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Le destin de l’e-book, ou les paradoxes d’une société postmoderne

Le livre numérique tente de faire cohabiter technologie et culture, et soulève évidemment des réflexions complexes sur les rapports au livre, à la lecture et à la pensée. Analyse.

Selon le cabinet d’analyse GfK, le marché du livre numérique devrait atteindre 55 millions d’euros en 2015. Forme culturelle hybride, symptomatique des paradoxes d’une société postmoderne constamment innovante et pourtant ancrée dans un passé qu’elle regrette, il tente de faire cohabiter technologie et culture. Et soulève évidemment des réflexions complexes sur les rapports au livre, à la lecture et à la pensée. 

La littérature, la bande dessinée, le cinéma et même les médias placent les nouvelles technologies comme symptôme et emblème d’un phénomène qui tendrait à réduire la place des objets matériels dans les activités humaines. Depuis les années 1990, conformément à ce fantasme (ou à cette vision), nous assistons à la perte croissante de matérialité d’un grand nombre d’objets entourant notre quotidien : la monnaie, les transactions financières, les données, et même l’art. Un phénomène qui bouleverse également  nos industries culturelles, obligeant ses acteurs à réinventer un nouveau marché et à identifier de nouvelles sources de création de valeur.

L’industrie du disque en a été le premier théâtre : l’unité de l’œuvre musicale s’est vue fragmentée de l’album au morceau, les modes de consommation sont devenus plus nomades et plus diversifiés, les majors, les artistes et les filières de distribution classiques se sont vues menacées par le téléchargement légal et illégal, et par cette fameuse « culture du gratuit » inhérente au monde numérique.  Dix ans plus tard, c’est cette fois l’industrie du film qui connaît un sort similaire, via de nombreux services ventant la location de films et de séries dématérialisés, les plateformes d’hébergement de contenus vidéo tels que YouTube ou Dailymotion, et bien entendu les sites de téléchargement illégal et de partage. C’est à présent au tour du secteur de l’édition d’être concerné par la dématérialisation, en la personne du livre numérique.

Le livre papier possède la particularité d’être à la fois un contenant (l’objet matériel) et un contenu (l’œuvre intellectuelle ou esthétique). D’un part, il est le résultat d’une chaîne d’opérations de fabrication, la plupart du temps acquis par un acheteur via un acte de consommation, doté d’une valeur intrinsèque dépendant de la quantité de travail direct et indirect nécessaire à sa fabrication. D’autre part, il est aussi une œuvre, un discours adressé à un public, lui aussi doté d’une valeur intrinsèque, cette fois beaucoup plus volatile et subjective. Dans les faits, s’agissant du livre papier, ces deux dimensions sont indissociables.

Cependant, depuis l’apparition du livre numérique, défini comme « un fichier numérique reproduisant certaines des caractéristiques du livre papier adaptées à la lecture active sur écran », nous assistons justement à une scission entre la composante matérielle et spirituelle du livre, puisqu’une même œuvre peut être lue sur de multiples supports. Cerner l’essence de ce que constitue un livre est devenu aussi complexe que nécessaire : cette dualité, auparavant masquée par l’unicité de l’objet-livre, est à présent concrètement visible et rend particulièrement difficile la conduite d’une réflexion autour de la lecture et de ses supports matériels.

Quoiqu’il en soit, les débats autour de l’impact des technologies numériques sur notre société ne sont  jamais exempts de considérations politiques et de théories utopistes ou “risquophobes”, a fortiori lorsqu’ils touchent un objet aussi fragile et étroitement lié aux rituels d’identification de la vie sociale que les pratiques culturelles. Il semble en effet exister un lien curieux entre l’importance et l’ancienneté d’une forme culturelle donnée dans l’histoire de l’humanité d’un côté, et la violence des débats autour de la dématérialisation de cette même forme culturelle de l’autre : c’est précisément en cela que les problématiques autour du livre numérique sont particulièrement intéressantes à étudier.

Le livre papier, portée aux nues par ses siècles d’existence, objet-fétiche symbolisant la culture de l’écrit au travers de laquelle nos sociétés sont nées et se sont structurées, objet incarné associant lecture, souvenir de cette lecture et instrument de réalisation de cette lecture, semble de toute évidence être la forme culturelle la plus « sacrée » dans l’imaginaire collectif, dans tout ce que cela suppose de « mythes » et de résistance au changement. De toute évidence, le livre dématérialisé n’ébranle pas seulement le marché de l’édition d’un point de vue strictement économico-légal, comme l’avait fait avant lui le MP3 sur le marché musical : il ébranle également l’ensemble de la symbolique et de l’affectivité gravitant autour de l’objet-livre et l’activité de lecture. Cette nouvelle forme culturelle, sorte d’héritière illégitime d’un ancêtre qu’elle bouleverse, doit accuser des obstacles relatifs à la grande puissance de l’objet-livre, à la fois dans ses formes matérielles d’inscription et dans son rayonnement culturel, social et sensoriel.  Des obstacles auxquels les acteurs de l’édition dématérialisée répondent par des objets (livres numériques et liseuses) encore circonscrits aux formes et aux pouvoirs du livre papier afin, sans doute, de s’approprier la même légitimité auprès des consommateurs et ainsi rentabiliser leurs investissements sur un marché en bourgeonnement.

Histoires livresques

La toute puissance du livre imprimé et les blocages vis-à-vis du numérique prennent avant tout leur source dans l’histoire même de cette forme culturelle. Pourtant, ce n’est pas la première fois que la question du transfert du patrimoine écrit d’un support à l’autre se pose : le livre est un objet matériel, historique et daté, et ses formes d’inscription ont bien évidemment évolué au cours des siècles, non sans incidence d’ailleurs sur ses modes d’appropriation.

Dix-sept mille ans avant notre ère, l’invention de l’écriture idéographique, puis syllabique et enfin alphabétique accompagnèrent l’essor des grandes civilisations de l’humanité. Le support de l’écrit, quant à lui, évolua évidemment au fil des âges et des progrès techniques : l’argile, le papyrus, le rouleau, puis le codex (qui offrit pour la première fois la possibilité de plier et de coudre différents feuillets entre eux), conditionnèrent époques après époques la manière de lire. Les premiers livres, exclusivement produits par les monastères, de grande taille et de maniement difficile, servaient avant tout à véhiculer la parole divine via la lecture publique, à destination d’une population analphabète : la lecture oralisée était à la fois une forme de partage et une variable essentielle à la compréhension des textes. Les livres commencèrent seulement à la fin du 12ème siècle à couvrir des domaines plus larges que le strict champ religieux, une diversification rendue possible par l’apparition des scribes laïcs et le développement des universités : le rapport au texte se déplaça alors du simple déchiffrement vers l’analyse, la discussion et le commentaire. La lecture, plus silencieuse et visuelle, entraîna d’ailleurs une nouvelle forme d’inscription des textes, en particulier l’introduction de la séparation entre les mots, ce qui n’existait pas dans la plupart des textes latins.

Mais le véritable bouleversement du rapport à la lecture intervient à partir du milieu du 15ème siècle, lors de l’invention de l’imprimerie par Gutenberg : les livres, produits en plus grande quantité, à moindre coût et de maniement plus facile, se diffusent alors dans toute l’Europe. A cette époque déjà, différents formats de livres permettent une utilisation de l’écrit et des formes de lecture diversifiées : l’in-seize, ancêtre du livre de poche, est utilisé pour les livres destinés à un large public et une lecture personnelle, tandis que l’in-folio, plus grand format, est avant tout destiné à l’étude. Le livre imprimé devient un support courant, abouti et détaché du mode manuscrit. Parallèlement, les formes du texte continuent à se modifier : outre des formats de meilleure maniabilité, l’arrivée des alinéas, des retraits et des retours à la ligne rend la mise en page plus agréable et accroit sensiblement la lisibilité.

Une nouvelle vague de hausse de la production livresque intervient alors à partir du 18ème siècle : l’invention en 1775 de la presse métallique par Didot donne la possibilité d’imprimer des feuilles de grands formats à partir de bobines de papier ; et l’apparition de la linotype, machine imprimant en bloc chaque ligne de caractère formée sur un clavier, permet d’accélérer considérablement la composition des textes. Feuilletons hebdomadaires ou quotidiens dans les journaux, publications par livraison, ouvrages pour cabinets de lecture, anthologies d’un seul auteur ou d’œuvres diverses, œuvres complètes : à partir du 19ème siècle, le livre commence ainsi à prendre des formes matérielles multiples. La diffusion de livres aux contenus variés et de formats divers, la diminution de leurs coûts et l’extension de l’instruction rendent la lecture de plus en plus généralisée, diversifiée et individualisée.

L’ensemble de ces éléments historiques rendent compte qu’à travers les siècles, chaque forme de publication a induit des pratiques différentes vis-à-vis du texte: il est clair qu’une relation est visible entre la « morphologie » de la lecture et la réalité des pratiques quotidiennes. En effet, à mesure que ses supports gagnaient en accessibilité, la lecture semble s’être peu à peu écartée de cette « sacralité » qui la caractérisait pour devenir à la fois plus désinvolte et plus mobile, un phénomène qui s’est particulièrement accentué ces dernières années. D’ailleurs, la polémique autour de l’apparition du livre de poche préfigure de bien des façons les débats qui seront menés à propos du livre numérique quelques décennies plus tard: cet objet-livre bon marché destiné à la consommation courante fut en effet associé pendant des années à l’idée d’une « culture au rabais », certains auteurs refusant même d’être publiés dans cette collection. La venue du numérique s’accompagne vraisemblablement d’une angoisse similaire: de la même façon que la Bibliothèque Bleue, dès le début du 17ème siècle, contribua à la diffusion massive d’œuvres spécifiquement destinées à un public populaire, le livre numérique et ses promesses sont certainement perçus comme un nouvel échelon dans la désacralisation de la lecture.

Outre des œuvres toujours plus disponibles, accessibles et reproductibles grâce au web, la dématérialisation rompt la relation entre contenus et matérialité des supports qui permettait de différencier les types de publications imprimées (noblesse de la couverture, qualité du papier, volume de l’ouvrage…) et impose une mutation des repères de lecture, de la classification et de la hiérarchisation des œuvres, désormais disponibles de la même manière sur n’importe quel support numérique.

Le livre: objet social, objet intime

Le développement du numérique est également freiné par le caractère éminemment social et sensoriel du livre imprimé. Activité la plupart du temps solitaire et silencieuse, la lecture n’en est pas moins une pratique qui, à travers l’objet-livre, engage le lecteur dans des interactions puissantes. De nombreux lieux encouragent ainsi le lecteur à faire de l’objet-livre le cœur de sa relation à l’autre : les cercles de lecteurs ou les clubs de lecture, évidemment, mais aussi des librairies-restaurants, bars ou salons de thé cherchant à conjuguer jouissances intellectuelles et plaisirs gourmands, ou encore certaines librairies étrangères à Paris qui exaltent parfois un sentiment de convivialité ethnoculturelle. En effet, le livre est véritablement un support d’échange avec autrui, intellectuel ou matériel, un instrument de sociabilité à part entière : l’objet-livre, tout sauf anonyme, s’échange, s’offre et se prête, la plupart du temps de la main à la main, accompagné de discussions et de conseils. Cette circulation n’est jamais neutre, en ce qu’elle révèle les signes intimes de celui qui donne, et est une marque d’affection, de confiance et d’intérêt envers celui qui reçoit.

Une relation qui, paradoxalement, peut tout à fait s’exprimer unilatéralement, comme le montre l’importance des bibliothèques privées : le livre est alors exposé aux yeux des visiteurs, à la manière d’une œuvre d’art, comme une sorte de trophée marqueur de l’appartenance à un milieu social et culturel donné, véritable ciment d’une sociabilité cultivée et mondaine.

D’autre part, la grande particularité de l’objet-livre repose également dans le caractère parfois extrêmement sensoriel, voire expérientiel, de sa consommation. À travers la couverture, tout d’abord, qui peut en grande partie déterminer l’attrait ou le rejet de l’objet : ainsi, le livre de poche, avec sa couverture douce et souple, évoque dans sa forme même son accessibilité, au contraire d’un « beau livre » qui, souvent plus rigide, de matière plus « noble », de format moins maniable, provoque des sensations différentes au toucher.

Il est également important, pour certains lecteurs, de percevoir physiquement l’intérieur même du livre : l’épaisseur et la granularité du papier, la qualité de l’impression, le bruit des pages qui se tournent, l’odeur de l’encre… Ainsi, du 18ème siècle à aujourd’hui, il est évident que l’ensemble de ces éléments détermine le plaisir de ceux que l’on nomme les « bibliophiles », qui entretiennent une relation autant intellectuelle que physique avec l’objet-livre. Ce constat est d’autant plus fort pour certains types d’ouvrages, dont la numérisation promet pourtant beaucoup en termes d’interactivité, notamment les livres de jeunesse. En effet, un grand nombre de parents considèrent l’objet-livre comme l’exaltation d’une intimité avec leurs enfants : ensemble, ils découvrent l’ouvrage, manipulent les pages et les textures, effectuent les différentes activités (coloriage, collage…) : une véritable découverte sensorielle et affective du livre. À un degré plus élevé, la sensibilité de certains lecteurs aux livres papier se constitue également dans sa fragilité, son usure, sa soumission au temps : la proximité qu’ils entretiennent avec le livre se situe dans son histoire, les traces laissées par ses lecteurs précédents, ses pages froissées et jaunies, ses annotations manuscrites datant d’une autre époque. Le bouquiniste de quartier ou la librairie d’occasion, lieux plus profanes et plus personnels, sont alors généralement préférés aux grandes surfaces. À ce stade, tout livre est unique et rare, en ce sens où il exhale une histoire unique et palpable, à la fois intellectuellement et matériellement. L’objet physique, prolongement du soi et reflet des choix et des préférences de l’individu, devient alors irremplaçable.

Un processus de “métaphorisation”

Les premières liseuses (Rocket eBook, SoftBook Reader ou encore Cybook), ces sortes d’ordinateurs de poche permettant de stocker et de lire des livres, ont connu un échec retentissant lors de leur lancement en grande pompe dans les années 2000. Ce fiasco industriel et commercial peut aisément s’expliquer par les caractéristiques techniques insatisfaisantes de ces appareils : poids d’environ 1 kg, autonomie insuffisante, rétroéclairage générant une fatigue visuelle, offre éparse d’ouvrages numérisés…

Des faiblesses à présent comblées par les principaux acteurs du marché, tant éditeurs que constructeurs, proposant d’une part des ouvrages innovants, plus interactifs et pratiques, et d’autre part des terminaux qui égalent presque le confort procuré par le livre imprimé. Pourtant, la démarche adoptée par l’ensemble de ces acteurs semble être une simple transposition du livre imprimé sur un autre support, tant les fonctions proposées dans ces nouveaux objets (taille, forme, prise en main, posture physique de lecture, activités associées…) semblent s’inscrire majoritairement dans une démarche d’imitation des actions effectuées en lisant un livre. Une véritable « métaphorisation » qui illustre l’attachement au livre imprimé comme outil de lecture, mais également la recherche par les outils informatiques d’une aura similaire à celle de l’objet-livre. Du côté non pas du support, mais des œuvres, la prééminence du format PDF ne fait qu’affirmer la volonté de restreindre le livre numérique à une fonction de préservation du livre papier, via la reproduction à l’identique d’un certain nombre de caractéristiques qui, dans l’imaginaire collectif, « font » le livre (page de couverture, typographie, mise en page). Le texte électronique se trouve ainsi fixé et stabilisé, à la fois dans ses formes matérielles et dans ses catégories mentales et intellectuelles.

Le livre numérique peut-il à son tour se réapproprier un « usage social qui s’ajoute à la pure matière » sans nécessairement se constituer en simple miroir (de surcroît déformé) du livre imprimé ? Que ce soit comme signe ostentatoire de la richesse, pour marquer l’appartenance à une classe sociale, ou comme ressource conversationnelle ou matérielle, la valeur d’un bien, a fortiori immatériel, est en effet construite socialement. Bien entendu, le partage et l’échange constituent le noyau de la culture numérique, et les réseaux sociaux et divers forums ne laissent aucun doute sur les potentialités du livre-pixel de mobiliser des communautés de lecteur.

De la même manière, certains chercheurs s’efforcent à reproduire l’ensemble des éléments sensoriels qui constituent un livre (la technologie « Olly », encore en développement, vise notamment à permettre à un livre numérique d’exhaler certaines odeurs). Un parallèle avec l’industrie de la musique déjà victime de la dématérialisation laisse entrevoir quelques pistes quant à l’avenir du livre papier et à la création d’une relation à l’objet technologique. Le chemin qu’a suivi le MP3 depuis les années 2000 est en effet annonciateur de ces tentatives d’adaptation. Auparavant fichier anonyme qui s’affichait dans Windows Media Player via des animations abstraites, il est dorénavant géré via des plateformes comme iTunes ou Spotify qui, en plus de proposer une relation très personnelle à la musique digitale, permettent également d’en faire une activité éminemment connectée et sociale, en rupture avec les modèles du disque. Pour autant, quid de l’historicité de ces fichiers dématérialisés, qu’ils soient littéraires ou musicaux ? La reproductibilité des biens culturels dématérialisés semble en effet constituer un obstacle insurmontable à leur véritable appropriation par les consommateurs. Un livre numérique est un objet nu qui, même s’il est annoté, surligné et partagé, même si ses formes d’inscription et d’existence se posent en ersatz du livre imprimé ; perdure lecture après lecture, et empêche son lecteur de se nourrir de sa vie passée. Une immortalité matérielle qui semble se traduire par une mort affective ou, autrement dit, un objet qui parvient à pénétrer dans le registre utilitaire et reste aux portes du registre symbolique.

La question de savoir si le livre numérique gagnerait à s’affranchir de son ancêtre, tant en termes de supports, d’œuvres et d’usages, reste entière et plausible. La culture de l’écran doit-elle nécessairement être pensée au mieux comme complément, au pire comme adversaire de la culture livresque ? Faut-il  véritablement penser le livre-pixel à l’aune du livre-papier ou faut-il en faire un objet « numériquement pur » amené à bouleverser les usages de lecture et d’écriture, et briser l’unité de l’objet-livre telle qu’on la connaît depuis des siècles ? Est-il véritablement dans l’intérêt des acteurs de l’édition dématérialisée de proposer une innovation en demi-teinte qui, par son engluement dans les travées laissées par son ancêtre, semble condamnée à y être perpétuellement comparée et donc sous-estimée ?

Loin d’envisager le livre dématérialisé comme une étape nouvelle dans l’histoire du livre, quid d’un affranchissement complet de cette nouvelle forme culturelle qui viserait, non pas à proposer le même objet sous une forme technologique, mais au contraire à se servir de l’ensemble des potentialités numériques pour inventer une sorte de « super-média » ?

Cet article est un résumé de mon mémoire de recherche intitulé “Livre numérique, entre métaphore et rupture: le pixel doit-il s’affranchir du papier?”, réalisé en collaboration avec Estelle Pepe et sous la direction de Bérangère Brial. Pour les curieux, la version complète est disponible en cliquant ici.

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7 commentaires
7 commentaires
  1. En tout cas, une chose est sûr, pour pouvoir s’affranchir de son ancêtre papier, il faudrait déjà que le livre numérique se standardise technologiquement comme l’a fait (laborieusement) l’HTML, car aujourd’hui il y a plus de 20 formats de livre numérique, et chaque liseuse ou logiciel interprète à sa façon ces formats. Autant dire que l’imagination des créateurs est très, très vite bridée par la technologie, au lieu d’être libérée.

    Théoriquement on pourrait imaginer une lecture non linéaire, inclure des éléments multimédia, faire des liens vers des références, proposer une lecture vocale de certaines parties (façon slam), utiliser de la couleur et des images pour créer des ambiances. Tout cela est théoriquement possible, mais impossible techniquement (pour l’instant).

    Dans le domaine du livre numérique, nous sommes retourné à l’époque de la guerre entre Netscape et Internet Explorer, pour ceux qui ont connu, c’est déprimant. A croire que personne n’a appris.

  2. Merci pour cet article, Axel ! Voilà enfin un article intéressant qui va un peu plus loin que les traditionnels articles à l’emballement excessif vantant telle ou telle technologie à la mode…

    Pour ma part, je ne suis pas contre le livre numérique, tant qu’il cohabite avec le livre papier. Je doute que le premier remplace totalement le second un jour. Les livres papiers ont encore plein d’avantages (moins de risque de vol, pas de risque de panne de batterie, etc.)

  3. “20 formats de livre numérique”

    Perso, j’en compte deux qui compte vraiment (et je bosse là-dedans) : ePub et mobi (Kindle). Et encore, mobi est généré à partir d’epub et en est très proche techniquement…

    Les autres formats sont soit morts (ebook, ancien format Sony), soit en échec (iBooks Author).

    Après on peut prendre en compte les apps, mais ce ne sont pas des formats de livres numériques à proprement parler. Et là, il va surtout falloir que les lecteurs fassent bien bien comprendre qu’ils ne souhaitent pas remettre en cause l’universalité ou “interopérabilité” du livre papier en bottant le cul des éditeurs qui font de l’app liée à une seule plateforme là où ils pourraient faire de l’epub, standard ouvert qui repose sur les technologies du web…

  4. @Nickbango> Vous ne parlez pas du PDF, mais c’est le format le plus universel, et celui qui, moyennant quelques améliorations, pourrait bien être le format unificateur que les commentateurs appellent ici de leurs voeux.

    Personnellement, je suis fan des PDF sans DRM. Je pense que les utilisateurs aussi. Et ce sont souvent eux qui dictent les changements, pas la volonté de telle ou telle entreprise d’imposer sa norme. Le premier éditeur online qui osera vendre des PDF sans DRM va changer la donne.

  5. Je suis surpris de la place ultra minimale faite aux liens hyper textes qui démultiplient la puissance du texte (lien avec un dictionnaire, non linéarité du texte, possibilité de mutualisation…)
    Sinon il en va de la liseuse comme de tout nouvel outil: on l’utilise comme l’ancien ( le livre papier ) puis on découvre ses autres possibilités ( pour exemple l’invention de la photo d’abord utilisée pour imiter la peinture puis devenant un média spécifique)
    Mais le point essentiel reste la possibilité d’échange (avec l’auteur, d’autres lecteurs )
    Une porte s’ouvre sur un autre paysage ouvrons grand nos mirettes

  6. Je suis d’accord avec Nickbango, il faut que les éditeurs se tournent vers un format ouvert comme l’epub car toutes les liseuses du marché sont capables de lire ce format, sauf le kindle propriétaire d’Amazon mais c’est un choix délibéré du géant américain pour imposer son format (mobi).

    Je ne suis pas d’accord avec Lightman concernant le PDF car je trouve que ce format “figé” n’est pas agréable à lire sur une liseuse car le texte ne peut pas forcément s’adapter à la liseuse (variable selon les technologies employées). C’est aussi une affaire de préférence : je pense qu’il est plus facile que le texte s’adapte à la liseuse que l’inverse.

    Là où je rejoins Lightman c’est sur l’absence de DRM. Il est nécessaire, à mon avis, de “libérer” le livre numérique tout comme le système que j’utilise sur mon ordinateur (Linux) pour télécharger LEGALEMENT les e-books que j’achète. Je refuse d’acheter un livre avec DRM car le logiciel n’existe pas pour Linux et que je ne vois pas pourquoi on m’interdit de partager une œuvre que j’ai aimé comme je peux le faire avec un objet matériel. De plus la limitation des droits avec les DRM empêche le quidam moyen, non spécialiste en informatique, de manipuler son fichier facilement (quid de la possibilité de justifier de la possession “matérielle” et de retrouver l’œuvre achetée en cas de crash du disque dur !!!). J’en vois venir certains avec l’argument qu’un livre papier ne peut pas se partager avec la terre entière comme il est possible de le faire avec un fichier numérique. Soit, la dérive existe mais je ne suis pas de ceux-là. Je partage (= je prête) avec un ami un livre (papier) que j’ai aimé : suis-je un pirate ? Non, je diffuse de la culture et peut-être que cela permettra à cette personne de lire d’autres œuvre du même auteur ?

    J’ai lu d’autres article qui parlaient du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle. Sur ce plan, je considère le livre numérique tout comme un livre papier : un support d’une œuvre qui doit être justement rémunéré. Deux choses dans cette réflexion :
    1- j’adore le livre papier, mais face à une œuvre dépourvue d’objet graphique (100% littéraire comme un romain, un essai, etc.), je pense qu’il n’y a pas de distinction entre un livre papier et son adaptation numérique (la liseuse devient un support, rien de plus) car le plus important pour moi c’est le contenu, pas le contenant. Mon propos serait tout à fait inverse pour une œuvre graphique (BD, etc.) où le support papier peut avoir beaucoup d’importance, même si je trouve que le marketing de ces 15 dernières années à délaissé l’œuvre pour le support et que, de fait, le prix des BD (par exemple) a tellement augmenté que ce type de littérature s’éloigne de plus en plus du “grand public” (15 € pour 30 minutes de lecture, je trouve que c’est pas cadeau !) ;
    2- papier ou numérique, l’auteur doit être rémunéré justement pour le travail accompli. Il en va de même pour l’éditeur qui prend le risque de la publication. Mais je dois dire que, en plus des DRM, le prix des livres numériques est aujourd’hui un frein pour moi. Quand un livre papier coûte 20 €, son équivalent numérique coûte environ 15 €. La dématérialisation ne coûte-t-elle que 25% du prix final ? Trop cher pour une œuvre qui ne peut pas être partagée (de manière limitée encore une fois) et surtout qui ne nous appartient pas comme une œuvre fixée sur le papier (voir http://www.rue89.com/rue89-culture/2012/09/26/mp3-ebooks-verifie-ils-ne-vous-appartiennent-pas-235508 pour s’en convaincre).

    En conclusion :
    – j’adore les livres, papier ou numériques ;
    – les livres numériques doivent faire appel à des formats ouverts (epub) et libres (sans DRM) pour faciliter leur diffusion et leur utilisation ;
    – je veux rétribuer les ayant droit et les éditeurs à un prix juste mais je ne m’appelle pas crésus : accéder à une œuvre pour 5 € en numérique oui, pour 15 € non (car un livre numérique ne se revent pas, voir l’article de Rue89 cité plus haut). Tout comme les éditeurs de musique ou de film, les éditeurs littéraires devraient comprendre que l’œuvre est plus importante que son support dans sa version numérique et que le prix est un frein à leur diffusion.

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