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Pourquoi la Porsche Taycan de série ne ressemblera plus vraiment au fabuleux concept Mission E

Au fil du développement, les concept-cars qui passent en production de série s’éloignent du design originel. Quelles sont les raisons de ces évolutions ?

Les concept-cars, une longue histoire de “je t’aime, moi non plus” entre les constructeurs automobiles et le public. Une histoire qui se commence et se termine généralement sur les salons auto, puisque la plupart de ces voitures-concepts ne sont là que pour faire briller une marque le temps d’une exhibition. Une pratique qui existe depuis que l’automobile existe, et qui génère généralement autant de frustration dans le grand public qu’elle a généré de fierté et d’excitation dans les bureaux de design et d’ingénierie des marques automobiles.

Pour tout vous dire, j’ai toujours trouvé cette tradition aussi inutile qu’agaçante. Inutile parce-que, contrairement à ce qu’essaient de nous faire croire les constructeurs, les prototypes présentés n’ont absolument rien à voir avec la réalité de leur production, ne préfigurent rien de l’avenir d’une marque, et ne portent pas en eux les futures évolutions technologiques qui arriveront ensuite. Agaçante parce-que ce n’est rien d’autre qu’un outil marketing pour faire la une des journaux (et d’Auto-Moto le dimanche), mais surtout parce-que la plupart du temps ces exercices de style probablement très coûteux semblent surtout destinés à satisfaire l’égo de quelques designers qui ont réussi à convaincre le patron que c’était indispensable au rayonnement de la marque. Dernier exemple en date, le concept E-legend de Peugeot, sur lequel tous les médias et blogs (auto et autres) se sont excités et extasiés comme des newbs alors qu’il n’y avait pas besoin d’être un grand devin pour savoir qu’il ne verrait jamais le jour dans une version de série. Trop éloigné du cœur de marché de la marque, et même du design de sa gamme actuelle. Mais bon, il se dit que cela a permis à la marque de s’offrir une super pub pour pas cher, et de titiller sa R&D. Mouais, pas cher, cela reste à voir quand on connait les coûts de ce genre de développement sans lendemain. Quant à la publicité, j’ai du mal à saisir en quoi la présentation d’un concept qui n’a aucun rapport avec le reste de la gamme va aider à faire vendre des 308 diesel…

Du concept à la (dure) réalité…

Alors bien sûr c’est une question d’image. Et l’histoire de l’automobile nous a aussi parfois gratifiés de bonnes surprises, quand certains constructeurs un peu plus audacieux que la moyenne ont décidé de produire en série – et avec succès – un concept-car de salon dans une version quasi identique. Si je ne devais retenir qu’un seul exemple, ce serait celui de l’Audi TT, sortie pratiquement telle quelle, dont on connait la carrière.

Avec le Taycan, Porsche, en pleine mutation digitale et énergétique, fait également ce pari, et il faut le saluer. Concept à l’origine présenté lors du salon de Francfort 2015 sous le nom de Mission E, le Taycan sera une réalité à l’automne 2019. Largement inspiré des lignes du Mission E, le Taycan, dont nous vous avons déjà souvent parlé ici, sera le premier véhicule 100% électrique de Porsche. Une révolution et un enjeu énorme pour le constructeur allemand.

Mais force est de constater que si le Taycan est la déclinaison de série du Mission E, il n’en n’est malheureusement pas la réplique exacte, loin s’en faut. Même si les différences sont cosmétiques et nécessitent un regard averti, elles sont la parfaite illustration de cette bonne vieille maxime qui dit que le diable se cache dans les détails. Si l’on ne sait encore absolument rien du design intérieur de la version définitive du Taycan, on commence à avoir une idée assez précise de la ligne. Bien sûr celle-ci reprend le coup de crayon général du Mission E, mais si tout est identique, rien n’est pareil.

Porsche taycan mission e
Comparaison Porsche Mission E Porsche Taycan (source : Porsche et Teslarati)

Sans nous livrer à une revue de détail, on note que ce qui faisait la spécificité du Mission E a progressivement été gommé pour finalement faire ressembler le Taycan à une sorte d’évolution électrique de la Panamera. Certes la référence est plutôt flatteuse, et il y a pire comme ascendance, mais on attendait probablement un peu plus de culot de la part des designers de Stuttgart. Ainsi le premier élément qui saute aux yeux est la disparition des portes “suicide” (les portières arrières s’ouvrant face à la route) sans montant pour l’installation de portières classiques. Autre différence frappante, le galbe des ailes arrière et des passages de roues, qui ont subi une drastique cure d’amaigrissement. La ceinture de caisse du proto est aussi plus haute et la surface vitrée moins importante. Enfin, pour rester dans le plus visible, les superbes jantes de 21 et 22 pouces du prototype ont fait place à des roues de taille inférieure, contrainte probablement dictée par des questions de confort et d’économies d’énergie.

Une histoire de réglementation et de consommation

Alors, pourquoi – que ce soit le Taycan ou d’autres – les versions de série des voitures de salon sont-elles si différentes du concept original ? Les raisons sont souvent liées aux contraintes réglementaires, et comme vu ci-dessus, à l’optimisation énergétique, a fortiori dans le cas de véhicules électriques. Un concept-car arbore des pneus ultra-larges montés sur de superbes et énormes jantes à bâtons ? Désolé, la voiture finale risque de se contenter de galettes étroites au design “turbine” parfois immonde comme celui des Tesla Model 3 “Aero”, qui lui feront économiser jusqu’à 15% de batterie. Il faut savoir que les contraintes imposées par la législation sont monstrueuses et conduisent souvent les constructeurs à revoir progressivement leur copie quand il s’agit de passer les tests d’homologation. Il est par exemple probable que les fameuses portes suicide du Taycan sans montant aient été supprimées pour des questions de sécurité liées à la rigidité de la caisse et du pavillon en cas de tonneau ou de choc latéral. Le législateur n’aime pas trop non plus les éléments proéminents, ce qui conduit souvent les designers à raboter une aile ou une calandre un peu trop généreuse. On pourrait multiplier les exemples mais il faudrait un catalogue long comme un recueil de normes de l’UE pour tout couvrir. J’ai juste en tête le côté absurde de certaines réglementations, comme celle qui a contraint Ford à supprimer les LEDs intégrées dans les optiques avant de sa dernière Mustang parce-qu’elles n’étaient pas conformes aux normes édictées par l’Union Européenne. Où comment priver les consommateurs européens d’une signature lumineuse racée (mais bien anodine) parce-qu’un bureaucrate a décidé que cela ne répondait pas aux normes en vigueur (on parle de trois petites barres luminescentes à l’extrémité des phares présentes sur la version US de la voiture, rien d’autre).

Bref, on peut se réjouir quand même de la prochaine arrivée du Taycan dans une robe qui restera fidèle à l’esprit du Mission E, mais on aurait aimé un petit pas supplémentaire vers le prototype de Francfort, qui aurait certainement fait se dévisser les têtes sur toutes les routes. Cela étant, on peut se consoler en se disant que le “mulet” repéré ici et là lors des différents essais de mise au point va peut-être encore évoluer, et qu’il n’a pas livré tous ses secrets. D’ailleurs, les seuls exemplaires roulants du Taycan sont noirs, alors que le concept est blanc nacré. La couleur pourrait déjà changer beaucoup de choses dans la perception des lignes. Rendez-vous dans six mois pour la version de série définitive…

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4 commentaires
4 commentaires
  1. Bizzare les photos de la Taycan noire. Pourquoi avoir des sorties d’échappement sur une voiture électrique ? Ne serait-ce pas plutôt une Panamera ?

  2. Je trouve le commentaire désobligeant pour les designers et il méconnait fortement le rôle des concept cars. Ce ne sont pas des ‘coups de pub’, mais chaque élément d’un concept car fait l’objet d’un véritable cahier des charges et son intégration partielle pourra avoir lieu sur un véhicule de série à terme. Il permet de ‘tester’ en grandeur nature des audaces de la marque et de constater la réaction du public et du réseau. Evidemment, il y a un peu de nombrilisme, mais il y a surtout la capacité montrer ce que la marque sait faire de mieux lorsqu’elle “lâche les cheveaux” et de tester de nombreux éléments, voire de préfigurer les robots qui vont usiner des voitures de série (tester des angles de coupe, de ponçage, etc.).

    1. Je suis tout à fait d’accord avec toi. En effet, les photographies que Porsche publie sont forcément relookées (c’est le principe de la pub!). Connaisseur de Porsche depuis plusieurs années, leur mission E n’est en fait pas si différente que la Taycan de cette année. Le seul “gros” changement extérieur pourrait être le nez du bout de la Mission E qui a disparu lors de la conception et de la modélisation de la berline Taycan. Sinon, la voiture rste très fidèle à elle même et garde largement son charme!

  3. Il suffit d’observer l’habitacle arrière de la Mission E pour se rendre compte que l’accès à l’arrière serait trop étriqué pour une voiture de série, c’est bien trop bas.

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