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Pourquoi l’échec d’Holi en dit long sur le crowdfunding (et les startups françaises au CES) ?

On apprenait hier la disparition d’Holi, un spécialiste français des objets connectés. Après avoir surfé sur un buzz autour de son réveil Bonjour, la startup s’est éteinte du jour au lendemain, et le réveil sera bientôt inutilisable.

Petit récapitulatif de l’histoire d’Holi. Société lyonnaise, Five Five a lancé la marque Holi avec son premier produit, la Smartlamp. Cette lampe connectée était l’une des premières du genre dans un marché en pleine émergence. Voyant l’hégémonie de géants comme Philips, Holi fait un choix en 2014 : s’orienter vers le sommeil avec son ampoule SleepCompanion.

Après deux années de R&D, la société faisait un énorme Buzz lors du CES 2016 en présentant Bonjour, son réveil connecté. Bilan, des dizaines d’articles sur les médias tech, et l’un des plus gros buzz du CES cette année-là. Quasiment un an plus tard la startup lançait sa campagne de crowdfunding sur Kickstarter puis Indiegogo en levant plus de 950 000 dollars au total. En 2017, elle présentait, toujours au CES, un prototype fonctionnel de son réveil.

Aujourd’hui la société est en liquidation, une partie des backers n’ont pas été livrés, les autres ont un Bonjour qui ne fonctionnera plus d’ici un mois.

Des acheteurs floués, mais pas que…

Les arnaques existent dans les campagnes de crowdfunding, ce n’est pas exactement ce qui s’est passé cette fois-ci. Une campagne de crowdfunding a deux enjeux majeurs :

  1. réussir à lever
  2. réussir à produire

C’est sur le point numéro 2 que Five Five a échoué. En 2014, l’eldorado des objets connectés à commencé. J’en étais un témoin privilégié ayant lancé l’un des quelques médias spécialisés sur le sujet. Deux lieux étaient propices aux rêves pour les entrepreneurs : le CES et Kickstarter.

Campagne IndieGoGo Holi

Le premier a été pendant 3 ans consécutifs une immense foire aux gadgets où l’on retrouvaient des bracelets connectés tous les dix mètres, puis en 2017, un phénomène de concentration s’est produit, en parallèle de la disparition de nombreux acteurs. Le second est l’endroit idéal pour les early adopters du monde entier. En quelques clics ils ont accès à des innovations en cours de développement à tarif réduit. Que demander de plus ? Leur passion de la tech couplée à une réduction, tout va bien dans le plus beau des mondes.

Mais voilà, crowdfunding n’égale pas forcement précommande, et les plateformes se protègent contre cela. Si vous suivez de près la tech vous avez d’ailleurs pu voir une tendance bien moins importante à la mise en avant des campagnes sur des sites spécialisés. Entre les arnaques pures, ou les pépites comme Pebble qui lèvent des dizaines de millions de dollars sur des projets jamais sortis (puis aspirés par les nouveaux géants), les plateformes ont bien moins bonne presse.

Pour en revenir au Bonjour d’Holi, le projet a tellement buzzé qu’Amazon a présenté quelques mois plus tard son réveil Echo Spot. La différence ? Il sera rapidement livré, moins cher, et surtout entièrement opérationnel, reposant sur un assistant vocal parmi les plus importants du marché. Et 950 000 dollars pour Amazon, ce ne sont que quelques minutes de CA, quand c’était l’investissement total pour Holi.

Kickstarter Holi

Comment lutter ? Si Holi avait choisi Alexa ou Google Assistant pour son réveil, il n’aurait jamais pu proposer un modèle plus beau ou moins cher d’Amazon ou Google. En développant sa propre solution vocale, la marque s’est rajouté une charge financière supplémentaire, l’argent levé grâce aux backers étant pensé avant tout pour la production. Un million d’euros, pour beaucoup d’experts, le montant minimal pour produire un produit à grand échelle (source : des dizaines de conversations depuis 5 ans avec des professionnels).

Vocall.ai, une porte de sortie dans le B2B

L’histoire d’Holi rappelle celle de Jawbone. Pour rappel, le concurrent historique de Fitbit s’est orienté vers la santé B2B après avoir fermé sa société grand public. De leur côté ils avaient levé… 900 millions de dollars.

La dernière fois que j’ai croisé Holi, c’était au SIDO, le salon des objets connectés à Lyon. Ils y présentaient Vocall.ai, qu’ils voyaient comme un nouveau canal de croissance. L’idée ? Proposer une solution d’assistant vocal avec l’intégralité des données restantes en possession de l’utilisateur. Cette mission rappelle celle de la startup française Snips, qui a déjà levé plus de 22 millions d’euros en 4 ans.

Du point de vue business, le B2B aurait pu sauver Holi (et permettre de garder Bonjour fonctionnel), mais c’était certainement déjà trop tard.

Bonjour n’est pas une arnaque, c’est un échec

L’article de nos confrères de Numerama, qui dévoilait hier la fermeture de Five Five, semble parfois à charge contre la société, et on peut le comprendre. En effet des centaines de personnes ont perdu plus de 100€ avec l’échec de ce produit. Quand un investisseur professionnel met sur la table une somme d’argent, il a en tête le potentiel de rendement vs les risques, et sait qu’il peut perdre tout ou parti de son investissement.

Quand une personne comme vous et moi paye 149$ sur Kickstarter, on s’attend à recevoir un produit, même s’il a du retard. C’est là le point le plus important à retenir de cette histoire, quand vous dépensez sur Kickstarter, ce n’est pas un achat ou une précommande, c’est un investissement.

Dans le cas d’Holi, tout le monde est perdant. Les backers, qui ont perdu leur argent. Les salariés (plus d’une dizaine lors de notre dernier entretien) qui ont perdu leur emploi. Les investisseurs, qui essuient une pure perte, mais aussi les organismes comme la BPI qui ont soutenu la startup. Enfin, les fondateurs, qui ont investi de l’argent et du temps, et ont certainement vu passer un rêve.

Un acteur de plus brûlé par le marché trop volatil des objets connectés.

Note aux lecteurs : J’ai personnellement animé avec les équipes d’Holi le Meetup IOT à Lyon

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7 commentaires
7 commentaires
  1. Pour moi tout le monde n’est pas perdant. Tu as oublié Kickstarter et Indiegogo. Eux ont fait des bénéfices. Ils ne mettent surtout pas en avant les échecs. Si Macron veux qu’on devienne une start-up nation à la françaises comme ça alors on va droit dans le mur comme dirait Haroun (comique qui a fait un spectacle sur l’internet http://onrigolebien.com).
    Je suis backer de Bonjour ? de Lima ? de Pebble ? Star Citizen ? ZeTime ?et N-Tech ??. Tous des projets qui n’ont pas tenus leurs promesses. Mais oui, ce sont des investissements. On gagne. On perd. Mais personnellement je ne le fais pas dans cette esprit là. Pour comprendre mon point de vue il suffit de voir le dernier projet que j’ai supporté il s’agit de : La (très) grande évasion – via kisskissbankbank
    Voilà le but pour moi est avant de soutenir un(e) entrepreneur. Il n’y a pas toujours de contrepartie à attendre sinon la satisfaction d’avoir aidé à avancer quelque chose dans lequel vous croyez. Vous le vivrez mieux en cas d’échec.
    Mon meilleur pote qui a backé plusieurs “Bonjour” en espérant les revendre avec une plus-value ne décolère pas. Et ne compte plus backer quoique ce soit.
    Alors que j’ai toujours gardé à l’idée que ça pouvait foirer. L’objet doit être une sorte de compensation.
    Tout ce qu’on peut regretter au français c’est qu’ils font l’autruche en cas de problème. Et on ne peut/doit pas faire ça dans le financement participatif. Exemple : ZeTime avec un support foireux et qui au moment où il se met à livrer ses backers demandent 4 mois mini d’attente mais 1 jour pour un achat Amazon. Un acheteur Amazon vous paie et fin de la relation client (hormis la garantie of course). Mais le backer a montré sa confiance dans l’entrepreneur en payant pour ça. En patientant 1 ans (ou 7 ans pour Star Citizen) et pourtant il se voit servit après Amazon.
    Les gars de Holi se sont comportés comme le pire stéréotype du français vu par les étrangers. Ne répondant pas au messages des backers et ne communiquant officiellement que trop rarement.
    Ces mal-élevés (je sais que ça fait naze) se sont révélés être incompétents dans la gestion projets, l’une des grosse tare française.

    1. “Mon meilleur pote qui a backé plusieurs « Bonjour » en espérant les revendre avec une plus-value ne décolère pas.”

      Ça, contrairement à toi, c’est vraiment un investissement. Il a joué, il a perdu…

      1. Oui c’est tout à fait ça. Pour moi il devrait être déçu mais comme en bourse. Un jour tu gagnes un jour tu perds. Ce sont les règles. Du coup on a rediscuté sur ces bases et il relativise maintenant bien qu’on aura du mal à l’y reprendre et surtout avec des français aux commandes…

  2. Nous avons backés des smartshoes de Digitsole il y a 2 ans. La société existe encore mais nous n’avons toujours pas reçu nos produits. Ils vendent des semelles et font des salons mais ne nous envoient pas nos chaussures connectées.

      1. Sur Kickstarter, ils nous disent que le produit sortira bientôt (2 ans). entre temps ils ont refait la même chose sur Indiegogo. J’ai perdu plus de 200$ et on peut rien faire.

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