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Made in France, oui monsieur

Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, la mode actuellement est au made in France, par l’impulsion de quelques hommes politiques.Et dans le web alors, ça se passe comment ?

Je suis un mauvais citoyen. Je n’achète pas français. Mon téléphone mobile californien est fabriqué en Chine, mon PC est américain, mes appareils-photo sont japonais, mon fournisseur de musique – que j’écoute avec un casque audio néerlandais ou finlandais – est suédois, je visite principalement des sites web écrits en anglais, je tweete en globish et je conduis une voiture allemande. Un mauvais citoyen. Tous les geeks sont de mauvais citoyens.

En plus de cela je suis démodé. Parce-que, au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, la mode actuellement est au made in France, par l’impulsion de quelques politiciens – pardon, hommes politiques – dont certains sont probablement sincères et d’autres, disons, plus opportunistes dans l’adoption de ce nouveau credo républicain.

La tendance est donc au sursaut patriotique, un truc qui paraissait encore ringard il y a peu ou au mieux réservé à une poignée d’irréductibles communistes ou souverainistes.

Pourquoi je vous parle de cela, comme ça d’un coup sans prévenir entre le café et le goûter ?

Parce-qu’il est un domaine, que vous connaissez bien, où les frenchies font de belles choses. Ce domaine c’est le web, qui a créé quelque 700.000 emplois en France depuis 1995, ce qui correspond environ à 25% des emplois créés en 15 ans. Et je trouve parfois que les grands médias, et ce qu’on appelle l’opinion publique, ont un peu tendance à l’oublier, puisque hormis quelques anecdotes relatives à Facebook ou Twitter reléguées généralement en dernière page des actualités, on parle finalement assez peu de l’économie numérique dans ce pays.

L’autre pays des startups

Pourtant, des évènements comme Le Web’11 sont là pour nous le rappeler : l’écosystème des startups en France ne s’est probablement jamais aussi bien porté, en tout cas en termes de création et d’inventivité. Ne parlons pas des poids lourds du secteur, dont on oublierait presque qu’ils sont français (ou d’origine française), comme l’inoxydable Netvibes, mais également Dailymotion, Viadeo, Deezer ou encore Wikio-eBuzzing pour ne citer que les plus connus. Et, si les fonds d’investissement sont bien moins nombreux qu’aux USA ou en Israël, ils continuent à irriguer régulièrement la croissance des jeunes pousses. Si un Jérémie Berrebi a fait le choix personnel de s’installer non loin de Tel Aviv, il n’en demeure pas moins que le fonds qu’il gère, Kima Ventures, pour ne citer que lui, investit fréquemment dans des boîtes françaises. Cocori&co.

Alors bien sûr tout n’est pas aussi idyllique au pays du camembert : nombreux sont les entrepreneurs qui s’exilent encore pour fonder leur startup, ne résistant pas à l’appel de la Terre Promise, j’ai nommé la Californie, San Francisco et la Silicon Valley, où l’herbe est parait-il bien plus verte. Ce qui en langage startup signifie : « je monte une boîte bien plus facilement en complétant seulement un formulaire par internet, je trouve des investisseurs en levant le petit doigt, je paie moins de charges et accessoirement je suis là où ça se passe (et avec un peu de chance je peux même prendre un Starbucks à côté de Mark Z. ou faire un footing avec Loic L.M.) ». Revers de la médaille, selon un entrepreneur croisé dernièrement au Web’11, et qui s’est récemment installé à San Francisco pour développer sa boîte : les salaires des ingénieurs et développeurs dans La Silicon Valley “deviennent délirants”. D’autres restent en France mais délocalisent également la plupart des fonctions opérationnelles et notamment le développement et le code en Inde, au Maroc ou en Roumanie. Question d’économies évidemment : quand on a un business model encore un peu bancal autant diviser par dix le prix de la ligne de PHP.

Bien dans ses chaussettes

Et puis il y a ceux qui font de la résistance. Ces fiers gaulois qui dès le départ ont mis un point d’honneur à travailler en France avec des français et à produire made in France, la tête haute et le regard porté sur la ligne bleue des Vosges. C’est effectivement une tendance qui me parait significative et qui se répand dans les esprits éclairés. C’est le cas par exemple d’Archiduchesse, qui a en quelque sorte montré la voie en s’obstinant malgré quelques difficultés à bosser avec un fournisseur limougeaud, ce qui apparemment cela ne leur réussit pas trop mal, autant en termes d’image qu’en termes de chiffre d’affaire (le “chiffre d’affaire” est un concept de la vieille économie, renseignez-vous). Bien sûr l’ami Patrice Cassard, le fondateur et boss d’Archiduchesse, bénéficie d’une côte de popularité hors du commun et même peut-être unique dans le web français, et peut s’appuyer sur une communauté à la fidélité indéfectible pour faire prendre la mayonnaise. il n’est pas certain que le seul argument du made in France suffirait à la réussite d’un projet web de e-commerce, mais c’est un signal et un symbole importants, et il suffit de voir les commentaires sur le sujet, y compris sur Facebook, pour s’en convaincre.

Il faudrait peut-être que les hommes politiques, et le Chef en tête, se penchent un peu plus sur les succès tricolores du web pour communiquer sur ce thème qui semble prendre une ampleur inattendue à l’approche des élections. C’est bien de visiter Google et Rossignol, et de délivrer quelques satisfécits devant un parterre de happy few conquis à la cause. Ce serait encore mieux de rendre hommage aux micro-entreprises du web qui foisonnent dans ce pays, et de braquer de temps en temps les projecteurs sur les laborieux et les sans-grade. Ceux dont les simples blogueurs comme moi peuvent témoigner de la vitalité, ne serait-ce que par le nombre de sollicitations que nous recevons chaque jour.

De notre côté, même si nous sommes de mauvais citoyens, nous essayons de prendre notre part en aidant comme nous le pouvons les startups à obtenir un peu plus de visibilité. Ce qui concrètement se traduit sur Presse-citron par une rubrique hebdomadaire maintenant bien installée : La startup de la semaine, animée par Valentin Pringuay, mais également par des articles réguliers de Louis Carle, la rubrique BizSpark, la French Week, et bien sûr tout le reste, réuni sous la bannière (tag) Made in France. Bref, on n’a pas attendu Bayrou.

Vous aurez évidemment compris que le propos de cet article n’est pas de lancer un débat sur le bien-fondé ou pas du patriotisme économique (qui peut parfois selon le point de vue de certains flirter avec une certaine forme de nationalisme pas très ragoûtant) ou les vertus du protectionnisme, ni  de juger si la “qualité France” est une réalité ou une chimère (pour certains produits comme les voitures par exemple, ce n’est pas si sûr), mais de placer le sujet au sein d’un contexte qui nous est cher : le web et l’économie numérique.

Et pour conclure, quelques autres bonnes adresses pour suivre l’actualité du web français :

J’en oublie certainement, merci de compléter en commentaire et j’ajouterai à la liste. Pour tenter de devenir un bon citoyen. Rompez.

(photo : Archiduchesse)

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Opera One - Navigateur web boosté à l’IA
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Par : Opera
40 commentaires
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  1. Et vos ebooks en français, vous les achetez sur une plateforme française ?… Non car la plateforme française qui était leader a souhaité facturer aux éditeurs indépendants leur présence dans ses rayons virtuels… alors forcément les éditeurs se sont tournés vers une autre direction, et soutiennent Apple, Amazon… Oui, parfois le “achetez français” ne résiste pas à la concurrence, simplement à cause d’un modèle économique inapproprié… Je suis certain qu’il existe d’autres domaines similaires…

  2. On est d’accord, le problème est que la “qualité française” est là mais est pas compétitive. On s’adresse la france surtout (il me semble) dans le secteur du luxe. Maintenant, concernant le Web, le Made in France s’adressera au Français, et pour moi c’est compliquer de s’imposer. Pourtant, il me semble que les acteurs du Web Français se soutiennent et se donnent des “coups de pouces”…

  3. Je voudrais quand même ajouter un bémol sur les gros succès français du web. A ma connaissance les blockbusters sont en majorité des VF de la VO US et je trouve cela un peu désolant.

    L’innovation ne doit pas être disruptive pour avoir du succès mais je trouve qu’elle a plus de panache.

    Finalement, à notre époque ou les banquiers diffusent des spots publicitaires corporate sur affichant leur certificat de bonne vie et moeurs, il eut été intéressant pour eux de se démarquer et de revenir à leur mission originelle -> prêter aux entrepreneurs et aux PME -> ca donne une bonne image et ca peut tirer la France en avant.

    L’innovation est le salut de l’économie alors quand elle va mal, il faudrait peut être intégrer cette composante.

    Merry Crisis and Happy New Fears à tous !

  4. Eric, vous avez parfaitement raison de parler du dynamisme économique des starups françaises. Lorsque j’ai créé Sarenza en 2004 avec mes deux collègues, nous étions loin d’imaginer que 6 ans après, ce serait le numéro de la vente de chaussures en Europe, même si l’aventure s’est poursuivie sans nous.
    Aujourd’hui, avec L’Edito, je vais encore plus loin dans le modèle économique en essayant de trouver une nouvelle façon de lier le web et l’industrie, puisque nous sommes à la fois éditeur, distributeur mais aussi fabriquant de mobilier contemporain. C’est cette intégration verticale totale alliée à un modèle de cofinancement des meubles qui fait toute la différence, avec l’ambition clairement affiché de devenir la référence du secteur sur le web. Il y a encore beaucoup de travail, ça ne sera pas simple, mais il faut définitivement se sortir de la tête l’idée que la seule solution dans l’industrie, c’est la délocalisation !

  5. Heureusement que la France a su prendre le tournant du numérique et il faut continuer dans cette voie.

    Innovation, créativité et entrepreneuriat sont des mots-clés qui doivent être mis en avant car la question est de dire, comment faisons-nous pour continuer à produire en France.

    La production numérique est passionnante, nous avons des filières d’excellences. Par exemple, nous avons les premières écoles mondiales dans la formation d’animation numérique, mais le problème c’est que beaucoup d’ingénieurs quittent le pays à cause d’un manque de débouché.

    Je ne pense pas que l’idée soit de faire du nationalisme, mais bien de rappeler que les consommateurs ont une force de pression sur les entreprises. Presse-citron fait d’ailleurs parti des influenceurs et la mise en avant d’entreprises est déjà une promotion du made in France.

  6. Bel article très complet.
    C’est vrai que maintenant en plus de devoir consommer constamment, il faut consommer français. Pas toujours facile lorsque l’on voit que dans de nombreux domaines, les étrangers font mieux (même beaucoup) et beaucoup moins cher.

  7. Je trouve assez cocasse de parler de nationalité de sites ou d’entreprises, dans le domaine du web/TIC qui est sans doute au monde celui qui abolit le plus les frontières … contraste assuré !

  8. Chacun peut avoir ses raisons de s’exiler ou de rester en France : familiales, personnelles…
    Les deux choix sont respectables, je n’aime pas trop les débats entre ceux “qui s’exilent et regardent de haut les français restés au pays, qui perdent tout leur argent dans leurs impôts” et ceux “qui restent parce qu’en fait ils sont plus solidaires que les autres et sont ravis de verser 50 % de leurs revenus en impôts”.
    Comme les charges sont importantes en France, cela doit nous obliger (normalement) à penser des business-models très performants, avec une grosse qualité de conception, d’ergonomie, d’éditorial…
    Cela doit donc nous amener à l’excellence et je trouve que c’est une très bonne chose !

  9. Plus que le Made in France, je fais la promotion du département du Cantal avec des eBoutiques et des eCommerçants Made In 15 (Cantal) !
    Pourquoi allez chercher plus loin des choses fabriquées chez nous ?

    Merci pour l’article.

  10. > quand on a un business model encore un peu bancal autant diviser par dix le prix de la ligne de PHP.

    Et pleurer 3 mois plus tard avec son horrible dette technique car on a du code déguelasse. =)

  11. La société Parrot qui commercialise l’AR Drone aurait également trouvé sa place dans cette liste. C’est quand même nettement plus novateur que de vendre des chaussettes, très jolies je l’avoue!

  12. Très bel article sur lequel je souhaite rebondir sur 2 points:

    – L’un des principaux atouts du web, c’est de précisément raccourcir les distances, et gommer les frontières. Maintenant, pour un site web, il n’y a plus de “frontières physiques” mais des “frontières linguistiques”. Si la notion de “made in France” peut avoir de l’importance au niveau de l’industrie, je trouve que son intérêt est limité sur le web. Un site créé par un francais dans la Sillicon Valley, disponible en 3 langues (anglais, allemand et francais) et avec des capitaux étrangers peut-il être considérer comme “Made in France” ?

    – Pour rebondir sur la conclusion d’Eric et sa proposition non exhaustive de sources pour suivre l’actualité du web, je proposerai le “eBillautshow”, très orienté start-up: http://billaut.typepad.com/

    C’est tout pour le moment…

  13. Puisque l’on parle de BeMyApp, on pourrait aussi citer les StartUp Weekend, le Start In Paris, les Mash Up, le salon Metro’num qui s’est tenu sur Bordeaux…

    😉

  14. Le problème est toujours le même : les charges qui poussent les prix vers le haut, la lourdeur administrative et la qualité des produits.

    Mais bon, on peut râler (sport national en France, d’ailleurs!) mais on peut également se réjouir un peu de certains efforts comme le statut d’auto-entrepreneur, par exemple. C’est loin d’être parfait, mais au moins, ça va dans le bon sens. Faut que les politiciens continuent de simplifier la vie administratives des sociétés, et tentent de limiter les charges de celles-ci. Pour la qualité des produits, il faut que les exigences des producteurs soient un peu plus rigoureuses. Car franchement, on a beaucoup de succès à fabriquer de la m**** en France aussi ! Pas besoin d’acheter chinois parfois pour se retrouver avec de la camelotte !

  15. Bravo pour cet article. J’ai moi même lancé un site marchand de produits Made in France il y a un mois. La principale difficulté que j’ai rencontré et la recherche d’un fournisseur / fabriquant de produits (ici des gants en laine). Je pense que beaucoup de personnes aimeraient lancer des sites 100% Frenchy mais les outils de productions se font de plus en plus rares en France… J’aurai pu en effet vendre des gants fabriqués en Chine, certainement 4 ou 5 fois moins chers à l’achat… Le retour à la qualité, la proximité devient un vrai argument marketing 🙂

  16. La facilité de création d’une entreprise en Californie, voilà un argument qui m’a fait sourire (c’est toujours ça de pris !). C’est certes vrai, mais n’oublions tout de même pas que la création de l’entreprise, aussi complexe soit-elle, n’est rien en comparaison de tous les efforts qu’il faudra accomplir après !

  17. Super article et beaux echanges! Les politiques parlent du made in France, C est mieux que rien meme si c est sous couvert de campagne electorale. A nous d elever le debat comme ton superbe article et d’agir dans nos comportements de consommateur quand c’est possible et pourquoi pas d’entreprendre. Comme Olivier j ai aussi demarre un site marchand de vente de T shirt Awake made in France avec transparence des couts et redistribution des benefices. http://www.awakeshop.fr

  18. bien sûr nous n’avons pas (encore) envie d’un smart phone fabriqué dans le Morbihan et nous ne pouvons compter les produits du monde entier dont nous profitons. Reste qu’une population de chômeurs ne consommera pas étenellement. Oui il y a eu des startup productrices d’emplois mais ce n’est pas de l’industrie, pas de quoi employer des millions de personnes. Les entreprises du net ratissent worldwide mais leur modèle implique aussi autant de “robotisation” et de destruction d’emplois traditionnels et d’intermédiaires, certes “superflus”. Donc le seul souci reste de réindustrialiser des pays entiers ravagés par la mondialisation. Impossible sans “protection” sans taxer la production déloyale des émergeants.Sauf à effacer un siècle de progrès social et…recommencer. Une casserole n’est pas un i-phone. Même xavier niel doit bouffer et pas virtuel…Apple n’emploie pas les effectifs de GM (ressucité à coups d’argent public, QE1 etQE2…) Pas d’amalgame entre qq niches hi tech et le gros de l’emploi occidental. Oui à l’ouverture des marchés, non au chaos de la dérégulation, l’intérêt général est aussi celui des individus les plus créatifs. Ford a transformé les salariés en consommateurs, le net ne pourra réembaucher les tous chômeurs dûs à la mondialisation de la main d’oeuvre…je ne veux pas “m aligner” avec un model comme celui de la chine ! On s’est battu des siècles pour dépasser ce stade de société brutale et asociale, pourquoi devoir y revenir ! Frontières et taxes devront être à nouveau érigés, souhaitons que ce soit temporaire…juste le temps de ne pas crever, please !

  19. Consommer “Français” doit avant tout être une mentalité de patriotisme. Chaque geste de notre consommation façonne l’économie mondiale … ou locale ! A chacun donc de prendre ses responsabilités, si on le souhaite, bien entendu.

  20. Le made in france… Tout un programme. C’est vrai qu’en tant que geek si je devais compter que sur les produits français je n’irais pas très loin.
    Par contre en tant que développeur d’applications iPhone j’ai créé une petite appli gratuite sans prétention qui analyse les codes barres des produits pour déterminer le pays d’origine de commercialisation.
    Ca ne donne pas encore le véritable pays de production mais c’est utile pour les produits qui ne mettent pas de Made in dessus (ce n’est en effet pas toujours obligatoire). Il y a des surprises avec certains produits.
    L’url pour ceux qui sont interressés : http://goo.gl/nRwh1

  21. Voila un petit site en place depuis 2009 avec des créations et fabrications FRANCAISES
    merci de votre visite
    sophie …la créatrice : )

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