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Le graphène : l’avenir de l’électronique repose sur une poignée d’atomes

Le silicium est en train de se faire coiffer sur le poteau par une nouvelle star montante qu’est le graphène. L’occasion pour nous de faire un petit tour d’horizon de ce nouveau matériau et de ses capacités pour le moins (d)étonnantes…

Tout le monde connaît le silicium, ce matériau fétiche qui compose la quasi-intégralité des circuits électroniques qui nous entourent. S’il est le chouchou des fondeurs, ces fabricants de circuits intégrés, c’est qu’il a des propriétés de conductivité, de stabilité et de résistance physique à en faire pâlir ses potentiels concurrents. Du moins, jusqu’à aujourd’hui, puisqu’il est en train de se faire coiffer sur le poteau par une nouvelle star montante qu’est le graphène. L’occasion pour nous de faire un petit tour d’horizon de ce nouveau matériau et de ses capacités pour le moins (d)étonnantes…

Du graphite au graphène

Si l’on entend beaucoup parler du graphène, c’est que ce matériau, découvert en 2004 à Manchester, a beaucoup animé à la communauté scientifique. Tant et si bien d’ailleurs que les professeurs Geim et Novoselov ont reçu en 2010 le prix Nobel de physique pour leurs travaux sur ce matériau.

Bon, tout ça est certes impressionnant, mais ça ne nous dit pas ce qu’est ce fichu graphène ! J’allais justement y venir. Ce n’est pas spécialement un matériau nouveau en soit puisqu’il vous suit depuis votre tendre enfance. Seulement, nous n’avons été capable de l’isoler que depuis 2004. En effet, prenez un cristal de graphite, c’est à dire, en langage courant, une simple mine de crayon de papier. Découpez là en tranches très fines, les plus fines possibles, à savoir de la hauteur d’un atome : vous obtenez alors du graphène !

En rentrant un tout petit peu plus dans les détails, le graphène est un matériau mono-cristallin composé uniquement d’atomes de carbones assemblés en une structure hexagonale de type “nid d’abeilles”. Ce cristal étant de l’épaisseur d’un seul atome, on considère qu’il est plan : on parle alors de cristal bidimensionnel. Pour illustrer la taille infinitésimale de ce cristal, il faudrait empiler près de 3 millions de feuilles de graphènes pour obtenir un morceau de graphite d’un millimètre d’épaisseur.

Plus fort que la kryptonite

Maintenant que vous savez ce qu’est le graphite, attardons nous un peu sur ses propriétés. Le graphite est un matériau si dense qu’aucune impureté ou presque ne peut s’y loger, en conséquence de quoi, le déplacement des électrons est beaucoup plus facile dans ce matériau que dans le silicium. Comptez une vitesse de déplacement jusqu’à trente fois plus grande que dans ce dernier, ce qui fait du graphène le meilleur conducteur connu à ce jour.

Sa petite taille permet également de miniaturiser les composants électroniques. Alors que la longueur de grille des transistors au graphène (leur dimension caractéristique) était figée par la technologie à quelques centaines de nanomètres (1/100ème du diamètre d’un cheveux), IBM a mis au point un transistor en graphène de 40 nanomètres de long, le plus petit jamais conçu à ce jour. On arrive alors à une technologie qui peut rivaliser avec le silicium en terme d’intégration (actuellement les longueurs de grille des transistors MOS en silicium est de l’ordre de 32nm).

Parmi ses qualités, il ne faut pas oublier sa transparence et sa flexibilité, qui permettent de réaliser des écrans souples et transparents. A quoi bon avoir des écrans souples s’ils ne sont pas solides ? Et bien justement, le graphène, qui a la carrure d’un champion, a une résistance à la rupture 200 fois supérieure à l’acier pour un poids six fois moins important. On imagine également des batteries souples en graphène qui pourraient venir alimenter ces écrans nouvelle génération.

Un matériau grand public ?

Si le graphène semble avoir tout pour lui, il reste quand même quelques couacs parmi lesquels le coût de production qui, s’il commence à baisser, ne diminuera fortement qu’une fois son industrialisation répandue et les techniques de fabrication améliorées. Fort est à parier que tout ceci prendra encore quelques années avant que l’industrie arrive à maturation.

Enfin, à l’heure actuelle, notre connaissance du graphène ne permet pas de réaliser de transistors adaptés à l’électronique numérique (composée de signaux binaires, 0 ou 1) comme on peut l’utiliser dans les PC par exemple, mais seulement à l’électronique analogique (véhiculant un signal électrique continu) que l’on retrouve dans les capteurs, certains actionneurs (moteurs, résistances chauffantes…), des calculateurs spécifiques à très haute vitesse, etc…

Vous l’aurez compris, si le graphène pourrait bientôt faire ses premières apparitions dans vos chaumières, il reste encore un peu de temps avant qu’il ne se démocratise réellement. Cependant, il s’agit encore d’une technologie très récente et tous les regards sont portés vers elle, ce qui promet l’émergence imminente de nouvelles applications encore insoupçonnées. L’électronique n’a pas fini de nous épater !

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Par : Opera
18 commentaires
18 commentaires
  1. Très intéressant comme article ça change.
    Le seul point supplémentaire serait un peu plus de détails sur la production et les matières premières nécessaires.

  2. Mais du coup tu fais comment pour assembler des plans de graphène entre eux ? Il te faut un autre élément, et donc de l’impureté ?

  3. Moi j’ai bien aimé cet article, très bien écrit je trouve. Ce qui me fait marrer, c’est qu’il y a pas longtemps encore on entendait des phrases du style “Cette fois c’est sûr, on arrive aux limites de la physique”, et bien rebelote, nouvelle découverte, nouvelles applications, etc. Le progrès ne s’arrêtera jamais!

  4. Moi j’étais resté à l’utilisation du “vivant” pour dépasser les limites permises par les matériaux non organiques. C’était il y a quelques années et toujours rien de nouveau à ma connaissance de ce côté là. Est-ce que l’utilisation du graphène sera plus simple ? Certainement…

  5. @enceinte pc : On arrive fréquemment au bout de nos modèles permettant de comprendre et de manipuler le monde physique, mais en aucun cas on n’arrive aux limites de la physique proprement dite. En affinant les modèles, il est toujours possible d’aller plus loin et de repousser la limite de la technique. 😉

    @Hasard : L’organique est toujours à l’ordre du jour et est d’ailleurs déjà développé pour certaines applications, tels les cellules photovoltaïques (utilisées dans les panneaux solaires) par exemple. L’avantage de cette technologie, c’est, outre son caractère recyclable, de pouvoir développer des circuits souples et jetables avec des techniques aussi simples que l’impression jet d’encre ! Mais c’est là encore un large sujet qui pourrait éventuellement être développé dans un autre article… 🙂

  6. Article intéressant pour le néophyte mais un peu réducteur sur certains points. En effet, en parlant de taille de grille, cela fait déjà quelques années qu’on atteint les 40nm et même en dessous, et sans graphène ! (35nm c’est même plutôt courant). Lisez les publications du domaine, vous découvrirez avec surprise que d’autres technos existent.

  7. Les nanotechnologies véhiculent beaucoup d’espoir pour le futur et pas seulement dans l’électronique: la médecine aussi attend avec impatience le développement de ces nouveaux matériaux.

  8. @St3ph : Pour concevoir du graphène, il ne faut rien d’autre que des atomes de carbone. Cependant, les techniques de fabrication du graphène sont très nombreuses et complexes. C’est pourquoi, dans un soucis de vulgarisation, je n’en ai pas parlé ici.

    Pour en citer quelques unes, la première mise en oeuvre (et la plus coûteuse) fut l’exfoliation, consistant à enlever peu à peu les couches du graphite jusqu’à obtenir du graphène. L’une des techniques les plus fréquentes, également employée pour le silicium, est l’épitaxie, qui est une forme de croissance moléculaire. En gros, on prend un substrat de nature proche du cristal souhaité et on dépose des atomes à sa surface par différentes méthodes telle que l’évaporation par exemple. On peut également fabriquer du graphène à partir de nanotubes de carbone ou même de sucre ! Bref, les techniques de fabrication fleurissent ces dernières années, reste à voir laquelle sera adoptée massivement… 😉

    @winzou : Sans rentrer dans les détails (d’une part parce que je ne suis pas un spécialiste en cristallographie et d’autre part parce que ça se complique rapidement), tu peux distinguer les liaisons entre atomes de carbones au sein du graphène qui sont des liaisons de covalence, des liaisons entre les plaques de graphène pour constituer le graphite qui sont des liaisons de Van der Waals.

    Les premières sont des liaisons avec une énergie assez importante, qui sont issues de la mise en commun d’électrons par chacun des atomes. Elles sont de nature chimique. Les secondes, d’énergie beaucoup plus faible, sont de nature électriques et sont modélisées par la physique quantique. Ceci explique qu’il sont beaucoup plus facile de séparer les feuilles de graphènes les unes des autres au sein du graphite que de rompre le graphène.

    Cependant tu as raison, au sein du graphite, des impuretés peuvent se loger plus facilement de part son caractère 3-dimensionnel ! Seulement, le fait de pouvoir isoler le graphène permet de créer des structures quasi-parfaites de dimensions bien supérieures à ce qui existe dans la nature, et donc de bénéficier au maximum de ses propriétés. Enfin, même si un assemblage 3D de planches 2D de graphène donne un matériau aux propriétés moins intéressantes que le graphène pur, il n’en reste pas moins intéressant : bien que le courant se propage entre les différentes couches conductrices constituant le circuit intégré, la majorité du chemin parcouru par les électrons est déjà contenue dans un (ou plutôt plusieurs) plan(s) 2D. 🙂

  9. “prenez un cristal de graphite. Découpez le en tranches très fines, les plus fines possibles, à savoir de la hauteur d’un atome” xDDD
    J’imagine l’utilisateur devant son écran (a)

  10. @Nicolas : En effet, il y a une erreur dans l’article : la longueur de grille des transistors en silicium est longtemps restée figée autour des 55nm et non pas 550nm, du moins entre 2006 et 2010. Et en effet, même si les transistors 32nm existent désormais, ils ne sont pas non plus monnaie courante : ils sont utilisés dans certains processeurs Intel et AMD, mais on parle là d’une toute petite portion au sein des circuits intégrés grands publics. Le 40nm graphène est le plus petit des transistors _en graphène_ à ce jour. En effet, les chercheurs travaillent sur des technologies silicium permettant de fabriquer des transistors avec une longueur de grille de l’ordre de quelques nm désormais. 🙂

  11. Voici une découverte vraiment intéressante et qui ouvre la porte à de nombreuses applications. Mais je me demande toujours, avec ces nouvelles découvertes, quel est le coût réel en matière de consommation d’énergie, pour réaliser de telles structures ? Quand on voit l’énergie astronomique qu’il faut par exemple pour fabriquer des panneaux solaires (cf. réponse @hasard), on peut se demander où est la rentabilité.

  12. Vu les qualités de ce matériau pour lequel on n’a pas épuisé les possibilités d’utilisation, je pense que la méthode d’obtention, un peu artisanale, risque d’évoluer vers une production améliorée et moins coûteuse. C’est souvent le lot de nouveaux matériaux.

  13. On ne peut plus ce passer de nanotechnologie de nos jour. Elle concerne l’informatique en elle même mais la communication, les sciences et bien d’autres domaines.

    La facilité des applications quelle fournit la rend indispensable.

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