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Kindle Paperwhite, l’encre électronique entre parenthèses

Amazon propose maintenant sa 5ème génération de Kindle, nommé Paperwhite, expression que l’on peut traduire par “blanc comme le papier”. Mais est-ce vraiment le progrès annoncé ? Retour sur la petite histoire de l’encre électronique.

Article rédigé par Laurent Viassade, Designer graphique freelance et éditeur du site de jeux en ligne Jogg. Il nous livre ses réflexions sur l’évolution de l’encre électronique et la place du Kindle dans celle-ci.

Non l’encre électronique n’est pas morte. Elle vit plutôt une étrange parenthèse.

Un peu d’histoire. Tout commence au MIT, dans les années 90, lorsqu’un groupe de chercheurs imagine un support semblable au papier imprimé, un support sur lequel l’encre est “pilotée” électroniquement. Ce concept rompt radicalement avec tous les écrans proposés jusque là, basés sur un éclairage transmissif, donc une lumière provenant de l’écran lui-même. Et donc agressif pour les yeux.

Dans le cas de l’encre électronique, l’éclairage est dit “réflectif”, c’est à dire que l’écran fonctionne avec la réflexion de la lumière extérieure, sans éclairage interne. Exactement comme le support papier, voir à ce sujet :  http://www.actualitte.com/images/news/21862.jpg

La société Eink est créée dans la foulée de ces recherches. Elle poursuit le développement de cette technologie. Avec à la clé, des partenariats commerciaux fructueux, avec Amazon et Sony entre autres, et le succès mondial qu’on connait pour les liseuses électroniques, les e-readers.

On peut donc penser que dans la poursuite de l’encre électronique idéale, le but ultime soit d’obtenir un support parfaitement blanc et une encre noire et opaque, pour un contraste absolu, semblable à celui du livre imprimé.

Quand on compare les premiers écrans Eink ou SiPix aux écrans d’aujourd’hui, on voit que l’on se rapproche peu à peu de cet objectif. En 2010, l’écran Eink Pearl, franchit un palier : d’une résolution de 800×600 pour 6 pouces, il présente alors le meilleur contraste du moment, avec un fond d’une belle couleur gris clair légèrement satiné et une encre noir, ou plus exactement gris anthracite.

Peu après, Eink améliore encore la résolution de son écran Pearl, et propose dès la fin 2010 un écran HD (1024×768) sur le Story du coréen iRiver. Le contraste reste inchangé.

Depuis…  la quête du contraste parfait semble être une cause perdue.

Amazon propose maintenant sa 5ème génération de Kindle, nommé Paperwhite, expression que l’on peut traduire par “blanc comme le papier”. Un nommage en forme d’hommage qui fait directement référence au postulat d’origine : proposer un support de lecture avec des propriétés semblables à celles du papier blanc imprimé. A la différence qu’on peut maintenant lire… dans le noir ! Un support éclairé, ou plus exactement « auto-éclairé », comparable à une fibre optique plate, qui émet donc sa propre lumière en direction du papier électronique.
Intéressant dans les cas d’un éclairage ambiant insuffisant. Mais qu’en est-il du papier lui-même, sans auto-éclairage ? Comme le montre cette photo, publiée par The Verge,  http://cdn1.sbnation.com/entry_photo_images/5336415/kindle-paperwhite-vs-79-kindle-XSC_1991-rm-verge-1020_gallery_post.jpg rien n’a changé entre l’ancienne et la nouvelle génération. Le fond a toujours cette même couleur gris perle, le noir est toujours gris foncé. Le contraste de l’écran semble identique à celui du Kindle 3 sorti en 2010.

Dans sa conférence de presse, Jeff Bezos affirme que ce Kindle Paperwhite est le fruit de quatre ans de recherche chez Amazon. Depuis quatre ans, Eink semble donc butter sur un mur invisible, et ne parvient pas à produire l’encre électronique idéale, celle qui nous ferait prendre nos tablettes pour des livres imprimés. On peut penser que depuis quatre ans au moins, Eink a donc pris conscience des limites de son papier électronique. Le seul moyen de progresser encore a été de laisser les mains libres à Amazon pour créer cette illusion d’optique, un peu contre nature, où le papier blanc est en réalité un écran auto-éclairé.

Et l’encre couleur ?

Toutes ces années expliquent aussi pourquoi l’encre électronique couleur n’est plus vraiment d’actualité. Après un lancement timide de la technologie Triton, qui présente des couleurs délavées assez peu flatteuses, Eink ne semble pas vraiment prête à se lancer à plus grande échelle. Impossible de produire de belles couleurs sans pouvoir obtenir, à la base, un blanc parfait…

Voilà donc une nouvelle génération de Kindle Paperwhite. Le consommateur semble emballé et prêts à dégainer sa carte bancaire pour “upgrader” son ancien Kindle. La résolution est grandement améliorée, les caractères sont plus nets, le confort visuel est accru. Mais l’appellation Paperwhite est malhonnête. Il ne s’agit en réalité que d’un éclairage à LED. Le « papier » lui reste invariablement gris clair. Si l’origine scientifique de Eink la pousse sans doute à améliorer le contraste de ses écrans, avec des difficultés techniques évidentes, le commerçant Amazon n’a pas d’état d’âme et continue à vendre chaque année un nouveau modèle. Quitte à dévoyer ce qui faisait le sel et l’intérêt de l’encre électronique : pouvoir lire pendant de longues heures sur un support neutre, proche du papier, qui ne produit pas sa propre lumière et donc sans stress pour l’œil

Les concurrents Kobo et Barnes&Nobles proposent des solutions proches. Mais eux n’ont pas joué sur les mots, et ont clairement vendu leurs e-readers avec, pour leurs nouveaux e-readers, des termes sans ambiguïté : Glowlight et Glo.

Jeff Bezos, en tant que marketeur surdoué, affirme au début de sa conférence qu’une impasse sombre peut parfois déboucher sur une large avenue éclairée. Il s’agit sans doute d’un message (pas vraiment) codé. Tandis que le fond de l’écran Eink reste désespérément « sombre », une simple rangée de LED parvient à créer l’illusion d’un papier électronique plus blanc que blanc. Alors qu’il ne s’agit en réalité que d’une source de lumière intégrée, très probablement émettrice d’UV. Dommage, surtout quand on pense qu’Amazon a permis à cette technologie de trouver sa voie et son public, ainsi bien sûr qu’un marché important et durable. Et donc de dégager des revenus conséquents capables de supporter une R&D forcément lourde et couteuse.

Et la suite ? On peut aisément imaginer un futur Kindle PaperColor, dont les couleurs  délavées nous sembleront soudainement éclatantes. Alors qu’il ne s’agira au fond, que d’un écran transmissif de plus… à moins que le Kindle PaperWhite ne soit qu’une étape ?

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  1. Je ne comprends pas trop l’intérêt de tout ça, j’ai un Kindle, le fond n’est pas super blanc ok, mais quand je lis un vrai livre c’est pareil, quand au contraste je ne vois pas non plus où est le problème, l’encre n’est pas d’un noir absolu, et alors ? ça empêche de lire ? en quoi serait-il mieux d’avoir une encre ultra noire plutôt qu’une encre gris foncé ? au contraire je trouve plus reposant pour les yeux d’avoir moins de contraste entre le fond et les lettres que d’avoir une feuille super blanche et des lettres super noires.

  2. Je ne suis pas du tout en accord avec et article. Il suffit d’avoir un kindle en face pour se rendre compte que cette technologie n’est pas vouée à l’échec. Dans un monde entouré d’écrans, se sont nos yeux qui fatiguent vite à cause des écrans LED, qui émettent de la lumière. La technologie est une technologie non contraignante, et donc très agréable. Et puis il suffit d’aller à NY pour se rendre compte que tout le monde aime cette technologie.

  3. @Dodutils : j’aime aussi passé des heures à lire sur mon Kindle. Le contraste moyen n’empêche pas un confort de lecture correct. Mais meilleur sera le contraste, meilleur sera le confort, car vous aurez à faire moins d’effort pour reconnaitre chaque lettre / mot. Sauf si bien sûr vous êtes en plein soleil, auquel cas vous serez ébloui.
    De plus, obtenir un noir et un blanc absolu permettra d’obtenir de belles couleurs éclatantes. Comparez vous même entre un journal et une édition d’art, ou une BD. Sur le journal, les photos sont ternes, les couleurs passées. Le blanc du papier est au moins aussi important que la qualité de l’impression.

  4. @Laurent : je parle uniquement de noir&blanc pas de couleurs, et d’ailleurs dire que d’obtenir un noir et blanc absolu permettra d’obtenir des belles “couleurs éclatantes” y a pas un problème ? mais j’ai compris le sens de ta phrase “contrastement parlant” 😉

    Ceci dit j’ai déjà pu comparer la lecture sur papier super blanc et encre super noire et franchement ça me fatigue plus les yeux, c’est pour ça que j’apprécie particulièrement les écrans actuels non lumineux ou les livres de poche dont le papier “blanc sale” est très reposant.

  5. @Dodutils Il en faut pour tous les goûts bien sûr. On peut penser que lorsqu’on arrivera à obtenir un vrai blanc éclatant, sans auto-éclairage, on pourra aussi régler le contraste à sa convenance.
    Là où la couleur devient très intéressante, c’est pour les écrans de PC : pouvoir travailler de longues heures sur un écran réflectif, donc sans fatigue visuelle, le pied !

  6. @Laurent: chui d’accord, je bosse 100% de mon temps sur des écrans (développeur) mais aucun n’est “brillant” (sale mode que ces écrans brillants ultra fatigants) et c’est déjà pas mal, de plus je baisse volontairement la luminosité pour reposer les yeux et si cela terni en effet les images, cela m’apporte du confort en lecture des textes.

  7. L’article touche effectivement un point sensible ! Derrière ce gadget l’écran n’a pas bougé d’un pouce !

    Une précision tout de même, Amazon n’a fait que suivre une tendance, la technologie d’éclairage intégré est déjà commercialisé par Barnes & Noble depuis plusieurs mois !
    L’assertion “Le seul moyen de progresser encore a été de laisser les mains libres à Amazon pour créer cette illusion d’optique” est fausse car elle sous entend qu’Amazon a exploité ce concept en premier.

    En ces temps où tout le monde revendique à tort et à travers la paternité de technologies déjà existantes, il est important de rester rigoureux pour ne pas faire le jeux de commerciaux peu scrupuleux.

    Bizarrement ici nous avons trois constructeurs, trois produits très similaires du point de vue hardware et aucun procès en vue ! On n’a plus l’habitude de voir se perdre des occasions pareilles de se faire mousser en lâchant les avocats sur les concurrents !
    Il faudra juste attendre qu’apple se place aussi sur ce marché.

  8. “Le contraste moyen n’empêche pas un confort de lecture correct.”

    En réalité, ce contraste “moyen” n’est ni plus ni moins que le contraste d’un livre de poche… Je ne sais plus qui avait fait le test mais on tourne à 60 %. (bah ouais, papier n’est jamais d’un blanc pur, l’encre n’est jamais d’un noir pur et l’effet de rémanence des écrans e-ink trouve son “pendant” papier dans la transparence de la feuille imprimée recto-verso).

    D’ailleurs, on ne met jamais du noir pur sur du blanc pur, le contraste est alors trop élevé et ça fatigue les yeux. D’où les web designers qui choisissent en général de mettre du texte noir sur un fond légèrement gris ou du texte gris foncé sur un fond blanc.

  9. Bonsoir,

    Alors si je comprends bien, Amazon se lance dans la lessive, comme Omo, il lave plus blanc que blanc! A quand les noeuds pour obtenir 1 papier encore plus blanc?
    Que ne ferait-on pas pour pousser les gens (ou moutons) à sur-consommer.

  10. Laurent, analyse intéressante, mais du coup je m’interroge sur la phrase suivante :
    “Amazon n’a pas d’état d’âme et continue à vendre chaque année un nouveau modèle. Quitte à dévoyer ce qui faisait le sel et l’intérêt de l’encre électronique : pouvoir lire pendant de longues heures sur un support neutre, proche du papier, qui ne produit pas sa propre lumière et donc sans stress pour l’œil”

    Que voulez vous dire par là, svp ? Que le nouveau Kindle intégrant du LED sera plus fatiguant pour l’oeil humain que celui de la génération précédente ? Ce qui constituerait une régression, non ?

    Merci d’avance pour votre retour.

  11. @Frédéric, le but premier des ereaders à encre électronique est d’être le moins fatiguant pour l’œil, donc en étant le plus proche possible du rendu “livre imprimé”. En introduisant une source interne de lumière sur le nouveau Kindle, Amazon reproduit le principal défaut des écrans classiques (sur téléphone, pc, tv, etc.). Il y a donc à nouveau une émission de lumière en direction du lecteur, ce qui risque de produire une fatigue rapide, surtout pour les yeux sensibles.
    Nous pourrons juger objectivement lors des premiers retours d’expérience, lorsque le Kindle Paperwhite sera livré aux premiers acheteurs, début Octobre.

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