J’ai bien peur que Clubhouse ne soit déjà mort

Aussi lointain que cela puisse paraître, Clubhouse a profité de WallStreetBets et de l’affaire GameStop pour pour se faire connaître. Le 1^er février dernier, Elon Musk publiait un tweet invitant sa communauté à le rejoindre sur la plateforme audio. De nombreux internautes ont découvert Clubhouse par ce biais, le temps d’une conversation avec le PDG de Robinhood répondant aux questions du patron de Tesla sur l’affaire de l’hypercroissance boursière influencée par les investisseurs particuliers.

Le concept de « Rooms », de conférences audio interactives et d’invitations est devenu populaire au point que Clubhouse a attiré l’attention d’autres réseaux sociaux. Le problème : au grand jamais un nouveau concept de plateforme sociale n’avait aussi rapidement été calqué et dupliqué. Plus rapide que les stories, le concept de Clubhouse existera bientôt chez Twitter, Facebook, Telegram, Seventh Ave et 28 autres startups qui se sont enregistrées sous cette verticale de plateforme audio sociale. Clubhouse est profondément copié, et peut-être déjà mort.

Croissance exponentielle

L’histoire s’inscrit dans un contexte exceptionnel. Les changements organisationnels provoqués par la crise sanitaire ont conduit à une évolution majeure sur la toile. L’avènement des visio-conférences a, par exemple, mis Skype de côté. En parallèle, son concurrent Zoom, bien plus jeune, a vu ses chiffres décoller. La situation sanitaire a aussi donné l’idée à Paul Davison et Rohan Seth, deux initiés de la Silicon Valley, de lancer Clubhouse en mars 2020, et de trouver un nouveau modèle aux réseaux sociaux.

Avant Elon Musk, l’application a commencé à recruter de nouveaux utilisateurs par l’organisation de débats en faveur du mouvement « Black Lives Matter », mais aussi par la présence de rappeurs comme Drake et Meek Mill, « venus commenter des beats en cours de composition », rapportait Le Monde dans un article en février. En seulement douze mois, et malgré une base technique limitée par sa seule présence sur iOS et son système de parrainage pour limiter le nombre d’ouvertures de compte, Clubhouse a été téléchargé plus de 8 millions de fois.

Le plus fou : le pic de croissance a eu lieu lors de la première quinzaine du mois de février dernier, selon les chiffres de la société d’analyste App Annie. Le passage de 3,5 millions de téléchargements le 1er février à 8,1 millions le 16 février dernier est sans équivoque. Les chiffres sont passés à plus de 20 millions de téléchargements selon le spécialiste Vajresh Balaji, mais déjà, en février l’application brillait par son adoption internationale : seulement 2,6 millions des téléchargements provenaient des États-Unis.

Plus rapide que les stories

Clubhouse, pourtant, est déjà victime d’une adoption massive de son modèle par la concurrence. De loin le plus rapide, le copiage de la plateforme dépasse la duplication du concept des « stories » de Snapchat sur Instagram, Facebook, Twitter ou encore LinkedIn et Spotify. En quelques semaines seulement, la plupart des médias sociaux ont annoncé l’arrivée d’une fonctionnalité équivalente.

Celle qui a fait couler le plus d’ancre s’appelle « Spaces », développée par Twitter. Le réseau social à l’oiseau bleu l’a déjà déployé à certains utilisateurs sous iOS en version bêta, et la direction annonce un déploiement global – y compris pour Android – au début du mois d’avril prochain. Plus récemment encore, ce lundi 23 mars, c’était au tour de la messagerie Telegram d’annoncer « Voice Chat 2.0 », un outil de discussion destiné à concurrencer Clubhouse.

En se présentant comme « le prochain TikTok », Clubhouse est copié y compris chez Facebook. Dans les colonnes du New York Times, une représentante du GAFA (sous anonymat) expliquait : « Nous avons connecté les gens à travers l’audio et la vidéo pendant plusieurs années et nous sommes toujours en exploration de nouvelles façons d’améliorer cette expérience pour les gens. »

Et si tout cela n’était pas suffisant, l’emprise des GAFA sur la concurrence et l’innovation se conjugue aussi avec l’émergence de pas moins de 33 acteurs au total sur le même créneau. Dans une étude très complète de Jeremiah Owyang, un analyste spécialisé dans l’industrie de la tech, il est recensé d’autres startups déjà lancées ou en cours de lancement. L’expert n’y intègre pas des plateformes comme Apple ou Spotify, mais s’interrogeait à raison sur la grande probabilité que ces plateformes viennent ajouter du contenu en direct pour améliorer encore leur modèle et attirer plus d’auditeurs.

Clubhouse a-t-il une chance de résister ?

Sans surprise, Jeremiah Owyang est convaincu qu’une consolidation du marché arrivera très vite. La course contre la montre est d’ores et déjà lancée pour les plateformes, et Clubhouse n’est toujours pas déployé sur Android.

À savoir si le concept des discussions audio comme celles des « Rooms » de Clubhouse sera adopté comme un réseau social à part entière pour les utilisateurs, ou si ce dernier finira seulement comme une fonctionnalité supplémentaire d’autres applications. Cela précisera la tournure des événements pour Clubhouse. Si Facebook, Twitter, Telegram et d’autres ajoutent le concept à leur application, alors les internautes ne trouveront peut-être plus d’intérêts à télécharger la copie originale.

Au centre du débat persiste le modèle de parrainage de Clubhouse, qui en fait l’originalité de l’application. Bien qu’il soit de l’ordre d’une régulation technique pour son bon fonctionnement face à sa croissance exponentielle de son nombre d’utilisateurs, il a fait naître un sentiment d’exclusivité à ses utilisateurs fiers de proposer des « invitations » à leurs camarades. En créant le sentiment d’être à la page, initié voire privilégié, cette régulation pourra peut-être ajouter du cran à Clubhouse et lui faire adopter une identité propre malgré son jeune âge.

personne peut m’envoyer une invitation clubhouse par pitié 😭😭😭

— BB.NF (@B30_007) March 21, 2021

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