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Comment l’Amérique s’apprête à porter un coup fatal à la neutralité du Net

Remise en question au mois de mars, la neutralité du net semble vivre ses dernières semaines aux Etats-Unis puisque sa fin devrait être actée en décembre, selon les informations de Reuters. Mais en fait, de quoi parle-t-on ?

La neutralité du net, c’est ce concept dont la naissance a été inhérente à celle du web : un principe selon lequel tout utilisateur doit avoir un accès garanti aux mêmes contenus web, et ce quelque soit son fournisseur d’accès. Concernant cette définition rapide, Le Monde Pixels précise aussi que cela évite les traitements de faveur et les discriminations. De cette façon, la neutralité garantit un accès à tous les contenus et un débit qui est le même pour tous, sans que l’utilisateur ait à payer plus cher. Pour préciser un peu plus, la doctrine permet que les données de chaque client soient traitées de manière identique, sans considération de leur origine ou destination. Bien que certaines entorses à la neutralité du net existent déjà, cette dernière permet de fixer les limites de base aux fournisseurs accès à Internet. Pour comprendre pourquoi le concept est remis en question actuellement aux Etats-Unis, il faut d’abord revenir en 2014.

Politique et neutralité du net

Barack Obama, président de l’époque prend position sur le sujet de la neutralité du net en novembre 2014, il s’exprime à cette occasion dans un communiqué en faisant savoir qu’il promeut un « Internet libre et ouvert » auprès de la FCC (pour Federal Communications Commission), le régulateur des communications américain. Bien que les prises de décisions reviennent à cette dernière, c’est la première fois que Barack Obama s’exprime de façon aussi tranchée sur le sujet. En février 2015, la FCC prend une décision marquante : l’Internet américain devient « bien public » de la même manière que le réseau téléphonique, c’est-à-dire que la Commission peut faire appliquer la neutralité du net sur tout le territoire. Cette étape décisive permet à cette dernière d’interdire aux FAI de bloquer des contenus, de ralentir ou d’accélérer certains flux de données ou encore de prioriser des contenus en échange d’un paiement. Dans un pays possédant une telle puissance, une telle décision est cruciale pour éviter les dérives et traiter toutes les données d’une façon similaire.

Seulement voilà, l’eau a coulé sous les ponts et le successeur d’Obama ne l’entend pas de la même oreille. Avant que Donald Trump ne soit élu, une partie du monde de la tech s’inquiétait déjà de son éventuelle arrivée au pouvoir. Dans une lettre signée par 150 personnes de la Silicon Valley ses détracteurs mentionnaient sa potentielle ascension comme « un désastre pour l’innovation ». Une appréhension finalement fondée puisque Trump a fait le choix de nommer lui-même le nouveau directeur de la FCC en avril 2017, soit environ trois mois après le début de son mandat. C’est donc un fervent opposant à la neutralité du net (et aussi ancien conseiller d’un opérateur américain) du nom de Ajit Pai qui s’est retrouvé à la tête de la Commission. Autant dire qu’une telle nomination a ouvert les hostilités entre opposants et défenseurs de ce principe de base du net.

Menace contre la neutralité

Maintenant à la tête de la FCC, Ajit Pai s’exprime donc en expliquant qu’il souhaite revenir « au système plus souple qui nous a si bien servi sous les administrations Clinton, Bush, et les six premières années de l’administration Obama ». Quelques mois après, la neutralité du net devient clairement menacée puisque le Sénat et la Chambre des Représentants signent une nouvelle résolution durant l’été 2017. Dans celle-ci, il est notifié que vendre les historiques web des clients aux fournisseurs d’accès internet pourrait devenir réalité. Cela concerne la vente des historiques de navigation, les historiques des applications et le temps passé sur chacun des supports. Jusqu’ici protégée par la loi votée sous la FCC lorsque Obama était encore président, la neutralité du net semble être à découvert. Selon les informations de Reuters, la décision sera actée d’ici quelques semaines, au mois de décembre.

Quelles conséquences à la fin de la neutralité du net ?

Si cette décision peut sembler relativement futile de prime abord, elle inclut des conséquences qui ne font pas rêver. C’est bien connu, les données des utilisateurs valent de l’or pour les entreprises telles que les fournisseurs d’accès internet. Cela permettrait aux sociétés de pouvoir affiner leur ciblage publicitaire afin de faire consommer plus, mais surtout, de vendre des données privées et personnelles. Si une partie de la population considère n’avoir « rien à cacher », nos confrères d’Usbek et Rica précisent dans un excellent article que cela n’est « pas une raison pour accepter la surveillance de masse ».

On peut faire le parallèle entre ce que vous faites sur le net et ce que vous faites dans votre maison. Si vous n’avez rien à cacher sur le net, en est-il de même avec ce que vous faites chez vous ? Pour continuer le parallèle, le fait que de telles données de navigations soient observées puis vendues revient à ce que quelqu’un vous regarde faire votre vie à la fenêtre de chez vous. Et même s’il ne fait rien d’autre que vous observer, pas sûr que vous acceptiez d’être ainsi exposé.

Selon une infographie de 2014, voilà à quoi pourrait ressembler la fin de la neutralité du net. Si l’on suit le raisonnement de celle-ci, les utilisateurs auraient à payer différents tarifs en fonction des sites visités, mais aussi de la vitesse de connexion qu’ils souhaitent. En somme, un fonctionnement du net déséquilibré et inégal entre les utilisateurs.

 

Outre les ventes de données personnelles et l’apparition d’un Internet à deux vitesses, l’arrêt de la neutralité du net aux Etats-Unis irait certainement de pair avec le dernier rapport de Freedom House. Selon les analyses récentes de l’ONG, la liberté sur le net est en baisse depuis l’an dernier. Freedom House a réalisé une carte interactive qui permet de savoir quelle note a été attribuée à chaque pays du monde, 0 étant la meilleure note et 100 la plus mauvaise. Les 3 principaux critères de notation ont été la violation des droits individuels, la limitation sur le contenu et les obstacles à l’accès. Pour se faire une idée, l’Islande explose les scores avec un résultats de 6 sur 100, là ou la Chine est à la première place des pays ayant le moins de libertés sur le web avec une note de 87 sur 100. Si la France semble avoir un bon score et est considérée comme un pays au net libre avec un résultat de 26, il faut néanmoins préciser que sa note est en baisse depuis les dernières années.

Freedom House précise aussi que les états ont joué un rôle énorme dans la baisse des libertés puisque 18 pays ont été impactés par la manipulation de leur réseaux sociaux. Ainsi plusieurs états ou associations ont utilisé des commentateurs privés, des trolls ou des bots, mais aussi des comptes automatisés ou des faux sites d’informations. Et autant dire que la Chine et la Russie ne sont pas les seuls pays accusés de pratiques d’influence à grande échelle.

 

La neutralité du web a vécu bien des péripéties aux Etats-Unis, mais malgré l’expression de ses fervents défenseurs, elle semble vivre ses derniers moments. Le temps nous dira si cette infographie s’avère vraie un jour et si, une fois de plus, les libertés sur le net seront en baisse l’an prochain.

Note d’Eric : si l’on considère que l’internet mobile fait partie du sujet (plus de 50% des internautes sont sur smartphone), alors la neutralité du Net n’existe déjà plus depuis longtemps en France, si tant est qu’elle ait jamais existé. Il suffit de voir les différents forfaits des opérateurs donnant droit à un nombre de Go et des bouquets de services différents pour s’en convaincre…

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Par : Opera
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