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Rachat de LinkedIn par Microsoft : à qui profitent les réseaux sociaux professionnels ?

Le leader du cloud professionnel et le réseau professionnel numéro un se sont dit “oui”. L’occasion de se pencher sur la question de la valeur des réseaux sociaux professionnels. Alors, à qui profite ce rachat ?

Ce dimanche 19 juin, j’étais l’invitée d’Alain Gerlache pour aborder le sujet du rachat de LinkedIn aux côtés de Gilles Quoistiaux. L’émission Les Décodeurs, diffusée sur La Première est accessible sur le site de la RTBF.

En effet, le 13 juin dernier, nous vous informions sur Presse Citron que Microsoft avait annoncé le rachat du réseau social LinkedIn pour 26.2 milliards de dollars, soit 60 dollars par profil utilisateur. L’un des plus gros rachats de ces dernières années !

 

Cette opération de rachat a été beaucoup commentée ces derniers jours, entraînant la question : quelle est la valeur d’un réseau social professionnel. En réalité, la valeur d’un réseau social professionnel se retrouve tant au niveau de l’employé, de l’employeur que de l’éditeur.

 

La valeur pour l’employé

Pourquoi un employé aurait-il un intérêt à utiliser un réseau professionnel ? C’est la question la plus importante à laquelle il faut répondre avant de lancer un projet de réseaux sociaux dans une entreprise. Le “what’s in it for me” est en effet la base de l’engagement d’une communauté.

Les réseaux internes

Pour prendre le cas d’un réseau social interne comme Yammer, l’utilisateur trouvera un sens à utiliser ce réseau s’il peut soutenir un besoin qui existe déjà. Par exemple, les réseaux sociaux d’entreprise peuvent être très efficaces pour réduire le nombre de réunions ou d’e-mail.

Prenons ce cas évoqué précédemment sur Presse Citron : après les attaques de Bruxelles, Yammer a été très utilisé parmi les collaborateurs des mutualités libres pour pouvoir organiser du co-voiturage afin de rentrer à leur domicile.

L’outil est également utile pour demander du feedback sur un projet ou poser une question, permettant d’améliorer la qualité de son travail en faisant appel à des collègues qui via cette consultation peuvent apporter leur expertise.

Les réseaux sociaux d’entreprise sont aussi utiles pour garder le lien avec ses collègues dans un environnement où il y a de plus en plus de télétravail ou de déplacements.

Les réseaux externes

Les réseaux professionnels externes sont aussi utiles pour les employés. Ils peuvent leur permettre par exemple de demander à leurs homologues un conseil. Ils peuvent aussi servir à rechercher un fournisseur pour une prestation donnée. Ils sont également une mine d’or pour se former en continu. Parcourir son fil LinkedIn, suivre un hashtag sur Twitter ou parcourir des présentations sur SlideShare (qui appartient à LinkedIn !) sont d’excellentes manière de se tenir informé des dernières tendances d’un secteur.

 

La valeur pour l’employeur

Encourager et accompagner l’utilisation des réseaux sociaux est aussi une aubaine pour les employeurs. Dans la lignée du nouveau monde du travail, certains d’entre eux investissent même dans des projets de type “working out loud” avec des baselines aussi prometteuses que “sharing is caring”, “sharing is saving”, etc. Mais pourquoi l’entreprise aurait-elle intérêt à ce que les employés utilisent les réseaux sociaux ?

Tout d’abord en terme de Knowledge management : une personne qui utilise un réseau social pour gérer son projet va en même temps partager de l’information avec ses collègues. Ils peuvent ainsi suivre l’avancée du projet, s’inspirer, s’informer, etc. Si une personne tombe malade au quitte l’entreprise, son projet est documenté sur une plateforme et on évite le problème de l’information qui disparaît dans les boîtes e-mail personnelles. Travailler à haute voix serait donc une opportunité pour lutter contre les SPOF, les single point of failures, c’est à dire les informations qui ne sont connues et maîtrisées que par une personne dans l’organisation.

Les réseaux sociaux d’entreprise autonomisent les collaborateurs. En travaillant dans une logique de réseau, on n’a plus besoin de structures aussi hiérarchiques et coûteuses qu’auparavant. L’organisation gagne en agilité et en efficacité. Les silos ne sont pas faciles à casser mais les réseaux sociaux d’entreprise tendent à atténuer leurs méfaits.

Avec les réseaux sociaux professionnels, chaque collaborateur a une voix. Le modèle de communication traditionnel “top down” tend à être remplacé par un modèle “bottom up”  voire “peer to peer” où chacun peut s’exprimer. Chaque collaborateur devient ainsi également ambassadeur : ambassadeur de son équipe mais aussi ambassadeur de son entreprise.

Sur un réseau professionnel tel que LinkedIn, un employé qui relaye une offre d’emploi de son entreprise va augmenter la portée de l’annoncer et soutenir le processus de recrutement. Les employés, par les messages qu’ils portent en externe vont également aider à la construction de l’image de l’organisation.. Quand une entreprise se lance dans une démarche d’employer branding (ou marque employeur) elle travaille sur 3 axes : l’identité de l’entreprise (ses valeurs, sa culture), la réputation externe (ce que l’on dit de l’entreprise) et l’image interne (la perception que les gens ont d’une entreprise quand ils y travaillent). Attention cependant : quand les employés s’expriment sur les réseaux sociaux et parlent de leur entreprise ils le font pour le meilleur et pour le pire. 33% des employés parlent de leur entreprise sur les réseaux sociaux : d’où l’intérêt d’accompagner cela, sans cadenasser ni interdire, pour inspirer les collaborateurs dans leur approche.

Les réseaux professionnels tels que LinkedIn sont très utiles aux recruteurs et autres chasseurs de tête car ils vont permettre de cibler des profils qui correspondent à des critères très précis. Ils vont ainsi parfois trouver des perles rares qui n’auraient peut-être pas eu le réflexe de postuler à une annonce. De plus, comme ces données sont constamment mises à jour, cela permet au recruteur d’avoir des données qui la plupart du temps ne seront pas obsolètes, risque que l’on avait avec le CV papier archivé dans une base de données statique.

https://www.youtube.com/watch?v=-89PWn0QaaY

La valeur pour l’éditeur

Satya Nadella, le CEO de LinkedIn a expliqué que ce rachat va aider Microsoft à élargir son marché, à atteindre de nouveaux espaces technologies qui renforceront l’engagement des utilisateurs et à proposer un élément de différenciation unique. Le but de ce rachat est d’accélérer la croissance d’outils tels que Microsoft Office 365 ou le CRM Dynamics.

Alors qui profitent les réseaux professionnels ? A leurs éditeurs naturellement. Quand Microsoft débourse une telle somme en rachetant LinkedIn, c’est en toute logique car il y a derrière un potentiel pour générer des revenus. La force de LinkedIn, ce sont ses utilisateurs, c’est-à-dire vous qui lisez cet article. Si vous avez correctement renseigné votre profil, vous avez indiqué un certain nombre d’informations personnelles : votre e-mail, votre numéro de téléphone, vos compétences, vos précédents employeurs, vos compétences, vos contacts, vos centres d’intérêt, etc. Une formidable mine d’informations qui ne demandent qu’à être monétisées.

 

 

 

Office 365

La suite de Microsoft Office 365 comprend tout un ensemble de services Cloud tels que OneDrive, Exchange Online, Skype Entreprise, SharePoint Online ou Yammer. Cette suite d’outil permet de travailler facilement depuis différents appareils fixes ou mobiles et en bénéficiant de la synergie des fonctionnalités de plusieurs outils.  Proposer la brique supplémentaire de LinkedIn a cette suite rend Microsoft compétitif. “Cette combinaison va ouvrir la voie à de nouvelles expériences. Par exemple, un fil d’actualités LinkedIn affichant des articles basés sur les projets sur lesquels vous travaillez. Ou une suggestion d’experts sur Office pour vous aider avec la tâche que vous essayez d’accomplir” explique Satya Nadella. On pourrait aussi imaginer qu’en recevant un e-mail de quelqu’un dans Outlook, on aurait facilement accès à sa photo, au nom de sa fonction, etc. Dans le passé, un plugin appelé “outlook social connector” permettait d’ailleurs de faire cela mais il a été désactivé en mars 2015, “afin de pouvoir affecter de façon optimale [les] ressources à de nouveaux projets LinkedIn prometteurs”. Fallait-il voir dans cette annonce un indice sur le rachat qui viendrait un an plus tard ?

Dynamics CRM

Microsoft propose aussi un outil de gestion client appelé Dynamics. LinkedIn va également pouvoir renforcer cet outil. “Cela va nous aider à différencier notre produit de relation client en ajoutant une dimension sociale. Dynamics va également se développer dans de nouveaux domaines, comme le recrutement, la formation et la gestion des talents” déclare le patron de Microsoft. Les données de LinkedIn pourraient également permettre de mettre à jour les coordonnées des contacts client : une fonctionnalité extrêmement attrayante pour les sociétés commerciales qui seraient intéressées pour adopter l’outil Dynamics. LinkedIn est actuellement beaucoup utilisé par les commerciaux qui font de la prospection : la combinaison de cet outil à Dynamics pourrait aussi faciliter cette tâche. Dynamics pourrait aussi s’étendre à de nouveaux domaines plus RH tels que le recrutement, l’apprentissage ou la gestion de talents

De nouvelles opportunités

L’intégration de LinkedIn devrait également “créer de nouvelles opportunités de monétisation à travers des abonnements et de la publicité ciblée” annonce Satya Nadella. On peut en effet imaginer qu’avec la masse de données dont va disposer Microsoft, il pourrait être très facile de proposer à un utilisateur le service ou le produit dont il a besoin par rapport à une situation qu’il rencontre. C’est ce que font notamment Google et Facebook qui sont de véritables régies publicitaires de par le nombre de données qu’elles possèdent sur les utilisateurs.

 

La raison du rachat de LinkedIn par Microsoft est donc très probablement une volonté de faire des données LinkedIn une force de vente des produits Microsoft. C’est là toute la valeur qu’a ce réseau social pour l’entreprise. Cependant, les utilisateurs ont également tout intérêt à utiliser ces outils par rapport aux bénéfiques qu’ils peuvent  peut en tirer. Dans le monde impitoyable du big data, à chacun de mettre ses limites et de tirer profit du positif tout en limitant les impacts négatifs.

 

Chiffres clé

Pour rappel, Microsoft avait racheté en 2012 le réseau social d’entreprise Yammer pour 1,2 milliards de dollars. En 2011 c’est l’outil Skype qui avait été racheté pour la somme de 8,5 milliards de dollars. Des acquisitions qui montrent que Microsoft longtemps vu principalement comme un éditeur de logiciels dédiés à la productivité est en train de s’affirmer comme une société proposant des services dans le cloud intégrés.

LinkedIn est un réseau social d’entreprise créé en 2003 qui permet de se connecter à son réseau professionnel, de partager du contenu, de faire évoluer sa carrière et même de se former. LinkedIn, c’est aussi 433 millions d’utilisateurs inscrits dont 1/4 seraient actifs mensuellement. Un nombre d’utilisateurs plutôt élevé qui explique en partie pourquoi Microsoft a déboursé autant d’argent : en effet selon la loi de Metcalfe, “l’utilité d’un réseau est proportionnelle au carré du nombre de ses utilisateurs”. Comprenez : au plus il y a d’utilisateurs, au plus il y a de valeur.

Le chiffre d’affaire annuel de la plateforme est de 3 milliards de dollars, dont les 2/3 viennent des offres payantes à destination des recruteurs. A noter cependant une perte nette de 165 millions de dollars en 2015.

Comment une entreprise comme Microsoft peut-elle s’offrir le luxe de se payer un réseau social pour une somme aussi élevée que 26.2 milliards de dollars ?

En 2015, Microsoft a enregistré un résultat net de 11,1 milliards d’euros, pour 85,6 milliards de chiffre d’affaires, pour 11,1 milliards de résultat net. A titre de comparaison, Google a enregistré la même année 68 milliards de CA et Facebook 16,5 milliards.

Une place confortable dans l’économie numérique aux côté de Google, Apple, Facebook et Amazon : ajoutez Microsoft  et vous avez le GAFAM au grand complet. Microsoft dispose d’une trésorerie supérieure à 100 milliards de dollars mais rapatrier ces fonds les rendraient imposables à hauteur de 35%. Pour éviter cela, Microsoft a pris le parti de payer cash et de s’endetter pour éviter l’impôt.

Dans cet article du monde (version abonnés), Olivier Sichel explique que LinkedIn se placerait aujourd’hui à titre de comparaison au milieu de notre CAC 40 et serait équivalant à Renault ou Safran.

 

Pour réécouter l’émission des Décodeurs :

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Par : Opera
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