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Product Hunt : la levée de fonds qui défie toutes les lois du genre

L’histoire d’une startup atypique à l’audience confidentielle, créée en novembre 2013 par un jeune californien, et qui vient de lever 1 million de dollars.

Si vous vous intéressez quelque peu à l’économie numérique, et notamment à l’actualité des startups outre-Atlantique, normalement rien ne devrait plus vraiment vous étonner. Lorsque l’on a assisté ces dernières années en direct à des acquisitions comme celle d’Instagram (785 millions de dollars) ou de WhatsApp (19… milliards de dollars), on finit par être un peu blasé. Et je parle pas de Secret ou de SnapChat, valorisées à des montants qui donnent aussi le vertige. Et je n’oublie pas Yo, développée en une nuit, qui lève 1,2 million à peine publiée sur l’App Store… Easy money.

Des sommes qui peuvent paraitre phénoménales, irréelles, indécentes, ou tout simplement totalement injustifiées et impossibles à rentabiliser. Et bien sûr, dès qu’on évoque ces levées ou ces rachats, le spectre de la fameuse “bulle internet” n’est jamais très loin. Sauf que dans les cas récents, les valorisations des entreprises mentionnées ne sont peut-être pas aussi délirantes : il n’est jamais facile de lever de l’argent, et si les acquéreurs ont mis de telles sommes sur le tapis, c’est qu’ils savent qu’ils vont rentrer dans leurs sous, peut-être même plus vite que prévu. Mark Zuckerberg n’affirmait-il pas lui-même qu’à 19 milliard, WhatsApp était “une bonne affaire” ?

Car, même si tout cela peut paraitre un peu fou et totalement immatériel, ces entreprises possèdent plusieurs caractéristiques communes. Et ce sont précisément les caractéristiques qui aujourd’hui font saliver les investisseurs. Quelles sont-elles ? En substance, on peut énumérer les cinq principales, celles qui devront en théorie figurer en caractère gras dans tout Business Plan qui se respecte (pas forcément dans cet ordre) :

  • technologie innovante (et si possible unique et brevetée)
  • équipe (la qualité des hommes et leur capacité à se challenger pour faire avancer le projet)
  • barrière à l’entrée (difficile à reproduire rapidement)
  • base d’utilisateurs importante
  • forte croissance (ou perspective de croissance) et potentiel viral/social (ou traction)

A ces 5 critères on peut évidemment en ajouter d’autres en guise de bonus, comme le fait qu’il s’agisse d’une application mobile et qu’elle soit utile, ou mieux, indispensable au quotidien (la notion d’utilité étant très relative, hein). Vous noterez que sauf cas exceptionnel, on ne parle presque jamais de chiffre d’affaire. D’ailleurs, Instagram valait 785 millions alors que l’app ne rapportait pas un kopek. Et ouais les amis, c’est la Silicon Valley, oubliez tous vos métriques habituels.

Le petit site qui vaut de l’or

Toute cette digression pour arriver au sujet du jour, le genre d’histoire qui fait dire qu’il y a encore de la place pour des projets… qui ne satisfont aucun des critères susnommés. Je veux parler d’un petit truc très sympa, minimaliste et s’adressant à une niche, qui est tranquillement en train de faire son chemin (et le buzz) entre San Francisco et San Jose : Product Hunt.

Ça ne vous dit rien ? Normal, c’est encore plutôt confidentiel. Product Hunt est un site tout simple – mais formidablement bien réalisé – qui a pour vocation de lister quotidiennement tout ce qui sort en matière de startups, de services web et mobiles, d’applications, de jeux, de scripts, d’applications mobiles, d’objets connectés, bref tous ce que peut produire le bouillonnant écosystème numérique dans la Silicon Valley, mais aussi ailleurs. C’est tout ? Oui, c’est tout. Enfin, presque.

Car ce qui pourrait de prime abord ressembler à une sorte de Digg nouvelle génération, avec le contenu poussé par les utilisateurs, les liens directs vers les “produits”, un système de vote (uniquement positif), des commentaires et des profils utilisateurs, est un peu plus que cela. Son créateur, Ryan Hoover, 28 ans, basé à San Francisco, explique à TechCrunch qu’il ne s’est pas réveillé un matin avec l’idée du siècle, mais qu’elle est venue peu à peu de conversations qu’il avait avec des amis et des entrepreneurs de la Silicon Valley. “Nous parlions souvent de nouveaux produits, ce sont des discussions courantes près de la fontaine à eau dans la Vallée, mais je ne trouvais nulle part sur le web ou discuter de ces nouveaux produits”.

Hoover a donc l’idée toute simple de créer non pas un site web, non pas une app mobile, mais d’utiliser tout simplement ce bon vieux truc qui décidément ne veut pas se décider mourir : l’email. Comme Craigslist à ses débuts. En vingt minutes il crée une liste de diffusion avec Linky Dink, un service en ligne de partage de liens par email. Il commence à réunir des liens vers des produits et les partage avec une sélection d’amis branchés sur les mêmes sujets : principalement des geeks et des early adopters, connectés quasiment 24/7 les doigts dans la prise de l’innovation dans la Vallée. Une fois cette première base de qualité établie et active, Hoover se fait aider par un ami, qui à l’occasion de vacances pour Thanksgiving, alors qu’il “s’ennuie chez ses parents”, code en quelques jours le site, celui qui allait devenir Product Hunt, assez nettement inspiré de Hacker News et de Reddit dans l’esprit, en plus graphique.

La base d’utilisateurs grossit rapidement, et six mois après son lancement en novembre 2013, Ryan Hoover revendique officiellement dans des chiffres transmis à Forbes quelque 31.000 abonnés à sa newsletter quotidienne par email, et 150.000 visiteurs uniques.

Une levée de 1 million de dollars 6 mois après sa création

Ah bon, que ça, me direz-vous ? Oui, que ça. Certes, nous sommes très très loin de la croissance météorique d’un site comme Upworthy (qui est passé de 0 à 50 millions de visiteurs uniques en 18 mois), mais c’est cela qui rend l’histoire de Product Hunt intéressante et attachante : comme je l’indiquais en préambule, nous sommes aux antipodes des standards et métriques habituels dans ce domaine. Ce qui n’a pas empêché Product Hunt de lever… 1 million de dollars la semaine dernière, avec dans le tour de table des investisseurs plutôt prestigieux, regroupant des pointures comme Google, Y Combinator, et plusieurs grands noms de la Silicon Valley et autres people, comme par exemple l’incontournable Ashton Kutcher.

Alors, qu’est-ce qui rend ce “simple site” aussi attractif ? Aucun des critères mentionnés précédemment. Récapitulons :

  • technologie innovante (et si possible unique et brevetée) ? Non. Rien de plus simple que reproduire un Product Hunt like, d’ailleurs ça a déjà commencé.
  • équipe (la qualité des hommes et leur capacité à se challenger pour faire avancer le projet) ? Non. Product Hunt n’a pas d’équipe, c’est le projet d’un homme seul.
  • barrière à l’entrée (difficile à reproduire rapidement) : Non, voir point n°1.
  • base d’utilisateurs importante : Non. 31.000 abonnés à une mailing-list et 150.000 visiteurs uniques mensuels ce sont à peu près les chiffres de n’importe-quel blog francophone moyen.
  • forte croissance (ou perspective de croissance) et potentiel viral/social (ou traction) : Non, en tout cas pas pour le moment.

Une valorisation atypique fondée sur l’influence

Alors, alors ? Alors Ryan Hoover a d’abord pensé à réunir une communauté de qualité, autant chez ceux qui postent que chez ceux qui lisent. C’est donc le pari d’un certain élitisme contre celui du très grand public. Et c’est probablement ce qui confère sa valeur au site. Savoir que toutes les huiles du Web, du patron de Google aux plus fortunés investisseurs, vous lisent chaque matin en arrosant leurs pancakes de sirop d’érable, et que le site est devenu LA source pour tous ceux qui veulent rester en prise directe avec l’innovation, que ce soit pour investir, acquérir ou simplement s’informer, semble valoir de l’or. C’est aussi une question d’influence, la fameuse influence. La preuve : selon certaines sources, un lien posté sur Product Hunt apporte plus de trafic que le même lien posté sur TechCrunch, alors que le premier rassemble une audience sûrement 10 à 50 fois inférieure au second…

D’autant que Ryan Hoover a quelques projets pour la suite, comme décliner le concept dans des “Product Hunt verticaux” sur d’autres thématiques : on parle de jeu vidéo, et pourquoi pas un truc sur la mode.

En fait, Hoover n’a rien inventé, sauf l’essentiel : créer un format pas si nouveau mais parfaitement adapté à l’air du temps, et déclinable dans de multiples entités. C’est peut-être là son coup de génie.

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Par : Opera
3 commentaires
3 commentaires
  1. A mon avis, le succès d’un produit, et ce peu importe la marque et l’origine, réside toujours dans l’esprit ambitieux et créatif du manager. Et c’est là que découle toute la réussite d’un projet. Ce n’est jamais le résultat du hasard, c’est le fruit d’un plan d’attaque bien défini au préalable.

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