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Et si le prochain patron du CAC 40 était un startuper ?

Et si l’un des fleurons de l’économie française était, demain, dirigé par un startuper ? Qu’est-ce que ça changerait ? Qu’est-ce que le startuper apporterait de sa culture ? De ses savoir-faire et savoir-être ?


Article rédigé par Grégory Herbé, CEO de MyJob.Company.
Cet article s’inscrit dans notre rubrique “Paroles de Pros” dans laquelle des acteurs réputés du numérique prennent la parole sur des sujets liés à l’impact d’internet et des nouvelles technologies sur nos modes de vie.
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Celui qui, parti d’une simple idée, a sué sang et eau pour la développer, la faire grandir très rapidement. Ce dirigeant d’un nouveau genre, dont la startup est passée en quelques années de 2 à 250 salariés, ne pourrait-il pas impulser une énergie revigorante à nos « grosses » entreprises ?

A l’heure où je lis partout de la politic fiction, j’ai eu envie de tenter un peu d’economic fiction : et si le prochain patron du CAC 40 était un startuper ?

Chapitre 1 – Enfant du millénaire

Résolument née dans l’ère digitale, Julia promène sa silhouette dégingandée dans les locaux de Saint Gobain. Nommée par le conseil d’administration de Saint Gobain dont les membres avaient eu l’intelligence de la placer à la tête de l’entreprise. Ils ne se sont pas laissés tromper par sa dégaine nonchalante. Julia est passée maître dans l’usage des outils digitaux dont elle maîtrise à la perfection les codes et les usages, notamment par une utilisation permanente afin de « rester affûtée », comme elle dit.

Elle a ainsi bâti, par sa communication, une proximité inédite avec les consommateurs de sa marque et ses équipes sont capables de faire remonter les indicateurs les plus minimes de zone d’insatisfaction. C’est sur cette base « consumer centric » qu’elle a amélioré la qualité de service de ce géant de l’industrie, doublant les résultats du dernier trimestre.

Pour poser les bons diagnostics, encore fallait-il avoir une source satisfaisante d’information, Julia a bien compris que les réseaux sociaux et les data peuvent permettre de mettre le doigt sur les sujets importants pour les gens (ses clients actuels mais aussi les futurs…).

Elle s’est faite les dents dans l’équipe d’Obama, lors de son élection à la Maison Blanche, comme data scientist.

Aujourd’hui, elle a pris de la hauteur. Elle est certes capable d’analyser les data mais aussi de sentir – ressentir – ce qu’il va se passer. Ce que certains appellent la vision, elle la travaille chaque matin lors de sa « morning routine » composée d’une séance de méditation et d’un smoothie de fruits frais. Oui, Julia n’échappe pas aux clichés, mais ça lui réussit plutôt bien.

Chapitre 2 – Le goût du risque

Après l’élection d’Obama, Julia s’est sentie pousser des ailes. Elle a lancé une startup dans l’analyse de data. Mais a raté le momentum. Elle n’a pas lâché l’affaire et a tenté deux autres expériences avant de finalement connaître un succès européen. Sa fierté, c’est de n’avoir jamais lâché, d’avoir continué à creuser, à chercher, à comprendre et à innover. L’erreur fait partie intégrante du process, on ne réinvente pas un modèle du premier coup.

C’est cette mentalité qu’elle infuse chaque jour, dans les locaux de Saint Gobain. Assurer l’existant ne suffit plus, il faut innover pour préparer le futur, sortir de sa zone de confort. « Si vous pensez à l’étape d’après, vous avez déjà un temps de retard » est sa devise. Julia est adepte du forward thinking qui consiste non pas à viser la prochaine marche mais encore la suivante.

Pour y arriver, elle dirige son entreprise de quelques 170 000 salariés comme elle le faisait avec 200, n’hésitant pas à prendre des risques. Elle s’appuie sur ses équipes formées aux techniques de créativité (c’est encore en cours) et va chercher l’intelligence collective. Elle en est convaincue : c’est dans la force vive de l’entreprise qu’elle trouvera l’énergie disruptive dont elle a besoin. Elle favorise alors les profils atypiques, valorise les corporate hackers, a intégré à l’entreprise des métiers inédits comme des sociologues ou encore des prospectivistes, des artistes. Comme Cédric Villani, le plus célèbre des nœuds papillon, elle veut que chacun ré-apprenne à créer différemment et à sortir du cadre.

Chapitre 3 – La compression du sandwich managérial

Son arrivée dans l’entreprise ne s’est pas faite sans difficulté. Son profil détonnant a pu faire peur, elle en est consciente. En arrivant, elle a pris le temps de rencontrer un maximum de salariés, de prestataires. Elle a parlé aux gens, beaucoup. Les a consulté, qu’ils soient tout en haut ou tout en bas d’une hiérarchie dont elle veut assouplir le carcan.

Certes, elle représente un nouveau type de dirigeante et ce qui est nouveau fait peur. Mais son management est basé sur la vision. Julia veut rassembler autour de cette vision partagée par tous.

Quand elle est arrivée dans ce grand groupe, il était gouverné de la même manière qu’à son entrée au CAC40, 80 ans auparavant, tandis que le marché ne faisait qu’accélérer en matière d’usages, d’innovations. Ça lui a paru absurde, obsolète. Pour lutter contre, elle a mis en place des modes de développement ultra rapides, a raccourci les chaînes de décision pour aller au cœur du moteur de l’entreprise. L’intérêt des gens change rapidement, il fallait gagner en souplesse, ne plus perdre de temps à fignoler, à valider (elle déteste ce mot). Elle a cette capacité, notre startupeuse, à compresser le sandwich managérial, le réduire à quelque chose de moins conséquent et au final, à avoir moins de strates de collaborateurs mais des gens plus compétents, plus motivés, dans l’action.

Chapitre 4 – Pivot et micro-pivots

Une fois le sandwich managérial compressé, cet apôtre de la croissance ultra rapide a naturellement transposé les approches de stratégies courtes d’entreprise (celles des startups) à ce mastodonte. C’est cette capacité à pivoter rapidement que cherchait Julia depuis son arrivée. Elle peut désormais s’appuyer sur de bons techniciens en interne pour scaler (mettre à l’échelle) ses tests de business models. Si elle est portée par une vision qui dépasse largement le cadre de l’entreprise qu’elle dirige, Julia a depuis le début annoncé la couleur : son mandat sera court – au regard des autres mandats de dirigeants du CAC40.

Après analyse des indicateurs du marché, elle a planifié un pivot stratégique c’est-à-dire un changement radical de stratégie ; mais ce qui l’intéresse c’est d’aller à l’essentiel. L’entreprise devra par la suite rester agile et continuer son évolution par elle-même, mais elle n’aura pas besoin de se réinventer tous les deux ans. En revanche, elle aura besoin de procéder à ces micro-pivots très régulièrement.

Lors de la deuxième révolution industrielle, une période industrielle durait environ 60 ans, aujourd’hui elle s’est raccourcie à 10 ans. Il lui paraît indispensable d’adapter les équipes à cette évolution majeure tout en prenant en considération l’usure d’un pivot sur les travailleurs…et sur sa propre créativité. C’est ainsi qu’elle cherchera une nouvelle mission, un nouveau mandat sitôt celui-ci effectué. La startupeuse qu’est Julia a intégré les démarches en mode projet.

Chapitre 5 – Montrer l’exemple

Certes, l’objectif d’un dirigeant du CAC40, comme celui d’un startuper est d’optimiser la rentabilité de l’entreprise et la rémunération des actionnaires. Néanmoins, Julia – comme certains startupers – est mûe par une ambition qui la dépasse totalement.

Son désir d’entreprendre trouve son origine dans une volonté un peu utopique de changer le monde. Et ce qui la fait personnellement vibrer, ce sont “les gens”.

Elle souhaite que les travailleurs prennent enfin conscience que leurs compétences sont plus importantes que leur expérience. Elle travaille d’ailleurs aujourd’hui sur un projet RH visant à aider les salariés de Saint Gobain à identifier et à cartographier leurs compétences.

Elle refuse de venir, bouleverser une organisation, changer le business model et donc les métiers nécessaires à sa réalisation et à repartir, tranquille. Julia a conscience du cycle de Schumpeter : toute révolution industrielle est traversée par la création, la destruction et l’adaptation des métiers.

Et c’est justement l’adaptation des travailleurs qui la fait vibrer. Elle est à l’aise pour partager sa vision et même, annoncer très ouvertement que certains métiers n’existeront plus chez Saint Gobain dans 5 ans… à condition qu’elle soit en mesure 1) d’apporter une vision claire sur les métiers d’avenir et 2) à former ceux qui le veulent, pour faire partie de la nouvelle aventure.

C’est ainsi, il lui semble, que l’entreprise retrouve un rôle dans la chaîne sociale, en permettant aux travailleurs de vivre de leur travail, y compris dans un monde en perpétuel mouvement.

Les entreprises du CAC40 sont des exemples de réussite mondiale, il y a de quoi être fier et personnellement, je le suis. Mon but n’est pas de prôner le « dégagisme » et de dire « allez tous les vieux c…, dehors ! ». Au contraire, je crois fermement au partage de connaissances avec les « séniors » (comme on dit) pour mettre en place des stratégies de transmission, comme c’est le cas depuis la nuit des temps.

Je pense que l’évolution va se faire en douceur, avec un changement des mentalités et dans le temps.

Et la prochaine grande révolution qui nous attend sera peut-être lorsque le prochain patron d’une grosse banque sera un startuper ?

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