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La stratégie Internet de Microsoft – suite

Jusqu’à présent, Microsot a échoué dans sa stratégie Internet. L’annonce de nouvelles ambitions pour changer la donne en introduisant une rupture dans la façon de vivre le Web sera-t-elle suivie de résultats concrets ? L’avenir nous le dira…

Je concluais mon précédent billet analysant la stratégie Internet de Redmond sur ce simple constat : Microsoft a échoué.

Échoué dans la mise en œuvre de son plan 10, 20, 30, 40, qui prévoyait notamment de réaliser 30% des parts de marché dans la recherche et 40% des parts de marché dans la publicité en ligne. Un échec partiel me direz-vous, puisque grâce au partenariat avec Yahoo!, ils ont quand même atteint en parts cumulées plus de 30% de la recherche aux États-Unis.

Oui mais voilà, depuis l’annonce de son plan en 2007, Microsoft a déjà investi – à fonds perdus – près de 9 milliards $ dans la recherche, sans jamais réaliser le moindre profit ! La courbe des pertes parle d’elle seule :

Certes, avec Microsoft, il faut relativiser, 9 milliards de dollars ne représentent pas même un trimestre de leur C.A., et les enjeux sont tellement importants que l’on comprend facilement qu’ils continueront à perdre de l’argent pour peu qu’ils réussissent à grignoter quelques parts de marché en plus contre l’ogre Google. Dont la primauté apparaît aujourd’hui totalement hors de portée du second compétiteur, Microsoft.

Or Ballmer n’a jamais eu une mentalité de deuxième rang, et même si je qualifiais Microsoft de Poulidor du Web dès 2006, il ne faut surtout pas sous-estimer un tel concurrent. Ceci dit, au vu des pertes de Redmond dans sa division online, impossible de démentir que l’échec partiel est en réalité un échec total : malgré les énormes investissements consentis pour rattraper Google, surtout dans la publicité en ligne, non seulement ils en sont encore loin, mais aucune prévision n’autorise actuellement à penser qu’ils y réussiront un jour.

Voilà pourquoi j’étais très intéressé par le discours de Qi Lu, Président de la Division Online Services, lors de la dernière présentation aux analystes financiers qui a eu lieu le 14 septembre dernier. Et j’avoue que n’ai pas été déçu du voyage. Je vais donc tenter de vous récapituler la vision de Microsoft pour son avenir en ligne, telle que je l’ai comprise.

Un discours qui marque une prise de conscience et une rupture.

Prise de conscience de l’échec que je vous ai décrit ci-dessus, et donc nécessité d’une rupture pour tenter de changer la donne en redonnant l’avantage à Microsoft. Plus facile à dire qu’à faire, comme nous allons le voir.

Donc, selon Qi Lu, le premier constat est que la rercherche n’est pour Microsoft qu’un moyen en vue d’une finalité autre (Search is a means to an end), et qu’ils veulent dépasser la simple logique qui consiste à juste chercher de l’info sur le Web (We want our product to go substantially beyond just finding information).

Pour développer leur stratégie gagnante de rupture, ils ont besoin d’un socle de fondation qui s’appuie sur trois principaux piliers :

  • l’innovation & la différenciation des produits (1st key driver) ;
  • les partenariats stratégiques, notamment avec Yahoo, Nokia et Facebook (2nd key driver) ;
  • les fonctionnalités des plateformes Microsoft (3rd key driver).

Et en prenant cette base pour départ, changer complètement la donne en introduisant une rupture dans la structure du Web pour chercher autrement et autre chose que ce qui se fait actuellement. Il ne s’agit plus de singer Google en surface, mais d’analyser la structure informationnelle profonde du Web :

Now, going forward, with the foundation that we have, what’s our strategy to win? How do we compete to win? To win in search we must break through, break through from where we are. And to break through we cannot just try to out-Google Google; we must change the game, change the game fundamentally.

En entendant ces mots, j’étais pressé de découvrir la suite : comment pourront-ils changer la donne, introduire une telle rupture ?

L’analyse que fait Qi Lu du Web est que la structure informationnelle actuelle est basée autour d’un graphe thématique (the baseline information structure for today’s web is a topical graph), sur lequel viendront se greffer trois autres graphes pour modifier la structure en profondeur :

1. le graphe social (cher à Facebook et à Google) ;

2. le graphe géospatial (notamment pour le mobile) ;

3. le graphe applicatif.

Il compare ça à des marées :

Three tidal waves causing deep structural changes:
1. First it’s social

2. Second is geospatial

3. Third is apps

En clair, à chaque fois que quelqu’un partage quelque chose sur le Web, il crée un nouveau lien digital dans lequel le graphe social rejoint le graphe thématique, où la recherche sociale n’est plus considérée comme remplaçante de la recherche algorithmique traditionnelle, mais plutôt comme partie intégrante de l’algorithme de recherche.

Quant au graphe géospatial, il part du principe que chaque endroit sur la terre a sa propre représentation digitale, comme s’il s’agissait de produire une copie numérique de notre planète ! (the industry movement of producing a digital copy of the planet, so that every location is digitally represented).

Une copie numérique qui ne s’arrête pas aux emplacements physiques mais représente tout : les êtres humains, les produits, les organisations, les concepts, les relations sociales, etc.

La troisième vague enfin, celle des applications, qu’ils osent désigner comme l’app-lification du Web (perso quand je lis app-lification ce ne sont pas les applications qui me viennent d’emblée à l’esprit, mais Apple…), étend l’interaction à tous les services et tous les dispositifs connectés et interconnectés, dans une nouvelle couche qui se mélange aux autres (comment ne pas penser à l’Internet des choses ?) et contribue à dépasser le modèle traditionnel d’interaction (mots clés, liens, etc.), trop limité et limitant, pour réorganiser différemment le Web :

That’s our vision. Our vision is to reorganize the web, to fundamentally make Bing a next-generation cloud gateway, to fundamentally enable, enrich, assist any human activities.

(…)

With a combination of the world of digital knowledge and the computational intelligence about user intent, we will be able to deliver a next generation of ad platforms, next generation of Bing platforms and leading towards the future of task completion experiences.

Évidemment je trouve cette vision particulièrement intéressante (eux au moins ont-ils une vision…), mais ils devraient également savoir qu’entre-temps Google ne se croise pas les doigts et qu’à Mountain View aussi, leur vision des évolutions à venir ne devrait pas être très différente de celle de Microsoft.

Donc il n’est pas dit que si rupture il y a dans notre façon de vivre le Web, cette rupture viendra forcément de Microsoft. Sur Internet Yahoo fut une rupture comme portail, Google comme moteur de recherche, Facebook comme réseau social, Twitter comme info en temps réel, Apple comme entreprise, etc., tandis que Microsoft a loupé le train de l’Internet dès la moitié des années 90, et depuis ils rament comme des malades pour tenter de récupérer le temps perdu. Pour autant, ils semblent encore loin de pouvoir rattraper les distances en dépit de leur immense force de frappe économique. Et de même qu’ils se sont plantés avec leur planification 10, 20, 30, 40, nous verrons si leur seule volonté de changer la donne suffira à concrétiser leurs ambitions. Personnellement, j’en doute…

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Par : Opera
13 commentaires
13 commentaires
  1. Pour ma part, je souhaite que Microsoft réussisse. Pas que je sois contre Google, mais il faut un acteur alternatif intéressant. Et même si le modèle Microsoft est payant dans son ensemble, j’aime cette entreprise. Qui malgré tout ce qu’on peut dire, à joué un grand rôle dans l’évolution de l’informatique. Et j’espère qu’elle continuera à le faire.

  2. Soli,

    Mon analyse n’est pas un jugement de valeur sur Microsoft, mais sur sa stratégie Internet. Mon point de départ est que Microsoft est probablement le seul concurrent sérieux pour affronter Google, mais jusqu’à présent leur stratégie n’a pas suffi. Les 30% de parts de recherche n’ont pas été conquis mais achetés (9 milliards $), et cela ce n’est pas une stratégie viable sur le long terme.
    Leur volonté de rupture est très intéressante, mais qui fait une rupture propose en général quelque chose que ne propose pas les autres.
    Or je ne vois rien dans la programmation annoncée que ne fasse aussi Google, et souvent avec davantage d’expertise que Microsoft.
    Donc moi aussi je souhaiterais que Microsoft réussisse, ne serait-ce que pour casser un monopole (qui aurait alors de fortes chances de devenir un duopole), mais souhaiter est une chose, et réussir dans la réalité une autre 🙂

  3. Certes, avec Microsoft, il faut relativiser, 9 milliards de dollars ne représentent pas même un trimestre de leur C.A.

    Le CA n’est pas la donnée intéressante ici, il aurait fallut comparer les pertes des services en ligne par rapport au résultat global (pertes ou bénéfices) de Microsoft.

  4. Bonjour

    Article intéressant (bien qu’il me fasse parfois froid dans le dos) mais sa conclusion me semble légèrement inexacte.

    Ceux qui vont créer un nouveau paradigme autour de la façon de percevoir internet, ne sont ni Microsoft, ni Google, ni même l’un des géants de l’informatique.

    La révolution viendra d’un “garage” ou deux “wiz-kid” vont trouver la formule magique pour faire comprendre ce paradigme au “grand public”. La loi de Schumpeter a souvent été appliquée dans ces conditions dans le monde de la haute technologie.

    Ce qui fait peur à Microsoft et Google, c’est bel et bien ce qui va être bricolé dans un “garage” et qu’ils n’auront pas vu venir….

  5. Interessant.
    Ne pas oublier que le procès anti trust qu’à subit Microsoft, l’image négative les ont scléroser ces 10 dernières années…ils n’en sortent que depuis quelques mois.

    Mais l’histoire est peut être en train de se répéter avec Google qui courre de plus en plus le risque de subir les foudres du DOJ….A moins que le DOJ conscient du mal que ça a affliger à Microsoft…ne ferme les yeux.

    D’un autre côté, MS est une boite qui crée des logiciels et de briques techno…pas une boite qui vend de la pub…

  6. Très bon billet; D’ailleurs pour s’en convaincre il suffit de voir leur usine à gaz pour la collaboration active avec Office 360 (sur le cloud) pour comprendre que la philosophie de Microsoft n’est pas totalement la bonne !
    Si l’on compare à la suite Google Docs moins puissantes en termes de fonctionnalités (quoi que)
    Reste les bonnes vielles recettes qui fonctionnent toujours pour MS pour des raisons historique (Compatibilité; Migration de parc…)
    Mais reste que Microsoft ne s’est pas y faire en terme de services WEB. (Déjà à l’epoque de Messenger en voulant absolument ne pas ouvrir leur protocole) On ne compte plus les innovations de la part de Google (ce qui est sommes toutes normal on the web) mais lorsque j’ai vu les erreurs grossières qu’ils ont fait avec le Office 360 je ne peut que me dire qu’ils sont en train de louper qqchose d’essentiel !
    CA S’APPEL LA SIMPLICITE DES USAGES ou dans notre jargon la user experience.

    Mais bon rien n’est fait avec la XBOX360 ils ont su démontrer qu’avec persévérance ils ont pu s’imposer en arrivant les bons derniers. Donc rien n’est perdu bien sûr mais y a encore bcp de travail !

    Un ancien adminsys 😉 Ex Microsoft ^^

  7. Erik,

    Ma conclusion n’est pas incompatible avec la loi de Schumpeter 🙂
    Je dis simplement : si rupture il y a dans notre façon de vivre le Web, elle ne viendra pas forcément de Microsoft (selon leur souhait), mais sans me prononcer pour autant sur qui en sera à l’origine…
    Microsoft a déjà produit une rupture avec l’informatique de bureau face à IBM qui n’a rien vu venir, mais n’a pas vu venir non plus la révolution Internet, avant de réaliser – trop tard – que la Web révolution était bien là, et pour durer.
    Il est rare qu’un acteur à l’origine d’une rupture dans un domaine, soit également à l’origine d’une autre dans un autre domaine. Et Ballmer n’est pas non plus Steve Jobs 😉

  8. Philippe, Webtik,

    Il est évident que Microsoft produit des logiciels et des briques techno à 360°, mais il reste un point de convergence naturelle entre ses ambitions pour Internet d’un côté, et le “cloud” de l’autre
    cf. http://www.silicon.fr/microsoft-presente-sa-strategie-de-rentree-61264.html
    Et s’il est vrai que Bing n’est qu’un moyen, pas une fin, à terme ce n’est pas un moyen viable sans gagner de l’argent avec la pub.
    Il suffit d’ailleurs d’écouter les discours de Ballmer et des autres dirigeants pour comprendre combien ils misent sur la pub. Et le fait d’avoir placé en 2007 la barre très haut (40% des parts de marché dans la pub), est un bon indicateur de l’importance que Microsoft donne à cette source de revenus.
    Donc pour eux réussir sur Internet est plus que jamais fondamental pour l’ensemble de leur stratégie et leurs autres produits.
    Mais évidemment, tout ça reste une telle usine à gaz que ça va à l’encontre du précepte “simplifiez la vie des utilisateurs”…

  9. microsoft ne peut plus reussir. pourquoi?
    parcequ’ils ne pensent qu’à eux et à leurs revenus.
    pour reussir, ils faut offrir un service de qualité à ses clients, en pensant d’abord aux choses que les clients veulent. et pas d’abord à combien on va pouvoir leur facturer.
    pour arriver à cette conclusion, il faut etre des geeks dans un garage, et avoir de la generosité, du coeur, le businees plan decoulant de ca.
    personnelement, je ne pardonnerais jamais à microsoft de nous avoir pris pour des cons autant d’années en distribuant des produits buggés, surbuggés, et qui comportent de telles failles de securité,(d’ailleurs on peut dire que ces failles ont etes disposées à l’intention de la nsa) , bref, ces gens ne sont absolument pas fiables, et de plus en plus d’utilisateurs, inconscients de ces données par le passé, en deviennent conscients.
    ils ont pechés, ils feront encore pire, ne les laissons pas continuer sur le web.

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