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Facebook vaut-il 100 milliards de dollars ?

On parle beaucoup ces derniers temps de l’introduction en bourse de Facebook et de folle valorisation – entre 80 et 110 milliards de dollars. Certains parlent d’action sous-évaluée face au potentiel immense du site, d’autres évoquent le spectre d’une bulle Internet façon 2.0. Qu’en est-il réellement. Voici quelques éléments d’analyse.

Article rédigé par Martin Kurt. Titulaire d’un MBA et web-entrepreneur, Martin tient le blog www.candix.fr où il expose ses réflexions sur le thème de l’argent, du bloguing et du voyage. Il publie désormais sur son blog un livre intitulé « Améliorez votre pouvoir d’achat et faites vous plaisir »  pour permettre à chacun de reprendre en main sa situation financière face à la crise.

On parle beaucoup ces derniers temps de l’introduction en bourse de Facebook et de folle valorisation – entre 80 et 110 milliards de dollars. Certains parlent d’action sous-évaluée face au potentiel immense du site, d’autres évoquent le spectre d’une bulle Internet façon 2.0. Qu’en est-il réellement. Voici quelques éléments d’analyse.

La valeur boursière, c’est quoi ?

La valeur boursière d’une entreprise répond simplement à la loi de l’offre et de la demande. Si demain, les gens décident de se ruer en masse sur une action, son prix montera. Et réciproquement.

Le prix du marché est normalement défini par des fondamentaux, qui sont les bénéfices. Si je décidais de coter mon blog en bourse, il n’aurait pas la même valeur que Facebook. Normal, on n’a pas le même niveau de performance. Typiquement, la valeur boursière d’une entreprise devrait être égale à la totalité de ses bénéfices futurs divisés par un taux de discompte (10 à 15% par an) prenant en compte les risques de défaillance de l’entreprise et le retour sur investissement souhaité des actionnaires, moins les dettes.

Valeur boursière de Facebook actuellement : 6,7 à 16 milliards de dollars

Par exemple, si les bénéfices de Facebook restaient inchangés indéfiniment (1 milliards de dollars par an), sa valeur boursière serait comprise entre 6,7 et 10 milliards de dollars (1/10% = 10 ; 1/15% = 6,7) moins les éventuelles dettes de l’entreprise.

Si l’on prend le PER (rapport cours de bourse/bénéfices) moyen sur le long-terme (16), Facebook devrait être valorisé 16 milliards de dollars (16 * bénéfice annuel)

Évidemment, ce n’est pas aussi simple.

Prenons un exemple trivial. Prenons les notes de 2 élèves différents, Arnaud et Barnabé

–          Arnaud : 10,11,12,13,14

–          Barnabé : 14,13,12,11,10

La moyenne des deux élèves est la même (12/20) mais vous aurez sans doute plus envie de parier sur Arnaud, qui est en voie de forte progression, et de ne pas miser un clou sur Barnabé, dont les notes patinent.

Pour les entreprises, c’est pareil. La valorisation boursière incluse les bénéfices actuels, mais les prévisions de bénéfices futurs. Ce qui explique d’ailleurs pourquoi le cours bousier d’Apple a flanché lorsqu’ils ont annoncé l’année dernière des bénéfices en hausse de 85%, une hausse record. Car le cours de l’action intégrait une prévision de hausse plus importante (par exemple +100%). Dès lors, l’action, si elle valait 100 l’année d’avant et 200 au moment de l’annonce du bénéfice, doit dévisser de 7,5% au moment de l’annonce du bénéfice record pour retomber à 185, en accord avec la hausse de 85% signalée.

Pour faire simple, le cours d’une action inclue les prévisions futures d’une entreprise. Si le bénéfice baisse de 10% (mais que les prévisions étaient de 30%), l’action flambe. Si le bénéfice augmente de 500% (mais que la prévision était de +1000%), l’action dévissera. C’est parfaitement logique.

Par ailleurs, d’autres facteurs peuvent être pris en compte. Dans le cas de facebook, sa valeur ne réside pas uniquement dans ses bénéfices. Facebook ne peut pas faire faillite. Si tel était le cas, Apple, Microsoft ou Google s’empresseraient sans aucun doute de racheter la boite pour y exploiter les données sur 800 millions d’utilisateurs. Sans compter la valeur des informations dans une démarche plus politique.

Enfin, il y a une dimension spéculative possible dans la valeur boursière. Dépendant de l’offre et de la demande, une action peut être surévaluée ou sous-évaluée.

En bref, 4 éléments déterminent la valeur d’une action :

–          Les bénéfices actuels

–          Les bénéfices futurs (prévisions)

–          La valeur stratégique d’une entreprise

–          La loi de l’offre et de la demande, susceptible de surévaluer ou sous-évaluer une entreprise

Négligeons la valeur stratégique de Facebook (trop dure à estimer). Comme je le disais, Facebook ne devait fondamentalement valoir « que » 7 à 16 milliards de dollars en l’état actuel. Si l’entreprise cote 80 à 110 milliards comme prévu (5 à 16 fois plus), il n’y a qu’une explication rationnelle

–          Une croissance des bénéfices futurs

Si ce n’est pas le cas, cela signifie que la valeur de Facebook est du vent et repose sur une bulle boursière.

Quel sera le bénéfice futur de Facebook ?

Personne n’est devin. Peut-être que Facebook deviendra un nouveau Google… Ou un futur has-been tel que MySpace ou encore Lycos et Caramail pour la France, dont la valeur boursière ne résista pas à l’affre du temps. Voici en revanche mon analyse :

–          Il y a 30,5% d’Internautes dans le monde en 2010 (source : Google Data), soit 2,14 milliards d’utilisateurs. Parmi eux, 40% (850 millions) sont membres du réseau social.

La croissance va augmenter rapidement puis diminuer petit à petit, suivant le modèle du début de la courbe de Gauss en forme de cloche. Considérons une croissance explosive de Facebook ces 5 prochaines années, puis une croissance plus pépère.

De 1,5 à 2,5 milliards de membres en 2017

Admettons qu’il y aie entre 40 et 55% d’Internautes dans le monde dans 5 ans, et que parmi eux, le taux de membres Facebook atteigne 50 à 60%. Cela fera environ 1,5 à 2,5 milliards de membres (sur les 7,5 que comptera la planète à cette période.

Par la suite, Internet progressera plus lentement, tout comme le rythme de membres Facebook. On prendra l’hypothèse de 2% de croissance par an par la suite.

Bénéfices actuels : 2 à 4,5$ par membre

Les bénéfices actuels de Facebook sont de… 1,20 dollars par membre et par an (1 milliards de $ pour 850 millions de membres). La majorité de la croissance des membres de Facebook se faisant dans les pays en développement (là où le taux d’accès à Internet étant encore faible), cela risque de faire baisser les revenus moyens par utilisateur. Mais gageons que Facebook saura malgré tout augmenter de 10 à 30% par an le bénéfice moyen de ses utilisateurs en utilisant mieux la publicité et le reste.

Cela fera passer le bénéfice actuel à 2 à 4,5 dollars par membre et par an d’ici 5 ans, ce qui demeure très faible par rapport aux performances de Google actuelles. Au delà, on peut gager une croissance du bénéfice par membre de 2% par an, en accord avec la croissance économique moyenne mondiale.

Bénéfices 2017 : 3 à 11 milliards de dollars

Selon les hypothèses retenues (nombre de membres, croissance du bénéfice par membre), le bénéfices de Facebook sera compris entre 3 et 11 milliards de dollars dans 5 ans, et augmentera par la suite de 4% par an.

Si l’on calcule ensuite le ratio du PER sur une telle somme, on atteint une valeur boursière de 48 à 176 milliards de dollars (3 à 11 milliards * 16). Si l’on prend un retour sur investissement de 10 à 15% par an, on trouve une valeur comprise entre 20 et 110 milliards de dollars (3/15% = 20 ; 11/10% = 110).

Si on le ramène en dollars de 2012 avec un rabais de 10 à 15% par an de retour sur investissement, voulu, voici les différentes valeurs que cela donne :

–          24 milliards (48/1,15^5), 109 milliards (176/1,1^5), 10 milliards (20/1,15^5), 68 milliards (110/1,1^5)

Si on rajoute une dizaine de milliards de bénéfices pour les années 2012 à 2017, on tombe sur une valeur boursière de

–          34 à 119 milliard de dollars (calcul PER moyen), soit 77 milliards de moyenne

–          20 à 78 milliard de dollars (calcul retour sur investissement de 10 à 15% par an) soit 49 milliards en moyenne

Synthèse

Selon les hypothèses exposées ci-dessus (qui peuvent être vraies ou fausses, l’avenir nous le dira), qui sont les suivantes :

–          Hausse des membres à 1,5 à 2,5 milliards d’ici 5 ans puis 2% par an à partir de 2017

–          Hausse du revenu par membre de 10/30% par an, puis 2% au-delà

Une valeur boursière entre 49 et 77 milliards de dollars

La valeur boursière de Facebook devrait tourner entre 49 et 77 milliards de dollars, soit 40% de moins que la valeur actuelle donnée par Facebook (80 à 110 milliards de dollars). Comment expliquer que Facebook vaille 100 milliards ? Plusieurs explications sont possibles :

–          Facebook a des objectifs bien plus ambitieux que ceux proposés dans cet article

En atteignant ses objectifs hauts, Facebook vaudrait 119 milliards… +20% de valeur potentielle pour les actionnaires. Mais en atteignant la valeur basse, Facebook ne vaudrait que 20 milliards, soit 80% de perte de valeur pour les actionnaires. Les actionnaires ne prendraient pas le risque de valoriser Facebook dans le haut du panier… A moins que Facebook n’aie des plans de développement étonnant… D’où le timeline imposé dès maintenant à tous les comptes ?

–          Facebook atteindra encore plus de membres

Si Facebook atteint plus de membres, il pourra gagner plus… quoique. La progression viendra comme on l’a dit essentiellement des PED (c’est déjà le cas, le taux de croissance est bien supérieur en Afrique ou en Amérique du Sud qu’en Europe ou en Amérique du Nord), où le pouvoir d’achat (et les revenus publicitaires) plus faibles.

–          Facebook gagnera plus par membre

On peut imaginer que Facebook veuille utiliser sa data pour vendre de nouvelles prestations à ses utilisateurs. Mais ce n’est pas évident. Bien que bénéficiant d’un effet réseau énorme, il y a un risque de perte de vitesse indéniable à trop utiliser la data des utilisateurs, comme l’  a montré les critiques de non respect de la vie privée ou l’échec du programme Beacon.

En outre, les zones d’expansions de Facebook sont la chasse gardées de géant bien plus imposants que lui et qui défendront avec les dentes leur place et qui ont un puissance de feu (cash disponible) et une force commerciale bien plus forte (chiffre d’affaires)…

Pour l’information, Apple dispose de 97 milliards de cash dans ses coffres, Microsoft n’a « que » 52 milliards et Google 44 milliards).

Deux dernières hypothèses peuvent expliquer la valorisation de Facebook :

–          Une bulle boursière (facebook mania)

–          Une ouverture partielle du capital

En n’ouvrant que 5% du capital de la société, Facebook ne sera donc disponible qu’aux personnes motivées. On est d’accord que si 100 personnes veulent acheter Facebook (dans le cas d’une ouverture à 100% du capital) mais que seules 5 peuvent acheter, le prix moyen sera plus élevé.

A qui cela profiterait ? A Mark Zuckerberg (24% du capital) et ses amis au sens large (y compris l’artiste Coréen ou le chanteur Bono qui deviendra milliardaire avec l’IPO de Facebook) et qui a tout intérêt à ouvrir le capital petit à petit pour faire monter les enchères et augmenter son patrimoine. Après tout « Million Dollars Isn’t Cool. You Know What’s Cool? A Billion Dollars »

De la même manière qu’il avait ouvert petit à petit son réseau social (Harvard, Ivy League, Universités US, reste du monde) de façon de donner une valeur de luxe à son réseau (le réseau de Harvard = tout le monde veut en faire partie) et atteindre ainsi la masse critique pour bénéficier à fond de l’effet réseau.

Lire aussi : Une idée à 50 milliards de dollars

Alors, que pensez-vous de Facebook ? L’entreprise vaut-elle 10 milliards ? 50 ? 100 ? 1000 comme l’affirment certains investisseurs optimistes ?

 

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Facebook
Facebook
Par : Facebook, Inc.
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13 commentaires
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  1. Perso j’espère qu’ils vont se viander sévèrement 🙂
    Rien que pour le fait de ne pas créer une web dans le web.

  2. C’est une belle étude de cas boursière et une démonstration financière très juste, mais à mon avis ce que va vendre Facebook dans les prochains jours c’est sa capacité à générer du CA, et dans ce domaine il ya de quoi faire.

  3. Personellement en voyant comment les gens se sont affolés sur Linkedin lors de son introduction, j’ai bien peur que ce sera le même scénario.

    Je crains que cette bulle internet refasse son apparition. Les gens sont méfiants et ne misent plus sur les entreprises existantes, ils préfèrent miser sur les entreprises du web.

  4. Le truc c’est que Facebook a une capacité pour s’agrandir énorme, de part le fait qu’ils disposent d’autant de fidèles abonnés, si je peux les appeler ainsi.
    En clair, s’ils venaient à créer un moteur de recherche, ( pure spéculation ), ils pourraient très vite avoir des utilisateurs dessus, car ils ont une puissance de communication.
    Maintenant, le problème de Facebook réside dans un facteur difficile à analyser, l’effet de mode. Est-ce que les gens ne vont pas se lasser de ce réseau social d’ici quelques années ?
    C’est là, la force de Google par exemple; ILs sont partout.

  5. J’ai l’impression qu’il y a pas mal de surenchère au niveau médiatique mais qu’au final on ne sait pas vraiment ce qu’une entreprise comme celle-ci peut valoir.
    En tous cas, elle fait fantasmer beaucoup de monde sur sa réussite qui, elle, est bien réelle. La valeur suivra peut-être, l’avenir nous le dira.
    Il me semble que M. Zuckerberg, depuis le début, mène sa barque très joliment.

  6. Perso, je pense qu’ils n’ont pas encore réellement exploité le potentiel de cette cash machine et que cela ne va pas tarder. Je pense qu’ils ont fait une estimation moyenne et qu’en réalité la “bête” vaut bien plus.

    Il suffit de voir les progressions au Japon par exemple. Il y à peu c’était Mixi le réseau préféré des Japonais avec Twitter. Et maintenant c’est Facebook, et le marché n’est pas encore totalement exploité…

    En plus, je lisais hier qu’ils étaient en retard sur Twitter en termes de monétisation de l’espace pub. Cela démontre qu’ils ont encore de la marge

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