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Domenico Curcio, piano de moins en moins solo

A une époque où les dinosaures du show-biz cherchent par tous les moyens à protéger leur petit pré carré, n’hésitant pas à rentrer en contradiction avec…

A une époque où les dinosaures du show-biz cherchent par tous les moyens à protéger leur petit pré carré, n’hésitant pas à rentrer en contradiction avec les engagements politiques qu’ils ont portés comme des étendards tout au long de leur carrière, une nouvelle génération d’artistes, née en même temps que le web ou en tout cas ayant grandi avec (comme ceux qui téléchargent), propose une vision différente de la diffusion de leurs productions.

C’est le cas de Domenico Curcio, ce jeune pianiste compositeur pétri de talent dont je vous ai déjà parlé, et dont les œuvres continuent à réjouir mes oreilles et mon cœur.

Domenico n’est pas un artiste comme les autres, et son approche est aussi nouvelle que passionnante : plutôt que d’adopter une démarche classique – à l’ancienne, devrait-on dire – qui consisterait à courir des maisons de disques exsangues dans l’espoir d’une signature toujours très hypothétique, il a pris son destin en main (il a de grandes mains, il est pianiste) et commencé à diffuser ses œuvres directement sur internet.

Bon, jusque-là, rien de très original, me direz-vous.

Certes, sauf que Domenico n’est pas tombé de la dernière pluie web, et qu’il maîtrise aussi bien la communication virale et la gestion de la réputation sur internet que les accords majeurs et les arpèges. Résultat : là où d’autres se contentent d’une vague page HTML de présentation ou d’un profil MySpace noyé parmi des millions d’autres, Domenico investit tranquillement et naturellement tous les canaux qui lui permettent de construire sa notoriété, brique par brique. Uniquement par le web, en vrai expert des médias sociaux.

Il a d’abord créé son site (avec Joomla), qui est une sorte de portail de son activité, regroupant blog, CV et d’autres rubriques. Puis il a commencé à diffuser ses musiques sous la forme de pastilles vidéo libres de droits sous licence Creative Commons.

Bien décidé à poursuivre sa démarche dans cette logique d’ouverture, il a ensuite créé une chaîne Youtube, puis un compte et un groupe Facebook, et enfin, l’inévitable profil Twitter, sur lequel il est particulièrement actif. Un artiste 3.0, quoi.

Bien sûr, tout cela ne rapporte pas grand chose pour le moment mais la notoriété arrive peu à peu et à mon avis nous ne sommes qu’au tout début du commencement de quelque-chose qui pourrait très vite devenir énorme. Attendez seulement un peu que grâce au buzz du web les grands médias commencent à se pencher sur la question… Comme le dit Loic Le Meur dans sa dernière vidéo, reprenant Seth Godin : il suffit que 1000 personnes de confiance soient fan de votre produit pour que ceci assure le début de son succès. Je suis convaincu que Domenico Curcio a déjà 1000 fans, et que la suite va arriver très vite. Ce garçon est un réseau social musical à lui tout seul 🙂


Domenico Curcio – The Sea. C’est superbe non ?

Et ce n’est pas sa dernière initiative qui nous contredira : utilisant au mieux les possibilités techniques offertes par le web de 2009, Domenico a lancé il y a quelques semaines les Live sur internet. A l’aide de sa webcam et du service de vidéo en direct Ustream, il joue ses créations en live pour les internautes, tout en tchatant avec eux entre les morceaux. L’émotion et la convivialité du concert dans une sorte d’intimité paradoxale que peut aussi procurer le web.

Après un premier concert diffusé le 14 avril dernier, deux nouveaux live sont programmés le 14 mai de 20h à 21h (demain !) et le 14 juin prochain, au cours desquels il fera une annonce importante, prouvant que le gars a de la suite dans les idées dans la construction de sa carrière…

Résumons : d’un côté un personnage talentueux et ouvert (qui n’hésite pas à inciter les internautes à reprendre, arranger, compléter, adapter ou remixer ses titres), de l’autre les outils web pour promouvoir son art de la meilleure façon qu’il soit possible de le faire en 2009. Soit le portrait d’un musicien moderne qui sait qu’il a son destin en main, et qui a compris que le web est un formidable allié dans sa promotion.

Un pied de nez à HADOPI en quelque sorte.

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24 commentaires
24 commentaires
  1. Un concept / une initiative très intéressante !

    Dont la majorité de nos artistes français (pour ne citer qu’eux) devraient s’inspirer, au lieu de dénoncer les “tueurs de culture”, “les pirates” …

    Bizarrement se sont les plus gros artistes qui s’opposent au téléchargement ! (vous avez remarqué) … quoi que c’est pas si bizarre que ça ;o)

  2. dans artiste il y a artisant dans la mentalité il y a saltinbanques, je ne vois pas ou est le probleme
    c est une grande fumisterie …
    Ca me rappel l époque historique de l’arrivée de l’automobile, les cocher demandait que vais je faire ?
    On leur a dit tu vas t adapter …Ils sont devenus taxi …
    Je suis pour le téléchargement je le considere comme une publicité artistique, si la pub me plait … j irait voir l artiste en concert ça tombe bien ils aiment etre saltinbanques … et si les lumiere de la salle sont bvelle je dirait c est bien monsieur l’eclairagiste, mais tu es avant tout electricien alors au lieu de faire l intermitent quand tu auras fini avec les ampoule de la salle machin tu viendra chjanger les ampoules chez moi …
    J’arrete c est un sujet qui m énerve je m en va télécharger

  3. Avant de devenir blogueur pro, ils devraient déjà commencer par allumer un PC avec une connexion internet … histoire de vivre avec son temps !

  4. Domenico Curcio est vraiment génial ! Le coup des concerts via Ustream, c’est purement fantastique.

    Déjà qu’avec la communauté qu’il a fédéré autour de ses vidéos en CC, je disais bravo, mais alors là, avec tout ce qu’il fait (innove) régulièrement, y’a vraiment de quoi être bouche bée devant autant d’ouverture et de créativité.

  5. Merci Eric pour cette découverte! Je me suis inscrit à son RSS et à son groupe Facebook. C’est une démarche artistique novatrice qui mérite d’être mise en lumière.

  6. Drôle de papier, tout empreint de la problématique de l’époque en somme : être artiste pour se faire connaître, devenir riche et célèbre (après quoi, se débarrasser de ces scories et gesticulations temporaires, comme on se débarrasse de l’échelle quand on a cueilli toues les cerises…)

    Voilà, nous y sommes, après la marchandisation, ultime étape dans l’instrumentalisation de la créativité : que cette gratuité, ce don, cet excès de l’être, soit dévoué à l’acquisition de la notoriété, nouveau sésame universel…

  7. @gogo : Jacques Brel disait, quand on lui demandait “Pourquoi êtes-vous devenu artiste?”, que la question n’avait aucun sens et que la vraie question était “Pourquoi n’avez-vous pas pu rester un homme ordinaire?”.

    Il y a, évidemment, des faux artistes qui sont des hommes au fond très ordinaires et qui ne font ça que pour la célébrité et l’argent. C’est même l’époque qui encourage à “faire l’artiste”, avec des émissions télévisées qu’il est inutile de nommer.

    Mais il y a une autre hypothèse : “être artiste parce que c’est nécessaire”. Crois-moi, ce n’est pas du vent, il y en a aussi des comme ça.

    Là où je te rejoins, c’est sur la comparaison entre les outils Web 2.0 et l’échelle qu’on retire quand on a pris les cerises. Domenico Curcio n’en est pas encore là, on verra bien si c’est ce qu’il fera…

  8. Merci Eric pour ce billet ! Domenico Curcio à vraiment du talent je l’avais déjà pisté, découvert via Ustream. J’encourage vraiment tout le monde à écouter, voir chacune de ces vidéos… Un Must de Talent !

  9. @Grégoire Colbert

    Je suis tout à fait de ton avis, bien sûr, l’art, la création, est une nécessité, ou n’est pas. C’est une position de principe, une limite vers laquelle tendre, elle demeure parfaitement valable à notre époque.

    Mais alors pourquoi coupler absolument création et reconnaissance, recherche de reconnaissance, maximisation de la reconnaissance? Qu’est-ce qui est recherché dans ce cas, la création, ou la reconnaissance?… Si c’est la reconnaissance qui est une nécessité, souvent c’est une plaie d’enfance, cela se soigne. Si c’est l’art qui est recherché, eh bien, ils sont rares les artistes de talents qui ne finissent pas par ressortir d’une manière ou d’une autre, appelés par le désir des autres : point besoin de se signaler par un plan com.

    Et puis l’angle de l’article qui pousse dans ce sens..

    Cela dit oui il joue de la musique sympa, mais tout comme des centaines de millions de musiciens amateurs dans le monde, qui n’ont pas un tel besoin d’amour. Ce sera donc un peu pour de mauvaises raisons artistiques qu’il deviendra célèbre – s’il réussit..

    Bon en tout cas, c’est mieux de combler cette faille en se faisant connaître par de la musique plutôt que, par exemple, un enlèvement crapuleux menant à la torture à mort de la victime, c’est certain!

  10. @gogo : peut-on, ne serait-ce qu’un seul instant, lui reprocher d’être un peu plus doué en communication ou dans l’utilisation des outils de son temps pour faire parler de son talent? Je ne pense pas.

    Tu as raison, des centaines d’autres son aussi doués mais resteront dans l’ombre car ils n’ont pas cette volonté ou cette capacité (justifiée ou pas, c’est un autre débat…) de faire connaitre leurs œuvres…

  11. @à gogo :
    Sans la reconnaissance le talent n’est rien.
    Et le cliché sur l’artiste maudit qui n’a pas besoin de public et qui crée juste pour lui au fond de sa cave, excuse-moi mais je n’y crois pas une seconde.

  12. Ah au pianiste on ne peut rien lui reprocher du tout, à peine pourrait-on lui proposer de s’interroger de savoir si cela le rendra heureux, d’avoir des dizaines de milliers de connexions, et probablement aucun retour réel de cela dans sa vie réelle. Est-ce que Cindy Sander a été heureuse de son échec? Est-ce que Mattrach a été signé par un label? Il faut leur souhaiter d’arriver naturellement.

    Aussi : “Sans la reconnaissance le talent n’est rien.”… ah.. Reconnaissance de qui? Du large public? André Rieu a donc énormément de talent. Reconnaissance des pairs? Est-ce qu’André Rieu avait obtenu des prix de conservatoire?…

    Il y a un ouvrage récent du sociologue Pierre-Michel Menger, Le Travail créateur (Seuil, 2009), il serait intéressant de voir comment cette notion y sert de sésame vide : a du talent ce qui a le je ne sais quoi qui fait qu’on dit : ça c’est le talent! le seul, le vrai, l’original! la valeur recherchée, le déterminant suprême, le critère, la clef des clefs… Oui mais, alors, c’est quoi le talent? Il y faudrait la reconnaissance, ok, mais il y aurait tout de même des faux positifs…

    Cette histoire n’est pas claire.

    Aussi, rien sur le cliché lui-même de l’artiste maudit qui est lui-même un cliché inexistant. Ou si! Ce cliché “l’artiste maudit de nos jours, ça n’existe plus!” est apparu avec l’âge du métier de commissaire d’exposition : pas question que rien n’échappe, d’ailleurs, ce sont eux qui faisaient le marché… C’est un cliché malheureusement, l’on s’en aperçoit chaque fois que l’on voyage et que l’on se penche un peu sur la vie des gens : quel talent ils ont qu’on n’aurait pas cru possible dans ces coins perdus pareils! Eux qui n’y songent pas même et qui rougissent de se l’entendre dire : “mais si madame, je vous assure, vous avez un vrai talent!”

    Ce qui n’existe plus, c’est le maudit. Tout le monde est artiste, et le public dira même que les artistes contemporains sont des imposteurs en face des André Rieu leurs héros. Cependant des artistes noyés dans la masse oui, il y en a plein les conservatoires, plein les écoles d’art, etc. Ils n’ont pas moins de talent que les autres, ils n’ont pas eu le ticket, voilà, et ils finissent à l’ANPE.

    Est-ce que le ticket se décrète, se promeut, se force un destin? L’Internet est un nouveau monde où tout est possible, oui, et gare aux désillusions.

  13. Et ils gagnent quand de l’argent ces gens là ? Cet artiste cherche à se faire connaître et utilise donc l’outil internet. Pourquoi pas. Quand il cherchera à en vivre ça sera autre chose.

    Je ne défend pas Hadopi qui est indéfendable tout comme le piratage. Je défends la création.

    La musique doit être payée pour être écoutée, je ne vois pas d’autre modèle économique. Il est facile de saluer ce genre d’initiative mais une fois qu’il sera connu ce brave jeune homme, il vit comment ? De la scène ? Je serai curieux de connaître des statistiques sur le nombre de concerts vus par habitant, je crois qu’on éviterait ce contre argument.

    Quand aux commentaires sur les éclairagistes intermittents qui ferait mieux de faire autres choses et monter des ampoules, c’est lamentable. Quand on ne connait pas ce statut on se tait.

  14. @à gogo : cette discussion est intéressante mais c’est Eric Dupin qui va tirer les bénéfices de la hauteur de nos commentaires sur Domenico Curcio et sa démarche promotionnelle originale. En nous lisant, les gens vont se dire que ce blog est passionnant et la notoriété de Eric Dupin va croître! Or Eric Dupin continuerait-il son travail de mise à jour de ce blog si on lui proposait un travail grassement rémunéré à la télé ou pour un grand quotidien? 😉

    Plus sérieusement : il est vrai que la notoriété est devenue le nouveau Graal des artistes, celui qui donne la vie éternelle ou presque, par les rééditions et les collectors…

    Sujet de philosophie : celui qui veut être là-bas plus tard est-il toujours là ici et maintenant?

  15. Eric Dupin est incorruptible. Puis, qui vient y lire à par nous? Cet endroit est peut-être désert, qui sait, et les statistiques enregistrent aussi les clics par erreur!

    La musique est un art du temps au plus haut point, par delà l’agencement harmonique et mélodique des sons, elle accède directement à cette dimension, et elle s’y perd, c’est à dire qu’elle y passe. Nombre de musiciens, singulièrement des pianistes, d’Horowitz à Piotr Anderszewski (http://www.rue89.com/droles-de-gammes/2009/05/12/piotr-anderszewski-le-pianiste-errant) en passant par Gould, ont été tentés de s’arrêter, non pas tant de jouer, mais de se produire publiquement. Peut-être cela tient-il à la tessiture d’orchestre du piano, qui se suffirait à lui-même si on ne lui écrivait des concertos (ce qui le rend détestable à certains http://www.loiseleur.com/patrick/blog/index.php/post/2008/09/28/Je-hais-le-piano)

    Ces musiciens, en cessant concerts et carrières, emportent avec eux la musique en partage, en ne nous laissant que des captations peu loquaces. Un écrivain, un peintre, un cinéaste, un sculpteur, un plasticien, un poète, tous ces artistes ne peuvent cesser qu’à détruire leur œuvre. Le musicien emporte son art dans le temps clos du souvenir, la musique voyage dans l’air, s’y évanouit.

    En ce sens la diffusion en direct des concerts de Domenico Curcio est une part belle laissée à l’émergence qu’est la musique, à son impermanence, et il respecte ainsi son art. C’est cela qui est essentiel, pour un musicien, c’est la musique, ce n’est pas la notoriété qu’il en retirera éventuellement, ou bien il s’agit d’autre chose.

    Puis que sont donc que ce quart d’heure de célébrité, ces maigres liasses de devises trempées de champagne, ces nuits d’amoures faciles*, au juste, sinon rien du tout, en regard d’une vie de musicien?

    *enfin il faudrait discuter ce point..

  16. Je ne connaissais pas ce pianiste. Je suppose qu’il a été l’un des premiers à se produire sur internet, mais cette technique est maintenant largement utilisée.

    On retrouve les artistes qui postent eux-mêmes leurs morceaux… Et je trouve cela génial. J’ai par exemple découvert Valentina Lisitsa grâce à sa chaîne youtube. Et on y retrouve des dizaines d’enregistrements, dont l’intégrales des études de Chopin… alors qu’il s’agit d’un DVD mit en vente !

    Bien que cela soit disponible gratuitement (et légalement), cela me donne énormément envie d’acheter son DVD…

    D’autre part, je pense que les artistes qui se produisent sur le net et ont donc un rapport direct avec leur public peuvent beaucoup mieux gérer leur diffusion, en rester maître et au passage faire de bien meilleur marges 🙂

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