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Et si Google était … une plateforme !?

L’analyse d’un ingénieur de chez Google dans laquelle il démolit Google+ a fuité sur … Google+ ! Au-delà de la critique, Steve Yegge insiste sur un aspect qui ferait grandement défaut à Google : une culture “plateforme”. Essayons de fouiller un peu l’argumentation pour nous faire une idée.

Après le fameux Peanut Butter Manifesto de Yahoo!, signé Brad Garlinghouse, l’un des vice-présidents de Yahoo! à l’époque, voici maintenant le “manifeste du beurre d’arachide” de Google, signé Steve Yegge, ingénieur à Mountain View, dans lequel il démolit Google+ (et que son opinion ait fuité intentionnellement ou non n’est pas la question, il y a des précédents bien plus célèbres et plus haut placés que lui) !
Crédit photo.

Il y critique l’incapacité de Google de raisonner sur le long terme en termes de plateforme (Platforms are all about long-term thinking) plutôt que de produits (The problem is that we’re a Product Company through and through). Une plateforme qui ferait reposer ses fondations sur deux piliers : l’accessibilité et la sécurité. Et plus encore l’accessibilité, car au fond, plateforme = accessibilité. Chose qui manque à Google :

We don’t get Platforms, and we don’t get Accessibility. The two are basically the same thing, because platforms solve accessibility. A platform is accessibility.

Selon lui, Google ne sait pas réaliser ni ne comprend ce qu’est une plateforme, et Google+ est le premier exemple de cette absence de culture “plateforme” :

That one last thing that Google doesn’t do well is Platforms. We don’t understand platforms. We don’t “get” platforms.
…it’s like our tenth or eleventh priority. Or fifteenth, I don’t know. It’s pretty low.
The Google+ platform is a pathetic afterthought. We had no API at all at launch…
This is a cultural thing…

Chez Google, d’abord nous tentons d’anticiper ce que les gens veulent, et après nous le leur donnons. Or ce n’est pas vraiment comme ça que ça marche. Cette approche n’est pas fiable. Steve Jobs pouvait faire ça, mais nous n’avons pas de Steve Jobs chez Google, désolé (sic!) :

The problem is that we are trying to predict what people want and deliver it for them.
You can’t do that. Not really. Not reliably. There have been precious few people in the world, over the entire history of computing, who have been able to do it reliably. Steve Jobs was one of them. We don’t have a Steve Jobs here. I’m sorry, but we don’t.

Larry appréciera 🙂

D’après son analyse, Google+ ne serait qu’une réaction pavlovienne à courte vue, basée sur le postulat erroné que Facebook est une réussite parce qu’ils ont mis au point un bon produit. Ce qui est faux : le succès de Facebook est qu’ils ont construit une plateforme en permettant aux autres de développer une constellation de produits, ce qui permet à chacun d’avoir une expérience différente, personnelle, sur Facebook. Certains passent tout leur temps sur Mafia Wars, d’autres sur Farmville, etc. Il y a des centaines voire des milliers de silos de contenus où perdre son temps, on y trouve tout pour tous.

Google+ is a knee-jerk reaction, a study in short-term thinking, predicated on the incorrect notion that Facebook is successful because they built a great product. But that’s not why they are successful. Facebook is successful because they built an entire constellation of products by allowing other people to do the work. So Facebook is different for everyone. Some people spend all their time on Mafia Wars. Some spend all their time on Farmville. There are hundreds or maybe thousands of different high-quality time sinks available, so there’s something there for everyone.

Il n’y a pas que Facebook qui a réussi à développer une plateforme, il en va de même pour d’autres, chacun pour ses propres raisons, comme Amazon (toute la partie sur Jeff Bezos est impayable), Microsoft, Apple ou Twitter, mais pas Google.

Or un produit qui n’est associé à aucune plateforme finira toujours par être remplacé par un produit pouvant tourner sur une plateforme (A product is useless without a platform, or more precisely and accurately, a platform-less product will always be replaced by an equivalent platform-ized product). L’important étant de donner à des tierces parties la possibilité de développer leurs propres applis pour les greffer automatiquement sur la plateforme, après quoi tout se fera naturellement (He just needed to enable third-party developers to do it, and it would happen automatically).

Il ne s’agit pas non plus de lancer d’abord les produits pour espérer en faire une plateforme ouverte, magique et extensible dans un deuxième temps, ce qu’a déjà tenté Google sans y réussir (We can’t keep launching products and pretending we’ll turn them into magical beautiful extensible platforms later. We’ve tried that and it’s not working), mais plutôt de commencer par la plateforme, et de l’utiliser ensuite pour tous les produits et services. Même si elle n’est pas parfaite dès le départ, il sera toujours temps de la peaufiner après, l’important c’est de le faire de suite. Car même s’il n’est pas encore trop tard, plus Google attend et plus ce sera difficile et coûteux de mettre correctement en place cette stratégie :

The Golden Rule of Platforms, “Eat Your Own Dogfood”, can be rephrased as “Start with a Platform, and Then Use it for Everything.” You can’t just bolt it on later. Certainly not easily at any rate — ask anyone who worked on platformizing MS Office. Or anyone who worked on platformizing Amazon. If you delay it, it’ll be ten times as much work as just doing it correctly up front. You can’t cheat. You can’t have secret back doors for internal apps to get special priority access, not for ANY reason. You need to solve the hard problems up front.

I’m not saying it’s too late for us, but the longer we wait, the closer we get to being Too Late.

J’arrête là le résumé de son analyse, qu’il a ruminé pendant 6 ans (This post has been six years in the making), pour terminer sur la question qui m’est venue à la lecture de ce billet :

Que serait Google si c’était une plateforme ?

Il est déjà dur de cerner ce qu’est Google, sinon une compagnie qui va bientôt capitaliser 200 milliards de $ (je me rappelle encore quand Eric Schmidt disait qu’il voulait faire de Google une compagnie média pesant … 100 milliards de $…) (ça a l’air vieux, c’était il y a deux ans !!!), qui a commencé par être un moteur de recherche (Search), puis une régie publicitaire (Ads), avant de faire de ses nombreux produits et services autant d’applis (Search, Ads & Apps), puis d’y ajouter le social, jusqu’à Google+ qui serait censé aujourd’hui centraliser tout ça sur sa plateforme.

Généralement, l’approche « bêta » de Google est importante, puisque l’utilisation ou non par les internautes des produits que lance la société peut déterminer leur abandon ou leur remplacement, mais le lancement de Google+ il y a tout juste trois mois laisse à penser que cette fois Google parie bien plus gros qu’avec ce qui a précédé, en jouant directement sur le terrain de Facebook.

Y réussiront-ils sans ouvrir la plateforme Google+ aux développeurs tiers, comme a su le faire Facebook, c’est l’une des questions clés posées par la longue analyse de Steve Yegge, ingénieur chez Google. En tout cas merci à lui. Je vous encourage également à lire les commentaires.

Que pensez-vous de cette analyse plateforme vs. produit/service, et pensez-vous que Google+ réussira finalement là où ses précédentes tentatives de percer dans le social ont échoué ?

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Par : Opera
14 commentaires
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  1. et si on avait la surprise de voir l’android Market débarquer sur Google+ ? :-)))
    Bon, on va me dire que c’est fait pour les mobiles, mais G a peut-être un tweak dans sa manche…

  2. Google a en fait mis en place plusieurs plateformes: Android, Chrome et maintenant Google+. Qu’est-ce qu’une plateforme si ce n’est un lieu permettant de lancer des applications qui peuvent elles être considérées comme des produits.

    Donc, j’ai du mal à comprendre pourquoi il dit que Google a du mal à “penser plateforme”. Google ne parle que de ça durant les keynotes aux Google IO.

    Je pense que certains services doivent restés en silos, comme par exemple GMail, GMaps, GDocs, GNews ou encore GBooks et GMusic. Mais le bouton +1 devrait à terme faire le pont entre ces produits et la plateforme de partage qu’est G+, comme c’est déjà le cas avec Youtube par exemple.

  3. Je suis partiellement d’accord avec cette analyse mais elle n’est pas fausse. Une plateforme doit permettre de regrouper des applications. A l’heure actuelle, c’est vrai qu’on a un peu de mal à connaitre toutes les applications de GG, elles sont un peu parsemer de partout. Par contre, je pense qu’ils sont en train de construire de nombreuses briques pour les rassembler. Est ce qu’avec Android, ils ne sont pas en train de mettre en place un OS qui pourrait à terme devenir une plateforme utilisée par une grande partie des mobiles ? Sachant que les mobiles et les tablettes seront sans doute dans les années à venir un point de connexion très importants, surtout dans les pays en voie de développement. La seule ombre à ce tableau est le rachat de Motorala qui pourrait être un problème au développement de cet OS …
    Avec G+, on peut voir également un point de convergence des nombreuses applications. Mais la question qui reste à se poser est de savoir si ce n’est pas dangereux d’avoir un point de convergence des applications, on pourrait tomber dans un monopole dont il serait très difficile à sortir.

  4. Yvan, il me semble que l’un des points sur lesquels il insiste le plus, entre les lignes, est celui de la simplicité. Notamment quand il dit “plateforme = accessibilité”. Or Google est un tel magma de produits, de services, d’applis, – et de plateformes -, que l’utilisateur s’y perd. Quand les choses deviennent trop compliquées, les gens décrochent. Facebook, par exemple, qui n’arrête pas d’ajouter de nouveaux trucs, mais en pourcentage sur le total des membres, combien les utilisent ? Tout ça devient comme les versions Microsoft, de plus en plus compliqué, de grosses usines à gaz. Il y a un commentaire ici
    https://plus.google.com/112678702228711889851/posts/eVeouesvaVX
    (cherche Shea Bennett, je n’ai pas trouvé de lien direct, ou j’ai pas compris où il se trouve) qui répond en partie à tes observations, je crois.

  5. En fait on voit très bien ce que google veut faire avec des trucs comme plus.
    C’est fermé presque totalement le web.
    Que quand vous cherchez un article, vous le lisez sur google.
    Une vidéo ? youtube
    On parle à ses amis ? gplus
    On envoie un email ? Gmail.
    C’est là, la volonté de google. Etre lInternet, avec un I majuscule.

  6. William, je signale au cas où que les citations sont traduites dans le billet, certes pas au mot à mot, mais il n’y a rien dans les citations que je n’ai dit dans le billet ! Les citations ne sont là que pour corroborer ce que j’ai traduit.

    Une question pour les utilisateurs de Netvibes : peut-on importer le flux de Google+ sur sa page ?

    Sinon je viens de voir que Brad Garlinghouse interviendra à LeWeb 11 : http://leweb.net/2011/community/speakers

    Pour le reste, l’analyse de tutoriel et de LS sur les risques de fermeture et de monopole n’est pas fausse, et ça fera probablement l’objet d’une de mes prochaines réflexions.

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