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Drones “de loisirs” : le point sur un marché en pleine ébullition

Le marché des drones de loisirs explose, et quelques acteurs émergent. État des lieux d’une activité en pleine effervescence, alors que des nouveautés aux caractéristiques techniques époustouflantes arrivent dans quelques jours.

Je crois que ceux me suivent un peu l’avaient déjà remarqué : il se trouve que je m’intéresse d’assez près à ces drôles de petites araignées volantes que sont les drones. Aux machines, mais aussi au marché, aux usages et à l’évolution de l’offre dans ce domaine.

A force d’observer, de pratiquer, et de discuter, que ce soit avec des professionnels de la profession, des amateurs éclairés, ou de simples passionnés pratiquant le vol à titre de loisir, j’ai fait un constat qui est devenu une certitude : l’état actuel du marché des drones “de loisirs” est à un stade équivalent à celui des smartphones ou des appareils-photo numériques compacts au début des années 2000.

Ce qui signifie en substance que :

  • la technologie est maîtrisée mais soufre encore de lacunes
  • la demande décolle
  • le marché s’organise et quelques acteurs émergent, grosses boîtes et startups
  • les prix baissent
  • des métiers, des usages et des applications naissent à un rythme soutenu
  • un écosystème se met en place et tout est encore à imaginer, l’horizon est vaste
  • mais… tout est encore un peu brouillon, et s’adresse d’abord à des geeks et/ou bidouilleurs

Bien sûr, une fois qu’on a fait ce parallèle, il convient de mesurer aussi la différence : contrairement au smartphone, qui est un objet personnel utile – devenu indispensable – simple à utiliser et totalement versatile, ou à l’appareil-photo numérique, le drone restera une niche pour passionnés, et il y a peu de chances que la moitié de la planète possède son drone dans dix ans comme la moitié de la planète possède un mobile aujourd’hui. Mais cela sera une très grande niche, promise à un bel avenir, y compris dans le grand public, puisque tout devient aussi plus simple. Disons que les drones pourraient tenir le rôle que tenait Polaroid à une époque : un truc sympa et qui fait toujours son petit effet pour faire des photos originales. Et je ne parle ici que de l’aspect “pratique” de ces engins volants, mettant volontairement de côté l’aspect ludique, celui du pilotage, qui requiert quand même une certaine expérience.

Un marché naissant de plusieurs dizaines de milliards

De quel marché parle-t-on ? Pour avoir un ordre d’idées, il suffit de se référer aux estimations des analystes de l’Association internationale pour les systèmes de véhicules sans pilote (Auvsi). Ceux-ci parient sur une explosion du marché dès 2015. Pourquoi 2015 ? C’est l’année au cours de laquelle les USA seront dotés d’une législation en matière de drones civils et commerciaux. Selon l’Auvsi, l’organisation du marché des drones aux USA suite à cette nouvelle réglementation pourrait créer 70.000 emplois au cours trois premières années, plus 100.000 emplois d’ici à 2025, ce qui représenterait un marché de plus de 80 milliards de dollars dans une diversité de métiers (loisirs, services et industrie) qu’il serait impossible de lister ici.

Le drone de loisirs en pole position

Les drones “de loisirs” tiendront certainement une place de choix dans cette évolution. Un drone de loisirs, c’est quoi exactement ? Ce n’est pas un terme officiel, je vous rassure, c’est juste que je n’ai pas trouvé mieux pour distinguer ce type d’usage des usages purement professionnels ou militaires. En gros, un drone de loisirs est une machine dont le prix se situe entre 50 et 1000 euros, dont le poids se situe entre 50 et 500 grammes, et qui est la plupart du temps dotée d’une caméra, ou équipé pour en embarquer une. Car évidemment la caractéristique principale d’un drone est sa capacité à filmer ou prendre des photos aériennes à une altitude généralement située entre 50 et 500 mètres. Ce marché est aujourd’hui occupé par deux principaux acteurs : le français Parrot avec son AR.Drone, écoulé à plus de 500.000 exemplaires dans le monde en moins de 5 ans, et le Sino-américain DJI dont le célèbre Phantom est devenu en moins d’une année la star incontestable des passionnés de vol radiocommandé et de prises de vues aériennes époustouflantes. Un indice ? Alors que Parrot jouit d’une notoriété et d’une communauté uniques dans le domaine (plus de 100.000 membres inscrits à l’AR.Drone Academy, sorte de réseau social des pilotes d’AR.Drone), plus de 90% des photos publiées sur notre site de partage de photos de drones Dronestagr.am sont faites avec un DJI Phantom (généralement équipé d’une GoPro).

Les choses évoluent donc très vite, et quelques évènements et marqueurs viennent confirmer cette tendance. Voici les principaux.

DJI Phantom Vision

La nouvelle version du DJI Phantom, tant attendue par les fans, vient enfin d’être dévoilée et annoncée officiellement, déclenchant une vague d’enthousiasme qui n’est pas sans rappeler les premières annonces de smartphones Nokia, Sony Ericsson ou Windows Mobile… il y a un peu plus de dix ans. Il faut dire que DJI a soigné sa copie et va lâcher dans la nature une véritable bombe : le drone, de la même dimension que son prédécesseur, donc très compact, va embarquer nativement une caméra full HD stabilisée orientable et pilotable depuis l’écran tactile d’un iPhone, lequel sera connecté à la télécommande de la machine à l’aide d’un support spécial, et affichera en direct les images vidéo prises par la caméra du Phantom. En outre, tous les réglages de la caméra seront accessibles à l’aide de l’iPhone, et il sera ainsi possible d’améliorer l’image en live pendant le vol et le tournage. Je passe sur les autres détails techniques, très nombreux, de cette merveille de technologie, je vous donnerai quelques liens à la fin de cet article si cela vous intéresse d’en savoir davantage.


Le DJI Phantom Vision et sa télécommande avec iPhone embarqué et booster de signal WiFi

L’engin ne sera pas donné (on parle de 1300 euros contre environ 500 pour le modèle actuel) et c’est peut-être là que le bât blesse : tel que nous le percevons, le Phantom Vision, équipé comme un “vrai” drone professionnel, coûte de cinq à dix fois moins cher… mais ne sera pas homologué ni homologable dans l’état pour le marché français en vue d’un usage professionnel. Il faut dire que le réglementation française, sous le contrôle de la DGAC (Direction Générale de l’Aviation Civile) est tellement draconienne et complexe que si l’on s’y réfère à la lettre, tout ce qui vole sans pilote à bord est pratiquement interdit. Le Phantom sera donc en théorie réservé à du vol amateur et donc “de loisir”. Et là on a certainement un vrai problème de positionnement tarifaire : qui va débourser 1300 euros pour acheter un drone de loisir non homologué et sans possibilité d’utilisation professionnelle ? A part quelques amateurs et passionnés fortunés, je ne vois pas. Il ne reste qu’à espérer que la législation évoluera favorablement et s’assouplira un peu pour ce type de machine, ou que ses possesseurs pourront la faire homologuer à titre individuel après en avoir hacké les caractéristiques afin de les rendre conformes aux règles de la DGAC (limiteur barométrique d’altitude, enregistreur de vol…).

Hubsan X4 FPV H107D

A l’autre bout de l’échelle, un autre constructeur chinois, lui aussi réputé dans le milieu du drone, vient enfin d’annoncer la disponibilité d’un serpent de mer, le Hubsan X4 FPV H107D, une petite machine assez incroyable qui faisait également rêver tous les passionnés de vol en immersion (ou “FPV” pour First Person View), à savoir le vol avec retour vidéo direct sur la télécommande, qui vous transforme en oiseau alors que vous êtes confortablement assis dans votre fauteuil de jardin. Caractéristique de ce gros moustique radiocommandé : il est tellement petit qu’il tient dans la paume de la main. Ici aussi nous avons affaire à un monstre de haute technologie : l’engin pèse moins de 50g et embarque pourtant une caméra HD et un module radio qui envoie l’image HF sur la télécommande. Bien sûr une carte SD équipe le dispositif, ce qui permet non seulement de voir en direct ce que l’engin filme mais également de l’enregistrer. Quand je vous aurai dit qu’en plus de cela le Hubsan X4 FPV H107D est doté d’un stabilisateur de vol et qu’il atteint une portée de 100 mètres, je sens que je vais faire naître d’un coup des vocations de paparazzi…

Un nano-drone qui va coûter combien à votre avis ? 800 euros ? 500 euros ? 300 ? Vous n’y êtes pas : 150 euros. Quand on sait que le Black Hornet du norvégien Prox Dynamics, réservé à un usage militaire de surveillance, mais aux caractéristiques finalement très proches[1], coûte plusieurs milliers de dollars, on se dit que le marché est encore un peu en vrac et qu’il y a quelques marges à faire si on le prend par le bon bout…

Un jouet alors ? Peut-être, mais un jouet aux applications peut-être un peu plus sérieuses qu’il n’y parait de prime abord. C’est avec ce type de “jouet” (encore un DJI Phantom dans les deux cas) que des activistes turcs ou brésiliens ont pu récemment filmer des manifestations de haut, sans prendre trop de risques, afin de témoigner des évènements. Pour le drone turc, ça ne s’est pas très bien fini, mais on peut imaginer que si un nano-drone comme le X4 avait été utilisé, il aurait été beaucoup plus difficile de le localiser.

Prix en baisse pour l’AR.Drone et le DJI Phantom

Autres indices qui montrent que le marché est en pleine effervescence : les prix baissent, que ce soit pour les modèles qui ont déjà fait leurs preuves ou pour des modèles récents. Ainsi peut-on aujourd’hui trouver un AR.Drone 2 à moins de 200 euros (ok c’était une promo ponctuelle mais il ne serait pas étonnant que d’autres suivent) et un Phantom à moins de 450 euros.

Une société de drones française à la croissance de startup

Pas encore tout à fait convaincus ? Regardez un peu alors l’histoire de Delta Drone, une société de Grenoble spécialisée dans toutes les activités liées aux drones : fabrication, location, vente, services et même école de pilotage. Une société en mode startup qui a connu une croissance phénoménale : fondée en mars 2011 (il y a donc à peine plus de deux ans), celle-ci vient de rentrer en bourse au NYSE Euronext et sa valorisation actuelle est de près de 33 millions d’euros… Une croissance qui ferait pâlir beaucoup de startupers de la Silicon Valley, non ?

Et la règlementation, dans tout ça ?

Je l’ai évoquée précédemment : elle est lourde, drastique… et comme toutes les réglementations, déjà en retard sur la technologie. Il faut savoir que la France, pays à forte culture aéronautique, cultive son avance dans ce domaine. Ainsi avons-nous été les premiers au monde à mettre une réglementation en place concernant l’utilisation des drones, ou plus précisément des “aéronefs civils qui circulent sans aucune personne à bord”, et ce depuis ce fameux arrêté du 11 avril 2012, qui fait faire tant de cheveux blancs à tous ceux qui souhaitent aujourd’hui en faire leur métier (et apparemment ils sont nombreux). D’ailleurs, à ce sujet, je ne puis m’empêcher de penser que certains lobbies pourraient ne pas être étrangers, non pas à la mise en place de cette réglementation, mais à sa complexité, qui crée de facto une énorme barrière à l’entrée d’une activité qui pourrait faire beaucoup d’ombre à certains métiers et certaines sociétés déjà bien établies dans la prise de vue aérienne. Mais je suis certainement mauvaise langue, je vois le mal partout 🙂

Pour tout savoir sur la réglementation, je vous conseille vivement de lire la série d’articles publiés sur HelicoMicro : Fred, son auteur, a fait un travail gigantesque et remarquable de vulgarisation et de pédagogie, avec des exemples précis illustrant parfaitement ce que l’on peut faire ou pas avec son drone selon divers scenarii. Vous trouverez aussi dans ce site de nombreux tests détaillés de drones, avec moult photos et vidéos (extérieures ou embarquées) et de nombreux conseils techniques.

Tant que nous sommes dans les sites de référence sur le sujet, allez aussi vite faire un tour chez FPV-Passion, un autre blog incontournable sur le sujet. C’est ici, dans ce site qu’Alexandre, son auteur, a publié je crois en première mondiale il y a quelques jours un test du Hubsan X4 FPV H107D avec images embarquées. Et puis un blog qui affiche le widget Dronestagr.am ne peut qu’être un excellent blog, bien sûr 🙂

Et bien sûr vous n’oublierez pas non plus de consulter régulèrement Smartdrones.fr, notre site d’actu sur les drones, pour lequel je vais annoncer une petite nouveauté fort sympathique d’ici quelques jours.

Pour conclure, je reviendrai à l’introduction : le marché est en pleine révolution, le grand public arrive, et les constructeurs devront vite comprendre qu’il va falloir proposer des machines au design soigné, petites, légères, sûres et faciles à utiliser “out of the box”. Ca ne vous rappelle rien ? C’est ça : le marché du drone attend encore son Apple, et celui qui remplira le premier ce rôle décrochera certainement un petit jackpot. J’y reviendrai dans un prochain article.

[1] bien sûr je simplifie, il ne fait aucun doute que le Black Hornet est probablement bien plus sophistiquée et répond à des normes militaires très particulières qui n’existent pas sur le X4, mais la comparaison n’est pas si délirante si l’on considère qu’il s’agit de deux engins aux finalités similaires, à savoir filmer en immersion à distance, y compris indoor, avec une machine ultra-légère et quasiment invisible à l’œil nu à plus de 50 mètres

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12 commentaires
12 commentaires
  1. “certains lobbies pourraient ne pas être étrangers, non pas à la mise en place de cette réglementation, mais à sa complexité”

    Ca va faire comme pour les taxis qui font tout pour contrer des sociétés comme “Uber”, d’ailleurs dans une émission TV récente à ce sujet ça ma vraiment fait rigoler de voir l’infrastructure de réservation G7 avec leurs applications en mode texte 80 colonnes monochrome !!! et je ne sais combien de personnes derrière là ou Uber propose un système up-to-date avec des apps pour smartphone des serveurs autonomes etc…

    Par contre je ne comprends pas le coup du perso/pro et cette notion d’engin volant non habité. Les gens qui font du modélisme perso/pro avec des hélicoptères ont-ils se genre de contrainte ?

    Et au final, qu’est ce qui différencie un “drone” d’un hélicoptère de modélisme embarquant une caméra ?

  2. Ici en Europe et spécialement en Belgique,o la legislation est tres stricte en la matière. Un droneur qui s,approchait trop pres d,une residence royale a eu les pires ennuis car non seuleement il n,avait pas les autorisations mais en plus bien entendu, l,endroit posait problème. Donc, je pense que les amendes et jugements vont être de plus en plus sévères.

  3. Je trouve cela génial mais je crains que l’émulation engendrée par des appareils de plus en plus maniables et performants ne finissent par créer des soucis aux utilisateurs qui voudront toujours en faire plus.
    Il n’y a qu’à voir certaines images prises au dessus de circuits automobiles par exemple.
    Quid aussi de la vie privé de M. Toutlemonde, je ne suis pas sûr que beaucoup apprécient de voir passer un tel engin au dessus de sa piscine ou devant la fenêtre de sa chambre…
    Il est évident qu’il y aura de sévères restrictions à un moment ou un autre.
    Et pourquoi pas une petite taxe tant qu’à y être ? 🙂

  4. “Et au final, qu’est ce qui différencie un « drone » d’un hélicoptère de modélisme embarquant une caméra ?”

    pertinente remarque, j’aimerais bien savoir également…

  5. @estaban : au regard de la réglementation, rien. Après, le pilotage est différent, un drone est plus facile à piloter et certainement bien plus stable.D’autre part sur un drone on peut doubler le nombre de moteurs et rotors afin d’avoir une redondance en cas de panne. Cela me parait plus difficile avec un hélico.

  6. La loi française est très peu réductrice tant qu’il s’agit d’un appareil volant radiocommandé sans équipement de prise de vues/film.
    Mais elle devient castratrice dès lors qu’un dispositif de type appareil photo / caméra est embarqué, et cela sans distinction d’usage. Elle met sur un pied d’égalité un pico-hélico piloté en infrarouge avec caméra 240p et un gros octocoptère radiocommandé avec caméra stabilisée.
    En simplifiant pas mal, la loi sous-entend que les loisirs se pratiquent sans caméra, les activités professionnelles avec. Ce qui est un poil couillon.

    La loi française ne connait pas le mot drone. Ce qu’on entend généralement par drone (c’est vaste !), ainsi que les hélicoptères de modélisme radiocommandés, sont classés dans la catégorie des “aéronefs télépilotés”.

  7. Mais si on commence par ne pas avoir de lois, on va se retrouver avec de drônes qui se trimbalent et qui filment chez les autres ou qui te tondent le crâne sans risque pour le pilote… Perso, c’est comme Patator, si j’en vois un chez moi, je vais montrer à mes gamins comment on tire au lance-pierre ou à l’arc sur cible mouvante.

  8. Sans aucun doute, il faut des lois pour encadrer la pratique puisqu’elle est potentiellement à risque. C’est juste que les arrêtés pourtant récents (2012) sont déjà terriblement à la traîne et en décalage par rapport à l’évolution du marché et des usages…

  9. @eric, @fred,

    merci pour le complément d’info.

    J’ai envie d’essayer le drone pour la photo. Mais j’ai vu sur dronestag.am que la qualité d’un ar.drone est quand même pourrie !
    et dji phatom + gopro c’est plus le même tarif (pour un essai..)

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