujet en proposant des liens intéressants susceptibles d’intéresser le lecteur et sans contenu personnalisé via des algorithmes. Simplement de l’humain qui partage ses goûts et centres d’intérêt. Un exemple ? Allez, c’est parti !

Artips, la minute d’art trois fois par semaine

Artips est une newsletter qui paraît trois fois par semaine et permet d’apprendre une anecdote sur l’histoire de l’art. Élue [Start-Up française de la Semaine] dans le cadre du grand concours Start-Up Presse-Citron en 2014.

Petit retour en arrière : il y a quelques années, Coline – fondatrice de la startup Artips et passionnée d’histoire de l’art – n’a plus le temps de lire ou d’aller au musée pour continuer d’apprendre et de se cultiver. Se doutant bien qu’elle n’est pas la seule dans cette situation, elle participe à un startup weekend, rencontre Jean, le projet évolue, Gérard Marié, professeur d’histoire de l’art à Sciences Po les rejoints pour valider toutes les anecdotes, et l’entreprise est créée. Son but : proposer une minute de culture à toutes les personnes intéressées par l’histoire de l’art mais qui manquent parfois de temps pour lire des livres. Le meilleur moyen pour atteindre ces personnes ? Une newsletter.

Aujourd’hui, cette newsletter compte 250 000 abonnés et continue d’attirer 30 à 40 000 nouveaux lecteurs par mois. “La newsletter a été proposée par gain de temps, car tout le monde prend le temps d’aller consulter ses mails” explique Coline. “Cela permet de toucher un public très large et surtout, c’est un média qui plaît : le taux d’ouverture de la newsletter est de 60%. L’objectif est toujours resté le même : favoriser le développement de la culture générale avec des contenus variés (photographie, art contemporain, etc.) produits par 170 spécialistes en histoire de l’art et tous validés par un expert. Nous faisons également une première version de la newsletter qui est envoyée à 150 testeurs, avant d’être partagée à la communauté”.

https://www.youtube.com/watch?v=nixPTX0D_0o

Mais diffuser la culture par e-mail, c’est loin d’être du fast-food, même si ça ne prend qu’une minute à lire. “Le mail raconte une histoire, il y a un véritable travail d’écriture. Pour apprendre, pour découvrir, il faut avant tout être curieux et c’est ce qu’on transmet à travers la newsletter. Par exemple, le nom de l’œuvre ou de l’artiste n’est jamais dans le titre de la newsletter, on commence toujours par une anecdote ou une phrase qui interpelle. Ensuite, tout passe par l’histoire que l’on raconte”. 

La curiosité, c’est donc ce qui va pousser le lecteur à approfondir le sujet via les liens à la fin de l’e-mail ou à se contenter de l’anecdote. C’est aussi ce qui pousse à s’éloigner du contenu mainstream pour profiter des goûts et des savoirs de gens passionnés plutôt que de laisser des algorithmes nous servir sur un plateau du contenu qui a entre 80 et 95% de chance de nous plaire. Si n’importe qui peut proposer une anecdote, le contenu est vérifié et validé à chaque fois. De nombreux articles sont d’ailleurs proposés par des élèves, des professeurs ou des passionnés.

Face au succès de cette newsletter d’art, de nouvelles anecdotes sont à découvrir via le lancement de nouveaux services : MusikTips, qui propose une fois par semaine une anecdote sur l’histoire de la musique, et bientôt d’autres médias et courants comme le cinéma, la philosophie ou les sciences.

Et comme je vous vois venir avec vos questions sur le Business Model, sachez qu’Artips ne propose pas de version payante ou de publicité mais propose des partenariats avec des musées, des visites guidées spéciales “Artips” payantes ou des produits physiques comme des livres ou des box.

Quoi, vous voulez encore un peu de culture ? Ok, je vous parle de Curaterz.

Un peu de culture urbaine

Les Haterz sont une bande de trentenaires passionnés de culture urbaine. L’année dernière, ils ont lancé avec quelques amis, une lettre quotidienne nommée Curaterz. L’idée est née du partage d’actus entre amis par e-mail, dans lesquels ils disaient “T’as vu ça, c’est cool”. Depuis, le support est resté mais la liste de diffusion s’est agrandie. Petit entretien.

Depuis quand Curaterz existe ?

Un peu plus d’un an, nous avons envoyé notre toute première newsletter le 25 novembre 2014.

Comment est venue l’idée ?

L’idee est venue d’un constat : on est une bande de potes, et quand on se réunit, on se parle toujours des derniers trucs qui nous ont plu. On repart chacun avec une liste immense d’articles à lire, de séries à voir, d’albums à écouter… On a donc eu envie de partager ça avec le plus de monde possible.

Comment sélectionnez-vous les articles/actus dont vous parlez ?

À l’enthousiasme, exclusivement. On pense que ce sont les gens passionnés qui parlent le mieux de ce qu’ils aiment. Donc si quelqu’un a envie de parler d’un truc auquel il croit, on le laisse faire. On essaie d’aborder des sujets variés, avec l’idée que chaque newsletter doit être imprévisible. Un lecteur nous a comparé à la boîte de chocolats de Forrest Gump, ça nous plaît bien. C’est vraiment comme ça qu’on aimerait être perçus : comme une source de contenu aléatoire, toujours surprenante. On aime titiller la curiosité, et parler de trucs pas forcément connus. À terme, on aimerait qu’un article Curaterz soit un gage de qualité assez fort pour que nos lecteurs/trices s’intéressent à des sujets qui dépassent leurs centres d’intérêts habituels.

Combien êtes-vous à écrire ?

Aujourd’hui, hors collaborateurs ponctuels, l’équipe compte sept membres. On publie trois fois par semaine (lundi, mercredi, vendredi), ce qui nous permet d’assurer le rythme. Au début on publiait tous les jours, rétrospectivement on avait la tête sous l’eau, on ne sait pas trop comment on a tenu.

Pourquoi utilisez-vous une newsletter plutôt qu’un site classique ?

Pour ne rien cacher, on avait aussi pensé à une app, et à un site… Et puis on a choisi l’e-mail pour plusieurs raisons. D’abord, on voulait avoir notre petite bulle à part, pour créer une respiration et s’extraire du flux des réseaux sociaux et de l’info en continu sur les sites. Prendre le temps de mettre en avant le contenu que l’on aime. D’ailleurs, pour le moment, on a choisi de ne mettre en ligne quasiment aucune archive. Pour lire un mail envoyé un jour J, il fallait être abonné ce jour-là. Ou trouver quelqu’un pour vous le forwarder !

Ensuite, au niveau technique, le mail nous a permis de nous lancer très simplement et spontanément, et d’entamer de façon naturelle la conversation avec nos lecteurs. On voulait développer une relation plus intime avec eux et elles. Pour s’inscrire, il y a un petit formulaire à remplir, c’est une démarche qui les engage un peu.

Capture d’écran de la newsletter du 22 février

Comment vous faites-vous connaître ?

Pour le moment, c’est du bouche à oreille sur les blogs et les réseaux sociaux, surtout Twitter. On se rôdait, on n’a pas encore fait de vrai lancement officiel ! Les gens nous ont découverts aussi via certaines collaborations un peu spéciales, comme le mini-site Clique x Curaterz, ou notre mixtape du nouvel an, “Party like it’s 1999”.

Récemment, Topito nous a gentiment classé n°1 de leur top 10 des newsletters, ce qui nous a valu une hausse de popularité. C’était très cool de leur part.

Comment décrire la philosophie de Curaterz ?

Un jour sur deux, on partage avec vous une recommandation culturelle : des séries, de la musique, des gâteaux à la pastèque, de la physique quantique… Curaterz, c’est de l’enthousiasme aléatoire.

D’où vient le nom ?

Parmi les fondateurs du projet, certains faisaient partie d’un collectif, le Crew des Haterz. On a donc fait un jeu de mots TRES SUBTIL. En gros, avec Haterz ils vannaient l’univers du rap, tandis qu’avec Curaterz, on a décidé de dire exclusivement du bien, sans se limiter à un univers particulier. Mais on essaie quand même toujours de glisser quelques blagues dans les posts.

Quelques noms ?

Parmi les membres de la rédaction, il y a donc des gens de Haterz.fr, mais aussi des contributeurs actuels (ou passés) de fubiz.netabcdrduson.com, Tsugi et Cartoon Network.

Une dernière chose à dire ?

Merci à nos abonné(e)s pour leurs retours, et à Presse-Citron pour cette interview. On va lancer notre site dans quelques jours, avec un redesign de notre identité. On est impatients de tout vous montrer, ça va s’accompagner de plusieurs nouveautés. Bref, c’est le bon moment pour s’inscrire ! 🙂 On est aussi très ouverts aux suggestions : si vous avez envie de partager des recommandations, ou que vous avez envie d’écrire avec nous, n’hésitez pas à nous contacter sur Twitter.

Vous l’autre compris, l’idée est de trouver un truc cool par jour à diffuser, pour lequel il y a un véritable intérêt et qui va peut-être surprendre le lecteur. Dans cette newsletter, on peut trouver une histoire, un son à découvrir, une liste de livres pour briller en société (c’est mieux qu’un Top 10 non ?), un resto, etc..

Et pour reprendre la citation d’un des lecteurs : Curaterz c’est comme une boîte de chocolats, on ne sait jamais sur quoi on va tomber. Et c’est peut-être ça qui compte, à l’heure des algorithmes, de la suggestion et du mainstream : être surpris.

Et vous, vous lisez des newsletter ? Sinon, en voici 10 plutôt sympas à suivre.

Allez, on se retrouve dans 15 jours pour un nouvel article de [détox] !

Source Image à la Une : VisualHunt

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Par : Opera
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