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Plongée dans une usine à trolls, ou quand la désinformation devient un emploi à temps plein

Une journaliste polonaise a passé six mois incognito dans une usine à trolls. Elle livre un témoignage saisissant de cet univers vécu de l’intérieur.

Les pratiques de manipulation électorale sont largement relatées dans les médias. L’exemple le plus frappant étant la manière dont des usines à trolls d’Europe de l’Est ont œuvré au bénéfice de Donald Trump lors de l’élection présidentielle de 2016. La journaliste d’investigation Katarzyna Pruszkiewicz a infiltré l’une d’entre elles en tant que salariée. Elle raconte dans un article publié sur le site Investigate Europe, les dessous de cette entreprise de désinformation massive située en Pologne. Cat @ Net, se décrit comme une « agence composée de spécialistes qui construisent une image positive des entreprises, des particuliers et des institutions publiques – principalement dans les médias sociaux ».

Sur le Slack de l’entreprise, les trolls se félicitent de leurs tromperies

Ce qui surprend d’emblée dans son témoignage, c’est à quel point le fonctionnement de l’entreprise semble tout à fait normal. Elle signe tout d’abord un contrat de travail assorti d’une période d’essai de trois mois. Une promotion lui est même promise, si son travail s’avère efficace. Sa première mission ? Créer un compte Twitter fake de militant nationaliste de droite. Il se doit d’être crédible et la journaliste rédige une bio la plus convaincante possible où elle précise être un étudiant et sa photo de profil s’avère être un drapeau polonais. S’en suit une longue période où elle doit se constituer une communauté de followers la plus large possible pour gagner en influence et bénéficier de la confiance des utilisateurs du réseau social.

Au bout de quelques semaines, Katarzyna Pruszkiewicz obtient l’accès aux canaux de communication internes de la société. C’est ici que les différentes missions sont attribuées aux employés. Il s’agit principalement de promouvoir ou de dénigrer des personnes ou une organisation. Sur le Slack de Cat @ Net, les discussions vont bon train. « Dans le chat, les trolls se vantent de leurs messages les plus populaires et du nombre d’utilisateurs qu’ils ont atteints. Lorsqu’un politicien répond au message d’un faux compte, la discussion interne déborde rapidement d’éloges », relate la journaliste.

Un potentiel de frappe pouvant atteindre les 15 millions de vues

Certains des employés sont handicapés, ce qui permet de recevoir des subventions étatiques. Le gouvernement est donc complice malgré lui de ces pratiques condamnables. Leur job a beau être de nature cynique, ses nouveaux collègues sont plutôt attachants : « Bon nombre d’entre eux sont vraiment de bonnes personnes – ils ont de la compassion, ils font de la charité et se lancent dans l’activisme social pendant leurs temps libres, mais leurs handicaps font que leurs possibilités d’emploi sont limitées », précise la reporter.

En ce qui concerne les clients, tout y passe. La compagnie se sert de ses comptes influents de droite comme de gauche pour salir ou encenser sur commande. Tous peuvent espérer bénéficier de sa force de frappe qui peut potentiellement atteindre en quelques minutes les 15 millions de vues. Le reportage dévoile même que la chaîne de télévision TVP Polonia a fait appel aux services de la compagnie. Très critiquée pour sa partialité, elle a demandé à Cat @ Net de promouvoir la subvention que lui a attribué le gouvernement polonais.

Au terme de six mois de travail, Katarzyna a confié à ses patrons une certaine lassitude et de la fatigue. Ses derniers ont alors décidé de la promouvoir en tant que manager. Elle est ainsi chargée de la supervision d’un groupe de trolls. L’objectif est de leur fournir des éléments de langage et des personnes à cibler. À la manière des plus grandes entreprises, les usines à trolls savent donc aussi motiver leurs talents. La journaliste n’ira pas plus loin mais son témoignage en dit long sur le potentiel impact de ces lieux de désinformation massive.

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Par : Twitter, Inc.
4.1 / 5
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1 commentaire
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  1. En général, les partis politiques ont leur propre “usine à Troll”, ce qu’on appelait autrefois et de façon plus claire de “machine à désinformer”.
    En bref, les militants se lancent sur tous les canaux de communication possibles pour favoriser leur candidat et dénigrer les rivaux.

    Ce n’est pas nouveau.
    On voit d’ailleurs fleurir sur les antennes de radio ouvertes au public de nombreux intervenant affirmer avant je votais pour A, il m’a déçu parce que ceci cela, alors maintenant, je voterai maintenant pour B. Evidemment, cette personne n’a jamais voté pour A, mais c’est un militant de B.

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