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La gamification en 100 mots

Lors de mon dernier billet, intitulé « La gamification : quel univers ? », j’ai tenté de cerner les concepts clés qui caractérisent cet univers en analysant…

Lors de mon dernier billet, intitulé « La gamification : quel univers ? », j’ai tenté de cerner les concepts clés qui caractérisent cet univers en analysant les noms de domaine liés au jeu, extraits du corpus des presque 100 millions de domaines en .COM du fichier de Verisign, qui représente une base de données unique bien que partielle.

En outre il n’est pas toujours possible de l’exploiter : c’est parfait avec des séquences comme *GAMIF*, extrêmement spécifiques, mais impossible à utiliser dès que vous passez à des termes génériques, très courants et polysémiques (imaginez LOVE !).

Par conséquent, lorsqu’on étudie un univers quelconque sur le Web, il y a essentiellement deux sources d’analyse possibles :

1. Les noms de domaines
2. L’analyse de corpus

Car si la première forme n’est pas toujours praticable, la seconde l’est. Mais de quoi s’agit-il ?

Dans les années 60, certaines études statistiques effectuées sur le lexique général du français (cf. P. Guiraud, 1959), établissaient que 100 mots bien choisis assuraient un taux de couverture d’environ 60%, tandis que 1 000 mots couvraient 85%, et 4 000 mots 97,5% du lexique (alors qu’il fallait 40 000 mots pour couvrir les 2,5% restants). (Source)

Or l’on parle ici du lexique général de la langue, soit grosso modo 100 000 termes, dont 5,1% (5 100 mots) couvrent 97,5% de l’ensemble ! D’ailleurs ce seul bagage de 5 000 vocables suffit à s’exprimer et à soutenir une conversation en français, et il en va de même dans pratiquement toutes les langues.

Autrement dit, si l’on rapporte ces pourcentages à des corpus beaucoup plus restreints et ciblés, il est évident que les 100 premiers mots (épurés des mots vides, des pronoms, des connecteurs, des chiffres, etc.) par fréquence statistique couvrent beaucoup plus que 60% de l’univers, dans une proportion que je ne saurais précisément quantifier mais que nous pourrions qualifier comme taux de couverture particulièrement concentré et représentatif, dont la qualité et l’exhaustivité sont proportionnels à la qualité et l’exhaustivité du corpus constitué.

Car lorsque vous voyez ce que l’on peut faire dire à un seul mot (voir ici l’exemple de « manger ») imaginez avec 100 !… D’autant plus qu’ils se rapportent étroitement au réseau notionnel du domaine considéré, c’est-à-dire qu’ils sont interreliés et forment un tout, un cadre conceptuel permettant de décrire un système qui fait sens et dont le rapport entre les mots est une représentation de ce sens.

Cela signifie, dans notre cas, que ces 100 mots vont définir ce qu’est la gamification de façon bien plus complète que toutes les définitions et autres billets qu’on pourra en trouver sur le Web.

La constitution du corpus

Le Web est un puits sans fond pour constituer à la volée autant de corpus sur autant de domaines qu’on veut. Il suffit de tracer un sujet sur Twitter pour avoir un flux permanent d’actus, de blogs, etc. Donc ce que j’ai fait ici pour la « gamification » peut être reproduit à l’infini sur tous les sujets, voire élargi à une société, une marque, un personnage, un livre, un événement quelconques, etc. Aucune limite !

Les principaux composants servant à former le corpus doivent seulement réunir qualité d’un côté, exhaustivité de l’autre, et être équilibrés en essayant de refléter toutes les opinions possibles, positives, négatives et neutres. Les billets et les articles largement commentés sont très utiles dans ce sens, car généralement les débats lancés en commentaires expriment cette pluralité de vues. Les rapports d’étude sont également précieux, en ce qu’ils présentent toujours les pour et les contre avant de conclure.

J’ai donc travaillé à un premier corpus de 54 billets, rédigés pour la plupart par des experts du domaine, en obtenant un fichier de 47 083 mots (soit une moyenne d’environ 872 mots par billet), dont j’ai extrait les 70 termes plus significatifs pour les comparer aux 70 concepts clés des noms de domaine, avec un résultat de 17 concepts communs aux deux corpus, pondérés dans le nuage ci-dessous selon leur ordre d’importance :

Les 57 concepts distincts sont également riches en enseignements, et je laisse découvrir le tableau correspondant à qui le souhaite : dot-com file vs. blog posts corpus.

Ceci étant, afin d’obtenir un corpus encore plus significatif, j’ai décidé de l’étendre en y ajoutant 30 sources supplémentaires (soit 91 273 mots), dont deux études sur la théorie des jeux : les chapitres 6 (Games), 7 (Evolutionary Game Theory) et 8 (Modeling Network Traffic using Game Theory) de Networks, Crowds, and Markets: Reasoning About a Highly Connected World, et ce rapport intitulé Project Massive: Self Regulation and Problematic Use of Online Gaming.

Voici une brève comparaison des termes les plus fréquents entre les deux :

Je vous fais voir ce tableau car il illustre clairement l’équation « qualité du corpus = qualité des résultats », puisque le premier corpus (47 083 mots) ciblait davantage les aspects gamification + business, tandis que le deuxième (91 273 mots) privilégiait jeux, joueurs et stratégies dans un souci d’exhaustivité, ce que met parfaitement en évidence le résultat : si vous constituez un corpus sur la gamification et que le terme le plus fréquent est “plombier”, c’est qu’il y a un lézard quelque part !

Enfin, dernière opération, j’ai fondu ces deux corpus en un seul fichier de 138 356 termes, provenant de 84 documents en anglais, dont j’ai extrait les 100 premiers mots significatifs.

Puis pour faire bonne mesure, j’ai constitué un autre corpus, entièrement en français, de 41 391 mots, provenant de 17 documents (une étude + 16 billets de blogs) (naturellement, par rapport à la profusion de documents en anglais, il est plus difficile de trouver des sources de qualité en FR), dont j’ai aussi extrait les 100 premiers mots significatifs à des fins de comparaison entre les deux langues et les deux approches.

Là encore, le tableau des 10 premiers termes confirme le ciblage du corpus en FR :

Pourquoi la gamification ?

Mais pourquoi avoir choisi ce champ d’investigation, me direz-vous, que j’ignorais presque totalement il y a deux mois encore, et sur lequel la conférence de Loïc m’a ouvert les yeux ?

D’une part, c’est de la curiosité et un fort désir de comprendre, car j’ai horreur de ne pas comprendre les choses dont tout le monde parle et il faut que je me fasse ma propre opinion. Ce fut déjà le cas avec Facebook, Google, les noms de domaine, etc.

Et surtout, ni la dérision, ni le refus a priori ne me semblent une attitude intellectuelle appropriée, face à

… une tendance qu’on ne peut pas nier et qui va changer beaucoup de choses pour les prochaines années dans différents domaines (santé, gouvernement, marketing…).
Qu’on aime ou qu’on déteste, on ne peut passer à côté car les jeux vont changer beaucoup de choses à partir de maintenant.

Domaines auxquels j’ajouterais les jeux sérieux et, surtout, l’éducation, que je trouve aujourd’hui inadaptée à l’ère Internet, car s’il est vrai que dans 5 ans nous verrons se déployer sur le Web des technos qui n’existent pas encore ou naissent tout juste aujourd’hui, il se pourrait bien que la gamification en soit et impacte directement ce secteur et d’autres.

Mon fils vient de fêter ses 10 ans, mais qui pourrait dire quels sont les services qu’il utilisera quand il en aura 15 ou 20 ? Rappelez-vous les pléthores d’avis négatifs et de prévisions funestes sur l’avenir de Facebook durant les premières années d’existence du service…

Donc je ne veux pas dire par là que la gamification remportera le même succès, en fait personne n’en sait rien, mais pour autant j’estime que l’argument est suffisamment sérieux pour qu’on s’y intéresse de près.

Les résultats

Inutile de surcharger ce billet en détaillant le réseau conceptuel des 100 mots (noms, adjectifs, verbes et adverbes) les plus fréquents extraits des deux corpus, anglais et français, je me contenterai donc de les lister par ordre d’importance, et non par ordre alphabétique, divisés en deux tableaux (50 premiers EN / FR et 50 derniers EN / FR) pour une question de lisibilité, avant de conclure par les nuages sémantiques correspondants, dont j’exclus évidemment les termes JEUX, GAME, GAMIFICATION, etc., pour qu’ils ne faussent pas la répresentation par leur surpondération. Mais il suffirait de prendre chaque nuage et d’établir les liens entre les termes pour obtenir le cadre notionnel probablement le plus complet de ce qu’est la gamification à l’heure actuelle !

On pourrait également analyser autant les similarités entre les deux langues que certaines différences notables : “strategy” ou “content” pris en compte en anglais mais pas en français, “vidéo” ou “culture” prises en compte en français et pas en anglais, etc. etc. À noter que lorsque le français mentionne les termes déclinés de GAME en anglais (GAMES, SERIOUS GAME, GAMIFICATION, GAMING), je les ai laissés.

Les 101 sources sont énumérées en fin de billet.

Sources en français (17) :

1. Découvrez comment le Serious Game va révolutionner la Science avec l’expérience Foldit
mercredi 28 septembre 2011

2. La gamification : quel univers ?
6 JANVIER 2012

3. Introduire de la Gamification, une bonne résolution pour 2012 ?
3 janvier 2012

4. SOCIAL GAMES, VRAIMENT SOCIAUX, VRAIMENT LUDIQUES ?
Celina Barahona | 6 janvier 2012

5. [Retour sur 2011] L’évolution de la “gamification” en 2011
Par Audrey Fleury, le 5 janvier 2012

6. Vers la gamification de la géolocalisation sociale
Clément Brygier

7. Les ambiguités de la gamification
Par Rémi Sussan le 01/03/11

8. Retourner au plaisir de jouer
Par Hubert Guillaud le 16/02/11

9. Les serious games : état des lieux de jeux vidéo institutionnalisés
Séminaire DEL, 28 octobre 2009 / Olivier Mauco

Dossier, “Soyons sérieux, jouons !”
Par Rémi Sussan

10 – 1ère partie : Prendre le jeu au sérieux

11 – 2e partie : Les nouvelles formes de jeu

12 – 3e partie : Le jeu, catalyseur de l’intelligence collective

13 – 4e partie : Le jeu est le futur du travail

14 – 5e partie : Le jeu est l’arme de la subversion

15. La gamification: nouvelle tendance à surfer pour 2012
BY JOHANN ON 6 JANVIER 2012

16. Le «serious gaming» me fait «tripper» de plus en plus
PUBLIÉ LE 16 AVRIL 2008 PAR MARIO ASSELIN

17. Jeux de mains, jeux de vilain ?
PUBLIÉ LE 8 DÉCEMBRE 2006 PAR MARIO ASSELIN

Sources en anglais (84) :

Les 54 premières sont ici (en fin de billet). Voici les 30 suivantes :

1. Top 12 digital predictions for 2012
Millward Brown’s Global Futures Group brings you the hottest trends for the New Year 2012
12 Dec 2011 / Slideshare

2.The Principles of Gamification

3. Gamification 101: The Psychology of Motivation
by Michael Wu on 03-01-2011 02:40 PM

4. What is Gamification, Really?
by Michael Wu on 08-29-2011 05:13 AM

5. The Gamification Backlash + Two Long Term Business Strategies
By Michael Wu on 10-13-2011 06:33 AM

6. Sustainable Gamification: Playing the Game for the Long Haul
by Michael Wu on 11-03-2011 01:54 PM

7. ‘Badges’ Earned Online Pose Challenge to Traditional College Diplomas
By Jeffrey R. Young, Published January 8, 2012

8. Gamification of Labour: How Digital Could Change the Rules
By Chloé Roubert, Published January 8, 2012

9. How Gamification Works
By Stephanie Crawford

10. The Current, and Unfortunate, State of Gamification
Brown, Dakota Reese. Personal blog entry. Jan. 2011

11. Gaming education: Classic ed-tech games and build-your-own methods are now joined by the ‘gamification’ movement
Corcoran, Elizabeth / O’Reilly Media, Inc. Oct. 27, 2010

12. Why ‘Gamification’ is as stupid as it sounds
Doust, Sam. March 18, 2011

13. Networks, Crowds, and Markets: Reasoning About a Highly Connected World
Easley, David and Kleinberg, Jon. Cambridge University Press. 2010. / [Chapters 6, 7, 8]

14. Do most educational games suck?
Scott McLeod on July 23, 2009, 8:01 AM

15. Project Massive: Self Regulation and Problematic Use of Online Gaming
Robert E. Kraut / A. Fleming Seay, 1-1-2007

16. Design Outside the Box” Design Innovate Communicate Entertain (DICE)
Schell, Jesse. Summit 2010. G4 Media, LLC. Feb. 18, 2010.
–> Slideshare

17. Gaming can make a better world
Jane McGonigal @ TED TALKS, Feb. 2010

18. Gamification gets its own conference
Takahashi, Dean. VentureBeat. Sept. 30, 2010. (March 28, 2011)

19. Game guru Jane McGonigal says “gamification” should make tasks hard, not easy
January 20, 2011 | Dean Takahashi

20. USA Network scores with gamification on Psych TV show
January 21, 2011 | Dean Takahashi

21. Game-Based Marketing
Zichermann, Gabe and Linder, Joselin.
–> I Don’t Want To Be a Superhero
By Heather Chaplin | Posted Tuesday, March 29, 2011, at 2:14 PM ET

22. How 9 Retailers Successfully Leveraged Game Mechanics
December 27, 2011 by Macala Wright Lee9

23. Just Press Play / Intrinsic motivation via gameful education
by Donald Brinkman

24. Loyalty Avatars – Gamification Technique to Redefine Loyalty Programs

25. Beyond Gamification: 7 Core Concepts to Create Compelling Products
Web 2.0 Conference / 14 minutes, recorded 2011-03-29

26. Gamification: A Fad Or The Future
by Mike Doherty, Dec 30, 2011, 7:14 AM

27. Whatever Happened to Gamification?
Jan 07 2012 by Matt Hodkinson

28. Online gamers crack AIDS enzyme puzzle
By AFP | Plugged In – Mon, Sep 19, 2011 12:19 PM EDT

29. Gamers solve molecular puzzle that baffled scientists
By Alan Boyle, 18 Sept. 2011

30. Actionable 2012 Social Business Predictions: #3 Gamification Endures
January 09, 2012

Bonne lecture !

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10 commentaires
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  1. Belle étude très efficace et pertinente !

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