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[L’édito du lundi] J’aime ma banque (et toutes les autres aussi)

Les banques prétendent avoir fait leur révolution digitale. Il reste pourtant quelques scénarios qui démontrent le contraire…

Cet article est le deuxième de notre nouvelle section, « L’Edito du lundi », que je publie tous les lundi matin à 9 heures pétantes (petit retard ce jour à cause des œufs de Pâques). Ça parle de digital, de geekitude, mais aussi d’autres sujets plus éloignés de nos thèmes habituels, parce-que a fortiori nous sommes des hommes avant tout (les initiés comprendront). Bonne lecture, bisous.

“Ils sont déjà morts mais ils ne le savent pas”.

Il est devenu tellement facile et commun de taper sur les banques (qui le méritent bien) que je vais éviter d’en rajouter sur un sujet sur lequel tout à déjà été dit.

Je voudrais en revanche revenir sur un point qui résonne quand on parle de transformation digitale et d’uberisation : la gestion de la sécurité et des oppositions des moyens de paiement, en l’occurrence les cartes de crédit, suite à une mésaventure personnelle et banale, mais tellement révélatrice d’un état d’esprit. Peu importe que cela me soit arrivé à moi, c’est l’histoire qui compte, et qui arrive malheureusement à des milliers de porteurs de cartes chaque jour.

J’ai récemment été victime d’une prétendue [1] tentative de fraude sur ma carte VISA Gold Entreprise. Alors que j’étais en conférence à Monaco, je reçois un appel de mon agence bancaire lyonnaise m’informant que ma carte a été bloquée et désactivée en raison de “soupçons de tentatives d’utilisation frauduleuse”. Je n’avais pas utilisé ma carte sur place à part pour l’empreinte imposée lorsque j’ai fait le check-in à mon hôtel.

Croyant à une méprise j’insiste auprès de mon conseiller pour que la carte ne soit pas bloquée, ou que la banque se débrouille pour trouver une solution provisoire de rechange pendant mon long déplacement en cours. Seule réponse de la banque : c’est impossible, il n’y a pas de solution de dépannage, nous commandons une nouvelle carte et vous pourrez venir la retirer d’ici huit jours (alors que je rentre dans 15 jours). Aucune autre explication, pas de vérification en amont AVANT de bloquer la carte, pas de proposition de solution de rechange, aucune souplesse, et un seul discours : “Nous faisons cela pour vous protéger”. Mais bien sûr Arthur…

Me voilà donc sans carte société, alors que j’enchaîne directement à la suite de Monaco avec un déplacement professionnel d’une semaine à l’étranger, à 10 000 kilomètres d’ici. Sans repasser par Lyon. Bien sûr j’ai un backup avec ma carte Visa personnelle mais c’est une solution de rechange qui génère autant de problèmes qu’elle peut en résoudre, j’y reviendrai plus tard.

Au-delà du terrible désagrément que peut causer ce genre de situation – et ce n’est pas un problème de riche, tout le monde a besoin de sa carte de crédit lors d’un déplacement – cette mésaventure met en lumière plusieurs problèmes inhérents au système bancaire actuel, et ce sont ces points sur lesquels je voudrais porter une attention plus particulière.

La méthode (de merde)

Disons-le sans détour : la méthode utilisée par les groupements de cartes bancaires et par leurs relais impuissants, les banques, est purement scandaleuse. Prévenir a posteriori (et encore, quand ils le font) et sans aucune explication un client que sa carte de crédit a été bloquée relève de méthodes de flibustiers d’un autre âge. Au moment où j’écris ces lignes, c’est à dire trois semaines après l’incident, je n’ai aucune explication, aucune preuve, aucun email ni courrier écrit de qui que ce soit me fournissant le moindre début d’explication sur ce qui s’est passé. Et je n’en n’aurai jamais. Tout au plus ai-je pu lire rapidement par-dessus l’épaule de mon conseiller un email adressé par un service de sécurité des transactions bancaires. J’ai demandé que ce mail me soit transféré : non seulement ma banque a refusé mais m’a demandé de ne pas en parler. Plus opaque tu meurs. De quoi finir de vous convaincre que les banques sont un peu la version monétaire de la Pravda. Une méthode qui peut mettre des milliers de personnes chaque jour dans des situations horriblement embarrassantes.

Surtout quand le soupçon de fraude n’est selon toute vraisemblance aucunement fondé.

Les conséquences

Au-delà des situations dramatiques que peut entrainer le blocage d’une carte de crédit lorsque l’on est en voyage, ce sont d’autres conséquences tout aussi ennuyeuses auxquelles ont doit faire face. Car une carte de crédit ce n’est pas juste un bout de plastique qui permet d’acheter un billet d’avion avec une couverture assurance, un appareil-photo sur Amazon ou de fournir une garantie pour louer une voiture. C’est aussi, pour une société, un moyen de paiement pour l’abonnement à des services en ligne qui peuvent être vitaux. Et c’est cette dimension que les banques n’ont visiblement toujours pas comprise ni intégrée, ce qui démontre que la fameuse transformation digitale ne s’est pas opérée chez elles. Car voyez-vous, la transformation digitale pour une banque ce n’est pas seulement fournir une application pour gérer ses comptes et donc faire des économies de personnel. C’est aussi revoir toutes ses procédures en profondeur en imaginant tous les scénarios.

En l’occurrence ici, le scénario est le suivant : une entreprise est abonnée à de nombreux services en ligne, la plupart payants. Comment s’opèrent paiements à ces abonnements par prélèvement mensuel ? Avec une carte de crédit. Plus de carte de crédit, plus de paiements. Plus de paiements, plus de services. Avec parfois une conséquence invisible mais encore plus fâcheuse : la dégradation de l’image de la société, qui peut être rapidement classée comme mauvaise payeuse, car on sait que certains services sensibles utilisent des algorithmes pour noter les abonnés. Avec ma société nous en avons fait les frais à de nombreuses reprises lors des deux semaines écoulées. Je ne rentrerai pas dans le détail, mais de nombreux services et abonnements en mode SaaS ont cessé de fonctionner pendant plusieurs jours, comme Adobe, Mailjet et Mailchimp (très fâcheux pour nos envois de newsletters), Google Drive, Dropbox, CoSchedule (planification et gestion du CM sur les réseaux sociaux), sans compter tous les services et produits que nous payons au coup par coup (musiques libres de droit pour les vidéos par exemple).

D’autre part, pour finir de rendre l’histoire bien rigolote : quand votre carte est bloquée et donc remplacée, tous les numéros changent. Il faut donc retrouver tous les services auxquels vous êtes abonné et saisir de nouveau un par un les numéros de votre nouvelle carte. Je n’en n’ai pas encore fait le tour et je sais que j’aurai encore de mauvaises surprises dans les prochains jours.

Autre conséquence : l’utilisation d’une carte de crédit personnelle en remplacement de la carte société génère des tracas qui deviennent vite ingérables d’un point de vue comptable. Entre les notes de frais, les services web payés d’urgence et qu’il faudra ensuite rembourser et re-basculer en compte société, c’est un cauchemar que ne manquera pas de me rappeler mon expert-comptable au moment du bilan… Ça tombe bien, le responsable de PME n’a que ça à faire, sa vie administrative étant tellement simple et facile par ailleurs.

Comment éviter cela et gérer différemment ?

Alors bien sûr, il parait que les groupements de cartes bancaires peuvent vous renvoyer une carte dans les 48 heures en cas d’annulation de la vôtre. Ce n’est pas ce que j’ai constaté : ma nouvelle carte a suivi le parcours habituel est est arrivée dix jours après le blocage de la précédente. Idem la fois précédente. Donc la belle promesse de procédure spéciale 48h : bullshit. Il faut bien comprendre qu’avec la banque, c’est le banquier qui est roi, pas le client. C’est dans l’ADN de la plupart des banques de n’en n’avoir absolument rien à foutre des clients pas riches, a fortiori des TPE/PME, qui leur causent plus de difficultés de gestion qu’elles ne leur rapportent de dividendes. Les banques vivent dans une espèce de monde parallèle, à leur rythme, selon leurs codes, bref dans une bulle qui n’a pas grand chose à voir avec la vraie vie des vraies gens. Un seul indice si vous n’en n’êtes pas convaincus ? Regardez leurs horaires et leurs plages d’ouverture. Regardez comme elles ferment bien et en longueur au moindre week-end férié. Ma banque, habituellement ouverte le samedi matin, est par exemple fermée le samedi du week-end de Pâques. Le samedi. Pourquoi ?

Il parait aussi que pour éviter les déconvenues et ce type d’incident il vaut mieux prévenir sa banque avant chaque voyage à l’étranger. Alors là les bras m’en tombent. D’une part parce-que j’ai de gros doutes sur l’efficacité de cette précaution quand on voit comment fonctionne généralement la communication interne dans les banques (prévenir son conseiller d’un déplacement ne garantit pas la transmission du message à un groupement de carte bancaire), d’autre part parce-que c’est un non-sens absolu dans le cadre d’une carte internationale, qui par définition est censée vous accompagner à l’étranger. C’est un peu comme si vous achetiez une voiture mais qu’il fallait prévenir votre concessionnaire chaque fois que vous roulez sous réserve de tomber en panne, non ? C’est grotesque.

Il existe bien sûr de nombreuses alternatives en ligne et j’y passerai sans plus tarder, mais elles sont valables pour des usages courants et ciblés sur les particuliers. Quand on gère une entreprise on ne peut pas passer au tout numérique et tout transférer sur Boursorama ou N26 car il y a des besoins et contraintes particuliers qui nécessitent d’avoir une agence physique et un interlocuteur fiable et pérenne. De tout façon une app comme N26 n’est pas disponible pour ls personnes morales, donc les entreprises.

Mais il n’empêche : les groupements de cartes bancaires et les banques seraient bien inspirés d’aller voir ce qui se pratique dans les startups de la fintech, notamment en matière de relation client, de gestion des litiges et surtout de souplesse et d’agilité. Sans même parler du Bitcoin et autres cryptomonnaies qui vont les exploser tôt ou tard. Car contrairement à ce que l’on peut penser, tout n’est pas gravé dans le marbre de procédures lourdingues et immuables. Selon certains témoignages, il est tout à fait possible d’être informé de tentatives de fraude sur sa carte et que la banque vous appelle pour vérifier avant de décider d’un commun accord si celle-ci doit être désactivée ou pas. Avec Revolut ou N26, il est possible d’activer et désactiver la carte via l’application, de changer le code pin dans l’application, de configurer des alertes en fonction du type de transactions, ou encore d’être livré en 24 heures d’une autre carte n’importe où dans le monde. Il y a aussi Curve, une CB qui regroupe toutes tes CB et qui permet de modifier dans l’appli iOS la carte que l’on souhaite changer. Ou encore qonto (en bêta), qui permet d’avoir des vraies cartes de crédit mais aussi des virtuelles (parfait pour Uber, par exemple). Avantage : quand on perd la carte physique ou qu’elle est désactivée, le compte reste actif et on peut continuer à faire des transactions avec la carte virtuelle.

Certes, je ne doute pas que les banques soient en plein remue-méninges digital, car c’est pour elles une question de survie. Mais le décalage entre les promesses du Grand Soir numérique et la réalité quotidienne est encore abyssal.

Et en attendant, ce sont les clients, particuliers ou entreprises, qui paient l’addition. Façon de leur rappeler au passage que leur argent ne leur appartient pas.

[1] “prétendue” car aucune preuve, aucune trace sur mon compte, aucun débit non validé ni mouvement suspect…

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14 commentaires
14 commentaires
  1. Bonjour, des avis éclairés et Hello Banque ?

    Je cherche une banque en ligne qui maintiendrait des liens en agence uniquement en cas de coup dur.

  2. Merci pour ce témoignage

    J’ai vécu exactement la meme mésaventure, j’aurai pu ecrire mot pour mot ce meme post !
    Je crois que les banquiers vivent vraiment dans un monde parralèlle qui ne durera pas longtemps

    A noter : des équivalent de N26 en multi-devises arrivent bientot pour les entreprises
    Soyons encore patients de quelques mois

    Frederic Gaillard

  3. Tout ce que j’aime !
    – Quelqu’un qui dit qu’il “est devenu tellement facile et commun de taper sur les banques” et qu’il ne va pas “en rajouter sur un sujet sur lequel tout à déjà été dit”….
    ……mais qui ne fait que ça tout au long de l’article.
    – Quelqu’un qui critique les horaires d’ouvertures (“Regardez leurs horaires et leurs plages d’ouverture. Regardez comme elles ferment bien et en longueur au moindre week-end férié. Ma banque, habituellement ouverte le samedi matin, est par exemple fermée le samedi du week-end de Pâques. Le samedi. Pourquoi ?”)…
    …… et qui publie « L’Edito du lundi », je cite “tous les lundi matin à 9 heures pétantes” vers 21H…. Attention, c’est sans doute votre côté banquier qui ressort…
    – Quelqu’un qui aimerait que tous les méandres des systèmes de protection soient révélés (même s’ils sont, ou peuvent être, archaïques)…. Comme l’ont fait nos chers médias (TV notamment) lors des attentats, sur les moyens mis en œuvre par la police pour appréhender, surveiller des personnes suspectes.

    Alors oui, vous avez raison : les banques ne font pas partie des entreprises les plus réactives, les plus innovantes, mais peut-être que gérer un des aspects les plus sensible de notre société (l’argent) n’est pas aussi simple que de créer une nouvelle application pour simplifier telle ou telle utilisation…

    Au final, je dirais simplement :
    Avant de tirer sur l’ambulance, évitez de vous retrouver dans le rôle de l’hôpital qui se fout de la charité… et prenez un peu de recul sur un secteur d’activité qui est en train d’être bouleversé (et qui en avait besoin).

    1. Ah, les banquiers sont de sortie 🙂
      Je vais juste répondre sur la forme puisque vous attaquez sur ce point bien anodin : “…… et qui publie « L’Edito du lundi », je cite « tous les lundi matin à 9 heures pétantes » vers 21H…. Attention, c’est sans doute votre côté banquier qui ressort…”
      Vous avez bien lu l’intro ? Apparemment pas, alors je la remets ici : “Cet article est le deuxième de notre nouvelle section, « L’Edito du lundi », que je publie tous les lundi matin à 9 heures pétantes (petit retard ce jour à cause des œufs de Pâques)
      Bonne journée (et bon courage)

  4. Commentaire sans fondement et très loin d une réalité tangible, le sinistre cb aurait été avere le même papier aurait été écrit… Un banquier qui essaye de travailler…

    1. Ce n’est pas le fait que les banques appliquent des procédures que je critique, c’est la façon dont c’est fait, le manque total de souplesse et de communication avec leurs clients. Mais si cela vous amuse de lire l’article de travers, je ne peux pas faire grand chose pour vous.

  5. Bonjour.
    Ne vous méprenez pas : je ne vous attaque pas.
    Je regrette simplement que ce billet ressemble trop à un billet écrit sous l’emprise de l’agacement (la colere face aux co séquences que vous avez eu à subir ?), et vous ai amené à écrire des choses, qui (selon moi), manquent de recul (sur la forme + le fonds).

    J’apprécie vos articles (abonné à la newsletter), mais je trouve ici un … décalage. .. que je tenais à vous communiquer.

    NB :
    Continuez à écrire, à partager vos découvertes et analyses… mais aussi à profiter du “week-end pascal” et autres jours fériés ;-), car, ne l’oublions pas : “le bonheur est dans le pré”.

    Bonne journée.

    1. Bien sûr que cet édito a été écrit sous le coup d’un certain agacement, mais aussi avec du recul, et je ne pense pas que cela le rende moins réaliste. Et d’ailleurs une semaine après et près d’un mois après les évènements je n’en changerai pas une virgule, car il reflète ce que je pense des banques depuis très longtemps.
      Cela étant, merci de votre fidélité ! 🙂

  6. Hello Eric,

    Après vous avoir lu, je pense que Spendesk pourrait probablement répondre à vos besoins ?

    Nous proposons une solution de paiement grâce à des cartes bancaires (physiques et virtuelles) prépayées pour les employés, connectées à un logiciel SaaS qui permet aux équipes finance/management de contrôler et de suivre toutes les transactions en temps réel.

    On rentre en contact pour en discuter davantage ?

  7. Pour ma part je pense que les banques abusent de leur position, cependant avec les banques en ligne elles seront bientôt obligé de se plié à la concurrence. les banques en ligne sont vraiment au top surtout boursorama et ing direct. Seul bémol pour ing direct il faut domicilier les revenus. Si vous voulez opter pour une banque en ligne je vous conseil de regarder via ce comparatif de banques en ligne très complet. En espérant avoir apporté une réponse constructive ! Nath

  8. Mais qui détient les banques en ligne? N’est pas votre banque:elle-même ?Voyez CETELEM: CREDIT AGRICOLE ,COFINOGA: Credit Lyonnais,NON ?

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