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Doubles virtuels: quand la psychiatrie s’inspire des Sims

Soigner grâce au virtuel, une chimère ? Plus tellement. Au Pôle Aquitain de l’Adolescent de Bordeaux, un pédopsychiatre a en effet élaboré une thérapie très efficace à destination d’adolescents souffrant de troubles comportementaux et alimentaires : la création de doubles numériques.

Soigner grâce au virtuel, une chimère ? Plus tellement. Au Pôle Aquitain de l’Adolescent de Bordeaux, un pédopsychiatre a en effet élaboré une thérapie très efficace à destination d’adolescents souffrant de troubles comportementaux et alimentaires : la création de doubles numériques.

Le Dr Pommereau déplorait l’efficacité limitée des entretiens psychologiques traditionnels, souvent ressentis comme longs et inconfortables par les jeunes patients, la plupart du temps incapables de verbaliser leur mal-être. “Que peuvent-ils dire de plus que Ma vie est pourrie, y’en a marre?” affirme le médecin. “Cette génération a tout à montrer mais rien à dire tant qu’il n’y a pas d’image pour support”. Le Dr Pommereau commence par tâtonner, propose aux adolescents de se dessiner, de se sculpter, de se peindre. Puis, inspiré par une de ses patientes adepte des Sims, l’idée d’une autre technique d’auto-représentation commence à germer dans son esprit: celle de l’avatar numérique.

Lors des sessions de soin, on demande en fait aux patients de se construire un avatar sur un ordinateur: ils choisissent la forme de leur visage, de leur nez et leurs sourcils, ainsi que la couleur de leurs cheveux, de leurs yeux et de leur peau. Ils peuvent même ajouter des tâches de rousseur, du maquillage, voire des tatouages et des piercings. Ce double virtuel sert de miroir, moins cruel que celui du monde réel, car les patients y construisent leur reflet et se modèlent à leur guise. Un rapport au corps différent finit par s’installer, la parole se libère. “L’effet de distance leur permet d’observer ce qu’ils donnent à voir d’eux-mêmes”, affirme le Dr Pommereau.


Une méthode comparable aux techniques projectives utilisées en marketing, dans le but de dépasser les blocages liés à la verbalisation directe de certains concepts (affects, valeurs, mort, sexe, famille…) lors d’entretiens avec des consommateurs. Concrètement, l’enquêteur demande aux participants de s’exprimer par l’intermédiaire d’un support de projection, ce qui les force à contourner un certain nombre d’écrans psychologiques, et à révéler des pensées latentes, cachées: une matière d’étude plus riche pour l’enquêteur. Plus riche également, donc, pour le psychiatre. Emilie, une patiente, l’a très bien compris : “En entretien, on sent bien qu’on est étudié, alors on reste évasif. On n’ose plus bouger ! Là c’est ludique, on sent moins le regard du psy”.

Le Dr Pommereau ne compte pas en rester là. L’étape suivante est prévue pour l’été 2012, lorsqu’un rétroprojecteur installé dans la salle commune du service permettra aux patients de voir évoluer leurs avatars dans un décor virtuel en fonction de leurs comportements dans le monde réel. Un serious game qui simulera certaines situations de la vie quotidienne par l’intermédiaire de ces avatars est également en cours d’élaboration.

Dans une société d’écrans si décriée, où tout n’est qu’image, une telle méthode curative est surprenante. Le Dr Pommereau l’a bien compris : la pédopsychiatrie doit s’adapter aux nouvelles générations, qui “disent davantage ce qu’ils sont et ce dont ils souffrent en images qu’en paroles”. Un bel exemple qui préfigure la place que le virtuel est amené à prendre dans nos sociétés, dans des domaines aussi cruciaux que l’éducation ou la médecine. “L’avatar permet aux personnes suicidaires de figurer les blessures qu’elles s’infligent sans savoir qu’elles sont le reflet de leurs blessures intérieures”, résume le psychiatre. Pour rappel, chaque année en France, 600 jeunes de moins de 25 ans se donnent la mort, à tel point que le suicide demeure à ce jour la deuxième cause de mortalité chez les 15-24 ans. Ces chiffres sont alarmants, d’autant plus qu’un rapport récent affirme que le nombre de suicides chez les enfants âgés de 5 à 12 ans est probablement sous estimé.

Pour plus de détails, je vous renvoie à la lecture du livre du Dr Pommereau, Nos ados.com : des pistes pour les suivre, disponible aux éditions Odile Jacob.

(source)

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Par : Opera
7 commentaires
7 commentaires
  1. Le suicide est un sujet souvent tabou, mais malheureusement, on peut comprendre qu’une personne fragile, laché de ses repères, craquent dans le monde actuel. Tout n’est pas tout noir, mais c’est clairement pas rose actuellement.
    Si cette méthode peut aider, tant mieux.
    Je pense néanmoins que le coeur du problème est ailleurs, dans notre idéologie de société.

  2. Décidément on dirait que le virtuel et le numérique sera un outil essentiel pour la médecine de demain.
    J’avais déjà entendu parlé que le numérique était plus accepté par les autisme que la réalité et que IBM prévoyait de créer un assistant virtuel pour le secteur médical.

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