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Comment susciter l’appétit de cinéma à l’heure d’internet et du tout gratuit ?

L’irruption du numérique permet à un nombre beaucoup plus important d’individus, non seulement d’avoir accès à la musique et au cinéma gratuitement, mais aussi de se faire créateurs, en dehors des circuits professionnels.

L’irruption du numérique permet à un nombre beaucoup plus important d’individus, non seulement d’avoir accès à la musique et au cinéma gratuitement, mais aussi de se faire créateurs, en dehors des circuits professionnels. L’afflux de production amène nécessairement les professionnels à réfléchir, à s’adapter et à avoir à l’esprit comment redonner envie de payer, comment monétiser son audience.

A l’heure de la surabondance des contenus, Gerd Leonhard, consultant en communication et medias, comparait la musique avec l’eau en bouteille. L’eau est disponible quasi gratuitement au robinet, mais le marché de l’eau embouteillée vend chaque année plus de 89 milliards de litres d’eau dans le monde. Leonhard souligne l’omniprésence de la musique. Le rapprochement est simple, alors que le peer to peer ou même les sites de streaming répondent à l’appétit du tout-tout de suite et que la numérisation a rendu toutes les œuvres duplicables  et gratuites pour une grande partie des internautes.

« pourquoi payer pour une bouteille d’eau quand celle-ci est disponible gratuitement au robinet ? »

La solution suggérée par l’auteur est l’engagement, la conversation, l’attractivité et la communauté. Ne vendons pas simplement de la musique, mais une expérience

L’expérience à la base des nouveaux modèles

Dans ce monde de plus en plus connecté dans lequel nous vivons, tout devient plus fluide, personnalisable et propice à une expérience. Nous l’avons vu précédemment aujourd’hui le public décide comment et quand ils souhaitent consommer les contenus…Le public baigné dans son nouvel environnement est prêt à vivre de nouvelles expériences et nous l’avons vu le terrain d’expérimentation est énorme.

Pourquoi participer à un film, acheter le merchandising ou le DVD, la réponse est dans la valeur ajoutée, le petit plus qualité, la possibilité de le télécharger en HD, de le voir en présence de l’équipe du film, de bénéficier des contenus transmédias pour plus d’interactivité… C’est cette valeur ajoutée qui donnera la valeur économique.

Vendre ce qui n’est pas copiable

Les majors de la musique ont une forte responsabilité sur ce qui s’est passé. Elles n’ont pas anticipé et accepté de modifier leur modèle économique basé sur la rétribution de la copie privée. La donne a changé, elles n’ont pas mesuré l’impact qu’a eu l’apparition de Napster, il y a 10 ans, qui a créé une nouvelle habitude de consommation et gravé dans les mentalités notamment des jeunes que les contenus étaient gratuits.

“Quand la copie se généralise, vous avez besoin de vendre des choses qui ne peuvent pas être copiées”,  Kevin Kelly (ex-rédacteur en chef de Wired)

Le souci du partage. Favoriser l’expérience

Ne l’oublions pas c’est essentiel la valeur repose sur la notion de désir. C’est le niveau de désir qui va influencer le montant de la valeur et donc notre envie de posséder / d’acquérir. C’est une valeur non quantifiable et personnelle et dépend de la situation actuelle de l’internaute. En passant de cette économie de la rareté où le support était au centre de l’échange à l’économie de l’abondance, où tout étant duplicable, c’est cette valeur ajoutée qui donne envie d’acheter. Cette révolution numérique n’a pas seulement bouleversé nos usages et nos habitudes, elle nous oblige du moins ceux qui souhaite diffuser et vendre sur internet à adopter un nouvel état d’esprit. Evidemment, tout est encore en évolution, les portes s’ouvrent et se referment aussi vite. Mais ce dont on peut se réjouir, c’est qu’il nous donne quelques pistes et nous permet de mieux comprendre cette nouvelle exigence : donner pour vendre…

El Cosmonauta offert gratuitement en HD sur internet

Nicolas Alcalà de la maison de production Riot Cinéma Collective est de ceux, qui pensent que l’on peut inventer une économie de partage, où l’on peut créer de la valeur dont pourront bénéficier les créateurs. Il n’hésite pas à dire que nous sommes dans le cinéma actuel à l’aube d’une révolution aussi importante qu’a pu être le son dans le cinéma. Les trois membres de Riot cinéma n’ont pas hésité à remettre en question le modèle de production et diffusion de leur film, le rebattement des cartes, cette fois en présence des internautes bouleversent la donne et la hiérarchie. Jusqu’à maintenant, nous avions transposé les modèles économiques traditionnels sur internet, il est nécessaire aujourd’hui d’inventer de nouveaux modèles économiques propres pour internet

Les membres de la maison de production Riot Cinéma Collective souhaitent diffusent leur film, comme ils les voient souvent gratuitement sur internet, tout en aimant aller au cinéma et en « sacralisant » ce moment pour y vivre une expérience (soit avec la technologie 3D ou avec l’apport du transmédia). Le long métrage de science fiction espagnol sera disponible dès le premier jour de sortie en téléchargement légal et gratuitement sur internet, appuyant sa sortie en salle et à la télévision. Le film dont la sortie est prévu début 2012 sera donc disponible en HD et sous licence Creative Commons sur internet, non seulement le long métrage mais toutes les données enregistrées pendant le tournage du film.

Derrière ce choix, la volonté est de permettre à l’usager ou le spectateur de choisir la manière dont il souhaite voir le film, de lui permettre de le télécharger, de le modifier, de le rééditer. Le pari est fait de laisser vivre le film, la créature n’appartiendra plus à son maître. Il est même prévu un concours pour récompenser les rééditions les plus originales.

En lançant le film gratuitement sur internet dès le premier jour, l’objectif n’est évidemment pas de défavoriser la sortie en salle ou à la télévision. Mais au contraire   de favoriser la création et le partage d’une expérience. L’autre pari est donc de se dire que plus de monde le verront gratuitement, plus de spectateurs seront prêts à le voir en salle d’une manière « augmentée », c’est à dire en bénéficiant ou en ayant bénéficié des apports du transmédia. Appelé ” The cosmonaut Expérience “, s’appuyant à la fois sur l’interaction ludique avec le public et la projection classique, elle offre au spectateur une vrai expérience supplémentaire. Ces projections ne se substitueront pas à la diffusion classique sur internet ou à la télévision, mais seront complémentaires.

Ils n’oublient tout de même pas que le retour sur investissement se fait sur l’exploitation en salle et avec les préventes à la télévision.

Iron Sky : plus qu’un film

On pourrait penser qu’il s’agit d’un cas exceptionnel, s’il n’y avait pas de l’autre côté de l’Europe, la sortie prochaine d’Iron Sky, coproduction finlandaise, allemande et australienne, qui s’appuie beaucoup aussi sur une communauté forte de fans (73 000 fans sur Facebook,  55 000 sur le site officiel d’Iron Sky), qui ont pu s’impliquer et rien que moins donner vie à leurs idées en partageant du contenu par le biais de Wreckamovie, une plate-forme collaborative de production de films.  Ils ont participé aussi comme pour le  projet espagnol au financement du film, par l’achat de produits dérivés. Ils ont pu ainsi collecté pour financer la production du film près d’un million d’euros. Là aussi, le projet Iron Sky ne se résume pas à un film. Ses producteurs s’appuient totalement sur le récit transmédia. Ils ont imaginé pour compléter leur univers narratif à l’humour grinçant un prologue en trois bandes dessinées, qui seront disponibles avant le film, ainsi qu’un roman graphique relatant toute l’histoire d’Iron Sky. Sans oublier l’outil incontournable de la stratégie transmédia, le jeu vidéo. (pour mieux connaître ce projet vraiment enthousiasmant, je vous invite à lire cet article complet du transmédia Lab ou d’aller évidemment sur le site du film.)

Créer l’événement autour de son film

En France, nous ne sommes pas en reste avec notre Vincent Moon national, réalisateur français qui utilise également beaucoup internet pour financer et diffuser son travail. (Efkterlang, petites planètes). Il appuie quant à lui sur un autre levier pour amener les gens à voir son travail. Le porteur du concept de la blogothèque, a construit un événement autour de la diffusion de son dernier film An Island. En s’inspirant tout simplement des concerts live où une alchimie et une rencontre se réalise parfois avec le public, il a organisé des séances privées de visionnage. Je vous rappelle le principe qui est somme toute assez simple, tout le monde pouvait organiser une projection du film à partir du moment, où celle-ci s’organisait dans un lieu pouvant accueillir au minimum 5 personnes et que l’entrée soit gratuite. Le choix du lieu était totalement ouvert, cela pouvait être chez soi, dans une bibliothèque, ou encore dans un bar. Ce film conceptuel du réalisateur Vincent Moon raconte l’aventure d’un groupe s’appelant Efterklang, qui va vivre sur une petite île du Danemark, afin de tourner un film de la même longueur que leur album.

L’ampleur des pratiques de partage et de création directe des œuvres en ligne montre que le public a déjà évolué vers une nouvelle forme de relation aux contenus et à la culture. Pour ce public multi connecté, si la possession devient moins importante, la personnalisation, le sur-mesure, jouent, eux, un rôle de plus en plus grand dans des expériences médias qui remplacent la simple consommation de contenus. L’information et les médias sont (sur)abondants, le contenu brut de l’information est devenu gratuite et peut difficilement être monétisé. Ils sont toujours plus avides d’expériences et veulent en avoir pour leur argent, il faut leur offrir de la valeur ajoutée. A nous de travailler dur sur la relation unique qui nous lie à eux pour conserver leur attention et bâtir une relation sur le long terme (une niche). Nous pouvons penser que plus cette relation sera forte, plus l’accès à du contenu sera facile, moins il y aura du piratage.

Sources :

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19 commentaires
19 commentaires
  1. On finira peut-être par nous mettre le Ciné gratuit, j’y crois.
    Par contre il aura été racheté par Google et nous servira sa Pub avant le début du film ,-)

  2. Article vraiment très intéressant. De nouveaux modèles sont à trouver, ou l’existant est à consolider. pas mal @Vince le coup de la pub google ! 🙂
    Mais c’est déjà le cas au cinéma.. on va dire que je suis râleur mais j’ai toujours détesté après avoir payé ma place 8 euros, m’installer dans le fauteuil rouge qui a vu passer plus de culs qu’une prostituée à 10 euros de barbesse, et me faire servir encore en plus de la pub avant le démarrage du film… hey les mecs, j’ai payé ma place !! j’aimerais qu’on foute mon inconscient tranquille… oui le principe de la pub est de marquer votre inconscient pour que la marque/produit proposé par la pub vous devienne familier, et ce qui nous est familier nous est agréable (notre inconscient fonctionne comme ça, on y peux rien)… c’est ce qui oriente nos choix derriere sur un produit ou un autre, en fonction du ressenti par rapport au message inconscient vehiculé par une marque… bref.. j’aime pas qu’on touche mon inconscient! 🙂

  3. Je trouve la reflexion très intéressante…il est temps que l’industrie du cinéma comme de la musique d’ailleurs se remette en question et trouve un autre modèle économique….
    Il est intéressant de parler de valeur ajoutée…je pense que l’industrie du cinéma doit comprendre que nous ne sommes pas des vaches à lait et que les consommateurs sont prêts à payer pour acheter quelque chose qui a de l’estime pour eux….même s’il peuvent le trouver gratuit ailleurs…

  4. merci pour cet article ,

    il faut quand même relativiser et j’ai la forte impression que ce problème est propre a l’europe et (en particulier la france et les pays nordique) qui est souvent la 5eme roue du carrosse a qui l’on fait payer le double pas seulement pour le cinema mais la musique, les jeux videos, l informatique etc…

    Pourquoi payer sa place si chère et dans des conditions médiocre (salles, équipement vétuste mal entretenu qualité de service médiocre etc… on est loin des belles salles US ou japonaise et même thailandaise ! un comble pour des pays mordernes ) et voir le film 6/8 mois après le reste de la planète ? (c’est exagérer mais a une certaine époque pas si lointaine c’était encore le cas) on va nous dire qu il faut organiser la localisation , la distribution, le merchandising tout ca mais a l heure d internet ou l’info est en temps réel le consommateur ne veut plus attendre surtout que de nos jours on peut avoir la VOD HD ou le BLURAY directement dans son salon pour a peine plus chère et souvent avant même la distribution au cinema .. sans parler du piratage ……

    Pour moi aller au cinema était un plaisir avant mais c’est devenu une véritable corvée en France (alors que c’est une vrai plaisir au japon ou même en thailande )

    Pendant plus de 10ans nous avons payé le prix des CD et DVD le double des US pour un même disque ou pire une édition basique au prix d un collector avec un beau packaging qui est évidemment passé en version import et qui coute le double du double … j’ai envie de LOL

    Le jeux videos est aussi un bel exemple vous payer 70E un jeu disponible avec des années de retards en PAL (génération 16bits) pour avoir une notice de 4pages en noirs et blanc quand a coté vous prenez l’édition originale avec une belle boite et une belle notice avec les artworks sublime originaux

    Aujourd’hui vous payez 70E pour un jeu disponible relativement vite mais toujours la notice de 4 pages en noir et blanc alors que juste a coté chez votre voisin (UK) il va payer 40E pour une edition deluxe ….

    l’industrie est deja au consciente qu’il faut vendre du contenu additionnel ou un service de qualité pour garder ses clients ( le japon est un très bon contre exemple : cinema très haut de gammes, packaging des cd ,dvd,br, jeux très soignés avec pleins de contenu/bonus donnant toujours envie de consommer plus et d acheter l’objet physique plus que le virtuel )

    L’industrie n’a juste pas envie d’investir plus sur certains marché ….

    C’est l’industrie elle même qui a coupé l’appétit du consommateur ……

  5. Merci pour vos coms, je ne crois pas au financement par la publicité..le cinéma doit continuer à être financé par ceux qui regardent les films. Du moins, Je ne suis pas favorable au film carrefour…Internet offre la possibilité d’avoir un modèle hybride, où l’on peut rassembler différents acteurs pour un but commun…et par rapport à la valeur ajoutée

    Un produit est ce que l’on acquiert, une expérience est ce qu’il en découle. Ce qui compte, ce qui a de la valeur, c’est la valorisation de cette acquisition. Les cours de Berkeley sont en ligne sur YouTube, mais les amphis sont pleins d’étudiants à 35 000 $ l’année. TED est gratuit online, mais la salle est pleine de gens qui ont payé 3000 $. Les Monty Python ont proposé toutes leurs oeuvres en HD sur YouTube et créé les conditions pour que ceux qui connaissaient le fasse connaître aux nouveaux venus, générant une augmentation de 23 000% des ventes. Apple ne vend pas des produits, il vend du plaisir à s’en servir. N’est-ce pas ?

  6. « pourquoi payer pour une bouteille d’eau quand celle-ci est disponible gratuitement au robinet ? » —> Et si on commençait par le début ?
    Pourquoi payer une pour une bouteille d’eau si tout le monde vous dit qu’elle est “dégeu”
    en d’autres termes : Pourquoi payer 9€ + 3€ de 3D + 4€ de pop corn pour voir un film pourri dont vous ne vous souviendrez pas dans 1 an ?

  7. Merci Nicolas pour cet excellent éclairage de pistes de devenir de certains environnents culturels qui se matérialisent. Aux modèles economiques vous pouvez ajouter le Live webTv en mode réseau social ou présentiel de proximité géolocalisé.

  8. Lol c’est fou le titre est presque identique à ma problématique de mémoire de fin d’étude écrit en 2009, qui développait en grand partie les thèses de Gerd Leonhard appliquées à la musique et au cinéma, et dire que ce mec pense ça depuis 2007… et fin 2011 l’industrie comment à peine à bouger et faire des choses un peu intéressantes.

    ceci dit , bon article 😉

  9. Le cinéma restera et survivra, meme avec le blu ray et le home cinéma. La preuve, les salles battent les records de semaines en semaine en terme de fréquentation.
    Et rien ne remplacera le rituel d’aller au cinéma, choisiri son siege, rire avec le reste de la salle, ou avoir peur dans une grande salle de cinéma noire…
    Malgré tout, la problématique est interessante.

  10. La réflexion est intéressante mais très utopique je trouve.
    Tout le monde n’a pas envie de participer à la création d’un film, ni même de le soutenir en achetant des produits dérivés… Le système décrit a de grosses limites : les petits films qui auront le malheur de n’avoir pas su fédérer avant leur sortie un large public de fans et les gros films à gros budgets pour lesquels toutes ces solutions ne seront pas suffisantes.

  11. Bonjour,
    L’idée est de montrer qu’il existe des alternatives…qu’internet offre un potentiel encore inexploité.
    Il ne s’agit pas de jeter le bébé avec l’eau du bain ( comme dit ma grand mère) ou faire une croix sur le modèle existant, mais de montrer que l’on peut encore inventer des nouveaux modèles économiques et que le tout répressif n’est pas la solution.
    Il n’y a plus de modèle unique…pour créer et s’émanciper cela va être de plus en aux professionnels du cinéma, s’ils souhaitent être libre de trouver leur propre modèle de production et de diffusion pour exister…
    Et évidemment la rencontre qu’offre la salle a encore de beaux jours devant elle..Merci bon dimanche

  12. déjà il faudrait baisser les tarifs. pour aller voir un film il faut débourser presque 10 euros pour les + 26 en région parisienne. dans les autres grandes ville aussi je suppose

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