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L’avenir du cinéma passe-t-il par internet (et le gratuit ?)

A l’heure, où les pouvoirs publics s’appuient sur la répression et la criminalisation des internautes, avec la loi Hadopi en France et la loi sinde en Espagne, une maison de production européenne fait le choix de l’ouverture et du partage.

Article rédigé par Nicolas Dehorter, qui relate l’expérience tentée par une maison de production de cinéma espagnole.

La maison de production espagnole Riot Cinéma proposera le téléchargement en HD de son premier long métrage « El cosmonauta » gratuitement dès son premier jour de sortie.

A l’heure, où les pouvoirs publics s’appuient sur la répression et la criminalisation des internautes, avec la loi Hadopi en France et la loi sinde en Espagne, une maison de production européenne fait le choix de l’ouverture et du partage.

Quelle est l’originalité de ce projet ?

Pour la première fois, Riot Cinéma utilise des solutions innovantes comme le crowdfunding et les licences Creative Commons pour produire son long métrage « el Cosmonauta », et le diffusera sans offrir d’exclusivité sur plusieurs supports et médias en même temps (Internet, TV, Salles, DV) bousculant évidemment le modèle classique de diffusion.

Ce qui pouvait apparaître comme une aberration économique, il y a encore même quelques mois, est devenue une stratégie réfléchie et ambitieuse. Les jeunes responsables de la maison de production, Nicolás Alcalá, Carola Rodríguez et Bruno Teixidor ont, selon eux, juste décidé de voir internet comme un atout et les internautes comme des alliés et non des voleurs. Ils diffusent leur film, comme ils  aiment les voir, gratuitement sur internet, tout en aimant aller les voir en salle, mais en y vivant une expérience (soit avec la technologie 3D ou avec l’apport du transmédia).

Les premières leçons que l’on peut tirer de l’expérience « El Cosmonauta ».

C’est autant de conseils que pourraient donner l’équipe du film et que peuvent méditer tous les créateurs ou porteur de projets innovants.

Tout d’abord, une petite présentation pour ceux qui ne connaissent pas encore le projet :

« El Cosmonauta est un film de science fiction espagnol, dont le modèle de production et de diffusion a été totalement repensé par les jeunes membres de la maison de production Riot Cinema. Ne voyant pas internet comme un ennemi, mais plus tôt comme un outil formidable de partage et de créativité, le film sera diffusé pour la première fois simultanément sur internet, à la télévision et bien sûr en salle, provoquant à la fois une expérience pour les spectateurs et favorisant le changement dans la production et le passage à une nouvelle étape, où internet et les amateurs du 7e art joueront un rôle majeur. »

El_Cosmonauta sur Wikipedia

Première chose à faire, bien s’entourer

La réalisation du projet « El cosmonauta » est avant tout une aventure humaine : près de 30 personnes collaborent ou ont collaboré ponctuellement au développement du film. Tous se sont investis sans compter pour la beauté du projet, tous ont accepté de différer leur paiement pour permettre au projet de naître et de grandir.

Comme l’équipe dirigeante de Riot Cinema Collective, composée de Carola Rodriguez, Bruno Teixidor et évidemment de Nicolas Alcalà, vous devez pouvoir vous entourer d’un réseau de personnes de différentes compétences qui en leur laissant toute liberté pourront donner leur meilleur.

Ils savent comment fonctionne le milieu de cinéma et ils sont sans peur

Les négociations dans le milieu du cinéma sont très dures, des centaines de projets tous aussi bons les uns que les autres meurent sur le bureau de producteurs. Réussir à concrétiser son projet pour un jeune réalisateur, d’une manière « classique » en bénéficiant des subventions est devenu presque impossible. Très rapidement, ils ont compris que produire d’une manière indépendante était la seule façon de réaliser ce projet. Utiliser internet est aussi pour eux le moyen de se démarquer, d’attirer la lumière dans un contexte difficile, tout en sachant que les risques sont calculés. Bénéficier du soutien des internautes a permis de commencer à mettre les choses en marche et de s’affirmer face aux productions classiques.

Ils ont repéré une tendance

Depuis longtemps, ils ont cette vision, internet n’est pas un frein, mais au contraire un outil formidable de promotion et de diffusion. Ils souhaitent ainsi être les premiers à démontrer que l’on peut bousculer le modèle traditionnel de production et de diffusion et réussir à faire du cinéma comme on le souhaite et en diffusant son film comme on aime les voir.

Dans un contexte où l’industrie cinématographique est confrontée à un bouleversement, à une totale remise en question de la manière de consommer et de diffuser ses produits et ses films. Pris de panique, elle a longtemps cherché à se défendre et à criminaliser les internautes (à travers les lois sinde en Espagne ou Hadopi en France). Les jeunes producteurs pensent au contraire qu’il ne sert à rien de lutter contre la consommation ou contre la liberté qu’offre internet, comme dans d’autres domaines notamment le musique, ce sont les producteurs de films qui doivent chercher de nouveaux modèles économiques et s’adapter. C’est pour cela qu’ils proposeront pour la première fois, gratuitement, l’intégralité du film en téléchargement sur internet.

Ils comprennent que le contenu est roi

Il ne sert à rien de promouvoir les nouveaux modes de financement et de diffusion, si c’est pour faire un film de piètre qualité. Le meilleur moyen de montrer ce que l’on sait faire, c’est de le faire, même si l’on a peu de moyens.

Le premier teaser et les premiers documents explicatifs ont tout de suite étaient appréciés et les internautes ont tout de suite compris ce qu’ils souhaitaient faire.

Voici les premières vidéos :
Le projet El Cosmonauta :

The cosmonaut project from Riot Cinema on Vimeo

El Cosmonauta en cinq étapes :

El Cosmonauta en 5 pasos from Riot Cinema on Vimeo

Quatre mois seulement après, mille producteurs les soutiennent déjà et ils signent avec des investisseurs privés (investissement minimum 1000 €).

Ils connaissent la valeur d’un réseau social

Les réseaux sociaux, Twitter et Facebook ont ça de formidable, Postez quelque chose de qualité et de valeur sur eux et cela se répandra comme une traînée de poudre, même aux personnes non liées au préalable avec vous.

Aujourd’hui, le film compte déjà plus de 4000 amis sur Facebook et plus de 2000 followers sur Twitter.

L’important est de toujours s’appuyer sur la philosophie que l’on s’est donné, de commenter et partager les décisions que l’on peut prendre avec la communauté. Cela permet évidemment d’acquérir une certaine confiance et légitimer les actions menées et d’aller toujours plus loin dans la réflexion.

Grâce à la communauté des internautes, dont ils ont  pu tirer une certaine légitimité… ( en le finançant, on peut être sûr qu’il souhaite le voir, non ? ). Ils ont pu très rapidement attirer l’attention des médias et des investisseurs.

L’autopromotion est nécessaire

Dans le monde moderne, c’est une nécessité. Le projet  « El cosmonauta » aurait pu être un autre projet indépendant de science fiction, que malheureusement personne ne voit. Ils ont très vite compris la puissance marketing et de communication d’un tel projet dans un contexte de lutte contre le téléchargement illégal et de crise du cinéma. Ils sont très vite apparus comme un  contre modèle, comme une alternative à la répression.

Ils embrassent le changement en favorisant le partage et la liberté

Les lois anti-téléchargement ne sont pas la solution et culpabiliser les internautes ne l’est pas tout autant.

Probablement la leçon la plus importante à retenir, est qu’ils arrivent à démontrer qu’aujourd’hui plus que jamais on peut innover grâce à internet. La promotion et la diffusion est vitale pour le cinéma, il faut aller chercher les spectateurs où ils sont.

Ils ont reçu d’ailleurs dans cette démarche un soutien important en la personne d’Alex de la Iglésia, qui lors du discours à la cérémonie des Goyas 2011, n’a pas hésité à présenter internet comme l’avenir du cinéma. (Ce qui de la part du président de la cérémonie a un peu provoqué la polémique, vous pouvez vous en doutez, je vous invite à voir cela)

Voici la vidéo du discours d’Alex de la Iglesia aux Goyas :


Discours d’Alex de la Iglesia aux Goya 2011 -… par thoughtsandfacts

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10 commentaires
10 commentaires
  1. Et UbicMedia, une start-up lyonnaise, a inventé une technologie qui répond exactement à ce besoin de “favoriser le partage des films”.
    Elle vient de s’implanter aux USA, car le cinéma indépendant US utilise déjà le système PUMit et les majors regardent de près, ainsi que d’autres acteurs de l’industrie du cinéma et de la vidéo à Los Angeles : voir http://www.pumit.com pour comprendre le système…

    Diosclaimer : j’ai travaillé en 2007-2008 pour UbicMedia, dont je suis toujours (tout petit) actionnaire…

  2. Ooook, j’aime l’idée, j’aime la philosophie et je suis un fervent partisant d’une culture libre et accessible à tous.

    Mais je n’ai pas compris comment ils se remunerent au final ? Par le don ? (ce qui est finalement la source de l’Art, c’est comme cela qu’étaient remunerés les tous premiers artistes apres tout 😉

  3. Partager ne veut pas forcément dire que tout est gratuit, mais aussi que l’on peut imaginer des modèles économiques innovants qui favorisent le partage et la redistribution, bref l’effet de viralité.

    Ainsi avec PUMit un producteur ou réalisateur indépendant, sans structure d distribution, peut diffuser sur Internet par tout moyen (P2P, MegaUpload, RapidShare etc) un film dont la première demi-heure (ou le premier quart d’heure, ou la première heure…) est en accès totalement libre, puis demander à l’internaute de payer 1 € pour voir la fin du film. Celui-ci est alors sollicité en connaissance de cause, s’il a regardé jusque là c’est que le film lui plaît…

    On peut aussi imaginer que le droit de voir un film soit offtrt par un sponsor (qui pourra diffuser une pub, faire remplir un questionnaire marketing ou un sondage…) le visionnage du film étant alors gratuit pour l’internaute.

    Et avec PUMit la définition de ces règles d’accès au contenu du film est totalement dynamique, on peut les changer à tout moment même pour un film qui a été mis en circulation il y a des mois…

    Mieux, si l’internaute rediffuse le film à X de ses connaissances (en partageant une clé USB, un disque dur, la mémoire de son smartphone etc) alors l’ayant droit qui en est informé peut le récompenser, par exemple en lui offrant un autre film cette fois totalement gratuit.

    Je crois beaucoup en la possibilité d’inciter au téléchargement (le streaming étant le moins performant et efficace en terme d’audience potentielle) puis au partage et à la rediffusion d’un internaute à l’autre, car cela permet d’abaisser terriblement les coûts de diffusion Et donc en répercutant la baisse des coûts de diffusion d’abaisser le coût d’achat ou de location d’un film.

    Exemples concrets avec 2 films indépendants qui ne sont pas sortis en salles mais sont visionnables en “VOD de nouvelle génération” avec la solution UbicMedia :
    – Gold men est proposé à prix libre :
    http://goldmenlefilm.kanarifilms.fr/index.php
    – West Coast Theory est proposé à 3,75$ pour 3 visionnages : http://www.westcoasttheory.com/

    (pour le moment c’est PC only mais la version Mac est prévue…)

  4. Pour infos Kamoulox :

    Les sources de revenus restent essentiellement les mêmes qu’un film classique :
    – Préventes à la télévision
    – ventes directes aux exploitants
    – ventes de DVD
    – VOD
    – merchandising.

    Mais le pari est fait de diffuser sans exclusivité sur les différents supports ( internet, télévision, salles de cinéma et DVD), ainsi le film sera disponible gratuitement sur internet, pendant qu’il est diffusé en salle. Mais les spectateurs en salle bénéficieront du complément du transmédia, leur permettant de vivre une vraie expérience. Internet est un fabuleux outil de communication et de diffusion et ils l’utilisent à fond en espérant que les gens qui l’auront vu en le téléchargeant n’hésiteront pas à le conseiller ou d’aller eux-même en salles. Ils voient les internautes non comme des ” pilleurs ” mais comme des amateurs de cinéma qui sont prêts à payer si la qualité est au rendez-vous. Le tout maintenant est d’attendre la fin 2011 pour voir le film. Moi j’attends avec impatience.

  5. Hey, ça fait déjà des lustres que le sujet est abordé avec juste une grosse différence, l’accès gratuit aux films, à la musique aux images même si les gouvernements s’y opposent il y aura toujours des parades, même payantes. L’asticot et dans le fruit.

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