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Paul D. Ceglia vs. Mark Elliot Zuckerberg & Facebook, Inc.

Après des années d’une croissance exceptionnelle et ininterrompue, les ennuis pour Mark Zuckerberg ne feraient-ils que commencer ? Le 18 mai dernier, dans une introduction en…

Après des années d’une croissance exceptionnelle et ininterrompue, les ennuis pour Mark Zuckerberg ne feraient-ils que commencer ?

Le 18 mai dernier, dans une introduction en bourse plus ou moins catastrophique, le titre est coté à 38 $, ce qui valorise la société à plus de 100 milliards de dollars. Le 17 août, l’action Facebook ne vaut plus que 19 $ à la clôture de la semaine boursière : en tout juste trois mois, la société de Zuckerberg a perdu la moitié de sa valeur sur le marché !

Mais Facebook est-elle vraiment la société de Zuckerberg ?

Car s’il est encore le premier actionnaire, après les revendications sur la propriété de la société d’Eduardo Saverin, qui avait investi 1 000 $ dès le 7 janvier 2004 en contrepartie de 30% des parts de la nouvelle société, The Facebook, Inc., immatriculée dans l’État du Delaware le 29 juillet 2004, et créée entre MM. Zuckerberg, Moskovitz et Saverin (le procès intenté par Saverin s’est conclu par un règlement à l’amiable lui reconnaissant 5% de Facebook), puis les 65 millions de dollars versés aux jumeaux Winklevoss, voici que le 15 août dernier, je tombe sur ce tweet de Wired, pointant vers un billet intitulé « Ceglia encore sanctionné ».

Si ce nom ne vous dit rien, depuis l’été 2010 Paul D. Ceglia revendique 84% de la propriété de Facebook et de toutes les recettes encaissées par le réseau social dès avril 2003 !

Or jusqu’à présent les avocats de Facebook ont réussi à convaincre les juges que tout cela n’était qu’un faux basé sur des contrefaçons de documents et de courriels. Pourtant le tweet de Wired s’interroge sur qui est véritablement le propriétaire de la société, et l’article mentionne une expertise de James A. Blanco, déposée le 24 juin 2012.

Or dans ce document de 100 pages, l’expert désigné par Ceglia démonte la théorie de la contrefaçon, en concluant par la déclaration suivante (232) :

Le contrat « Facebook » original (dénommé le contrat « work for hire ») examiné par tous les experts est un document authentique, inaltéré. Les preuves recueillies révèlent qu’à l’origine la page 1 du contrat « Facebook » a été exécutée en même temps que la page 2, en tant que document adjoint. D’après l’expertise détaillée menée sur ce document de deux pages, il est impossible de justifier ou de défendre la théorie des avocats de Facebook selon lesquels la page 1 aurait fait l’objet d’une substitution, d’une falsification ou d’une fraude.
Les mêmes preuves indiquent que la page 1 n’est pas non plus une page ajoutée a posteriori au document original de deux pages.

Et d’ajouter (233) :

1) La signature “Mark Zuckerberg” sur la page 2 du contrat « Facebook » a été apposée de la main de Mark Zuckerberg.
2) La signature “Mark Zuckerberg” sur la page 2 du contrat « Facebook » n’a pas été apposée de la main de Paul Ceglia.
3) Les initiales “MZ” sur la page 1 du contrat « Facebook » ont été écrites par Mark Zuckerberg.
4) Les initiales “MZ” sur la page 1 du contrat « Facebook » n’ont pas été écrites par Paul Ceglia.
5) Paul Ceglia a écrit de sa main l’interligne imprimée sur la page 1 du contrat « Facebook ».
6) Mark Zuckerberg n’a pas écrit de sa main l’interligne imprimée sur la page 1 du contrat « Facebook ».

Donc, d’une part, selon James A. Blanco, l’expert désigné par Ceglia, nous avons un contrat authentique cosigné par Ceglia et Zuckerberg, qui, de son côté, nie formellement avoir signé les deux pages de ce contrat (Defendants’ counsel claims that Mr. Zuckerberg has denied signing the two page Facebook Contract evaluated by Defendants’ experts), chose confirmée en jurant sous serment :

qu’il n’avait jamais signé le document « Work for Hire » contrefait déposé par Ceglia pour supporter sa plainte. (Déclaration Zuckerberg, Doc. n ° 46)

En conclusion, pour Zuckerberg et ses avocats, l’affaire est entendue : le contrat « Work for Hire » est un document contrefait que Zuckerberg n’a jamais signé de sa main.

C’est évidemment ce que la justice américaine devra trancher, or ne vous fiez pas à toutes les infos que vous pouvez trouver actuellement sur Ceglia et qui tentent de le faire passer seulement pour un vulgaire escroc, d’autant plus que les juges l’ont déjà condamné à payer plus de 100000 $ dans cette affaire, mais uniquement sur les échanges de courriels entre lui et Zuckerberg. Je n’aborde pas ici l’affaire des courriels, qui me semble plutôt être l’arbre qui cache la forêt…

Car, à ma connaissance, aucune décision sur le fond n’a été prise pour statuer sur les deux questions préjudicielles de savoir :

1) si le contrat est vrai,
2) si Zuckerberg l’a soussigné.

Naturellement, pour Ceglia les réponses sont 1) oui et 2) oui, et pour Zuckerberg, 1) non et 2) non. Cherchez l’erreur…

D’un autre côté, Zuckerberg reconnaît qu’il a bien passé un contrat (non signé ?) avec Ceglia (Our client entered a contract with Ceglia. Whether he signed this piece of paper we are unsure at this moment) (Mr. Zuckerberg did indeed have a contract with Mr. Ceglia), mais uniquement portant sur StreetFax et non pas sur Facebook (What the contract asserts is that there was a relationship about Facebook and there is not one), en expliquant que la nature de l’accord portait sur une activité limitée de développement de sites web pour le compte de l’entreprise StreetFax – aujourd’hui disparue -, et que cet accord ne mentionnait rien sur Facebook ni sur aucun autre site de réseau social ([Zuckerberg] explained that he signed only an agreement to perform limited website development work for a now-defunct company named StreetFax — an agreement that said nothing about Facebook or any other social networking website.)

Ceglia soutenant exactement le contraire, il vaudrait peut-être la peine de voir de plus près ce que dit ce contrat de prestation de services (je ne souligne évidemment que les parties qui nous intéressent).

CONTRAT DE PRESTATION DE SERVICES

SECTION 1 – DISPOSITIONS GÉNÉRALES

l. Définitions
Les termes ci-après, tels qu’utilisés dans les présentes, ont la signification suivante :
ACHETEUR – Paul Ceglia
ENTREPRENEUR / VENDEUR – Mark Zuckerberg, ses agents, ses employés, ses fournisseurs ou ses sous-traitants, fournissant les équipements matériels, ou les services.

2. Intégralité de l’accord
Le présent accord entre l’acheteur et le vendeur est un contrat d’achat de prestation de services qui porte sur deux prestations distinctes, la première concernant les activités directement liées à la base de données StreetFax et au langage de programmation que fournira le Vendeur.
La deuxième concerne le développement logiciel en continu, la programmation, et l’achat de la conception d’un site approprié au projet que le vendeur a déjà commencé et qui est conçu pour offrir aux étudiants de Harvard l’accès à un site Web semblable à un annuaire fonctionnant en temps réel, intitulé “The Face Book”.
Il est convenu que l’acheteur détiendra la propriété de (50%) du logiciel, du langage de programmation et des intérêts commerciaux générés par l’ouverture de ce service à un public plus large.

3. Conditions de paiement
(…)
L’accord convenu sur les aspects financiers entre le vendeur et l’acheteur sont les suivants : l’acheteur s’engage à payer au vendeur la somme de 1 000 $ pour la prestation de service relative à StreetFax LLC, et 1 000 $ pour la prestation de service relative à “The Page Book”.

Les coûts liés aux retards de livraison seront déduits de la rémunération du vendeur à hauteur de 5% si le projet n’est pas terminé à la date prévue, en plus d’une déduction supplémentaire de 1% par jour de retard à compter de la date de livraison prévue.
La date convenue pour la livraison du projet relatif au logiciel StreetFax est le 31 mai 2003.

La date convenue de livraison du projet ayant comme nom de travail “The Face Book” est le 1er janvier 2004, et une participation additionnelle de 1% dans l’affaire sera due à l’acheteur par jour de retard dans la réalisation du site à partir de cette date.

5. Propriété de l’acheteur / Responsabilité du vendeur
Pour la base de données StreetFax (…)

Pour “The Face Book”, le vendeur s’engage à agir en tant que webmaster du site, à en assurer le maintien et à payer les frais liés à l’hébergement et au nom de domaine en utilisant les fonds reçus dans le cadre du présent contrat ; le vendeur s’engage également à garder en permanence le contrôle de ces services.

Les données, les dessins, les outils, les modèles, les matériels, les spécifications et les autres éléments ou informations fournis au vendeur dans le cadre du présent sont la propriété de l’acheteur, à qui ils devront être restitués au terme du présent contrat. Ces éléments ou informations ne seront utilisés par le vendeur que dans le cadre de la présente prestation de services ; ils ne seront ni utilisés ni diffusés à d’autres fins sans que l’acheteur ait expressément donné son consentement préalable, par écrit.

Par conséquent, au vu et au lu de ce qui précède, il semble difficile d’affirmer que ledit contrat n’a aucune relation avec Facebook (What the contract asserts is that there was a relationship about Facebook and there is not one), juste en jouant sur la distinction “The Page Book / The Face Book”, d’autant plus que le 22 juin 2006, lors d’une audience du procès ConnectU, Mark Zuckerberg a déclaré sous serment qu’il avait encaissé ensemble les fonds relatifs à Streetfax et à « The Face Book » sur son compte bancaire étudiant à la Fleet Bank.

Ceglia produit d’ailleurs un chèque encaissé par Zuckerberg.

Malgré tout ce qui précède, les avocats de Zuckerberg n’y vont pas par quatre chemins : « Ce procès est une fraude. Des preuves objectives écrasantes montrent que Paul Ceglia et ses co-conspirateurs ont contrefait des documents, fabriqué de faux courriels et commis des spoliations et d’autres actes graves de mauvaise foi, en tenant un comportement répréhensible. Ce procès doit immédiatement être classé. »

Pour autant, deux ans après avoir commencé, le procès n’est pas encore classé, signe que les prétendues preuves de Facebook ne sont peut-être pas si objectives ni si écrasantes que cela, et l’expertise déposée par Ceglia il y a deux mois conclut à 100% en l’authenticité du contrat et de la signature apposée par Zuckerberg himself

Affaire relancée ? Cliquez sur l’image pour télécharger le contrat :

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Par : Opera
7 commentaires
7 commentaires
  1. Petite précision : l’IPO a eu lieu le 18 mai (et non le 18 mars). FB a donc vu la valeur de son action chuter de 50 % en seulement 3 mois.

  2. Ca serait quand même franchement le coup dur pour Mark Zuckerberg s’il venait en plus à devoir payer une espèce de fortune démentielle à une personne pour des raisons, crédibles, mais quand même farfelue. Car en effet, ce n’est pas cette autre personne qui a multiplié la valeur de facebook à ce point, rendant le réseau social, numéro 1 dans le monde.

  3. Aolliet, merci, corrigé ! Depuis plus de 4 mois que je suis en vadrouille plutôt loin du Web, j’ai perdu mes marques 🙂

    Tayo, tu soulèves un aspect sur lequel j’ai réfléchi dans ce billet : http://adscriptum.blogspot.it/2007/11/lhistoire-de-facebook.html
    dont je cite le passage suivant :

    Tout cela donne raison à Loïc Le Meur : « ce n’est pas vraiment l’idée qui compte, mais son exécution ! »
    cf. http://adscriptum.blogspot.it/2007/05/lentreprise-selon-loic-le-meur-morceaux.html

    « Zuckerberg a su mener à terme l’exécution de façon brillante, même si apparemment l’idée originale ne lui revient pas. Plusieurs procès sont en cours, et il est vraisemblable que ça pourrait se terminer par un maxi-dédommagement dont les américains ont le secret.

    Ceci dit, en bon opportuniste, il faut lui reconnaître d’avoir eu la capacité de faire en trois ans ce qu’est Facebook aujourd’hui. Quant à l’honnêteté, entre cette qualité de moins en moins pratiquée de nos jours et 15 milliards $ sur la balance, d’après vous de quel côté penchera le plateau ? »

    J’écrivais ça en 2007, et il faut bien reconnaître que la croissance de Facebook n’a pas faibli dans les 5 années qui ont suivi, au contraire !

    Par contre si les juges américains reconnaissent l’authenticité du contrat et qu’il est bien signé par Zuckerberg, au-delà des implications personnelles pour lui, je ne pense pas que ça change énormément la donne pour Facebook (ils sauront bien trouver un accord), mais en tout cas ça pourrait faire de Ceglia un homme riche. Nous verrons…

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