C’est un bien triste record. La semaine dernière, la Californie a enregistré la mort de 547 personnes par jour en moyenne, toutes emportées par le Covid-19. Dans ces circonstances, on peine à comprendre la décision prise le 25 janvier dernier par le gouverneur démocrate de l’État, Gavin Newsom. Il a annoncé l’arrêt des mesures de confinement et relancé de nombreux pans de l’activité économique. Les habitants peuvent ainsi retrouver certaines joies du monde d’avant avec une réouverture des terrasses de restaurants, des coiffeurs, ou encore des salles de sport.
Pour mieux appréhender cet empressement, il faut savoir que Gavin Newsom fait face depuis juin dernier à une procédure de “recall”. Concrètement, il pourrait être révoqué avec à la clé des élections anticipées. Au départ, la campagne qui le vise n’était pas forcément prise au sérieux. Contre toute attente, elle pourrait toutefois être couronnée de succès. Ainsi, les leaders de Rescue California (Sauver la Californie, ndlr), le groupe qui le vise, ont annoncé avoir récolté 1,2 million de signatures sur les 1,5 million nécessaires pour amorcer le processus.
Si la plupart des sympathisants de ce mouvement sont des républicains et des fans de Donald Trump, la présence d’investisseurs bien connus de la Silicon Valley a de quoi surprendre. Dans ce combat, ces derniers sont rejoints par des militants complotistes anti-masques, ou adeptes de QAnon. Retour sur une initiative qui illustre les tensions en cours dans le berceau de la Tech américaine.
Une crise de confiance au sein de la Silicon Valley ?
La baie de San Francisco, qui abrite les sièges de Google, Facebook et Apple, a une réputation très progressiste. Si les démocrates obtiennent l’écrasante majorité des dons des employés et des dirigeants de la Tech, cela n’empêche pas certains patrons conservateurs de s’organiser. Vox revient sur le cas de ces figures de premier plan qui soutiennent publiquement la campagne de “recall” du gouverneur.
Douglas Leone, un fervent supporter de Donald Trump, et sa femme ont notamment fait un don de 100 000 dollars à l’organisation Rescue California. Dixon Doll, un autre donateur conservateur connu, a également fait un chèque de 100 000 dollars.
De manière bien plus surprenante, David Sacks, un investisseur qui avait publiquement soutenu Gavin Newsom lors de son élection, n’a pas hésité à débourser la somme de 25 000 dollars pour aider à sa révocation. Enfin, Chamath Palihapitiya, un ancien de chez Facebook et connu comme un des plus importants donateurs démocrates, a déclaré qu’il soutenait cet effort.
Très engagé, il a même décidé de présenter sa candidature pour le poste de gouverneur dans l’éventualité où Gavin Newsom serait révoqué. Sur son site de campagne, on peut lire le slogan : « La Californie est un gâchis – cela nous coûte trop cher, nos enseignants sont sous-payés et nos écoles ne sont pas assez bonnes. » Il émet d’ailleurs une proposition choc : « Nous pouvons réduire les impôts de 16% à 0% et stimuler la croissance, ce qui augmentera les revenus de l’État de 150 à 300 milliards de dollars. »
Ce thème de la fiscalité semble justement le point de discorde entre certains dirigeants de la Silicon Valley et les autorités de l’État. Sans parler d’hémorragie, CNBC a listé les départs emblématiques qu’a connu la Californie en 2020. Oracle, Palantir, ou encore Hewlett-Packard ont installé leur siège social hors du Golden State. Des déménagements de grandes fortunes telles que Larry Emmison, Drew Houston, ou encore Elon Musk, devenu entre temps l’homme le plus riche du monde, ont aussi retenu l’attention. Ce dernier est désormais domicilié au Texas. Il reproche entre autre à la Californie ses trop nombreuses régulations. Avec ce déménagement, l’entrepreneur pourrait économiser des milliards de dollars d’impôts, souligne le média américain.
Militants QAnon et Proud Boys à la rescousse
Avec ces nombreuses critiques, il ne faudrait pas pour autant penser que toute la Silicon Valley s’est détournée du parti démocrate. Vox rappelle à cet égard que la campagne de Gavin Newsom avait été financée par l’ancienne PDG de Yahoo Marissa Mayer, la philanthrope milliardaire Laurene Powell Jobs et même l’allié de Trump et le capital-risqueur Peter Thiel.
Le dirigeant a par ailleurs fait adopter des mesures emblématiques qui séduisent ses soutiens progressistes, par exemple en faveur de la lutte contre le changement climatique ou le contrôle des armes à feu.
Dans ce combat majeur pour la destitution du gouverneur, ces élites de la Silicon Valley sont rejoints par des citoyens ordinaires et d’autres un peu plus problématiques. Le Los Angeles Times a enquêté sur ces éléments radicaux qui s’avèrent très précieux pour le recueil des signatures. Ils ont répertorié parmi eux des sympathisants de QAnon, des militants anti-masques et vaccins, et des groupes d’extrême droite américains tels que les Proud Boys.
Dans la foulée de l’invasion violente survenue au Capitole le 6 janvier dernier, ces soutiens sont devenus très embarrassants pour les leaders de la campagne. Ils expliquent que ces éléments ne sont pas représentatifs du mouvement, mais selon le quotidien, ils n’ont pas l’intention de les écarter, tant leur implication s’avère utile.
Ces groupes rejettent les mesures sanitaires déclenchées par Gavin Newsom pour contrer la pandémie de Covid-19. Très présents sur le terrain et dans la rue, à travers des actions spectaculaires, ils œuvrent aussi beaucoup sur les grands réseaux sociaux.
Certains débordements ont d’ailleurs été repérés sur les pages Facebook d’une organisation en faveur du recall. Des messages, de QAnon ont été partagés, tandis que d’autres comparaient le gouverneur à Adolf Hitler et faisaient une analogie entre les décisions du démocrate et la monté en puissance du Troisième Reich.
Si les efforts de cette opposition très hétéroclite à Gavin Newsom étaient couronnés de succès, une nouvelle élection pourrait se tenir dans l’année. Nul doute alors que les tensions relevées dans le cadre de cette initiative n’en seraient que plus accentuées. Jadis montré en exemple, le rêve californien laisserait alors place à un vrai désenchantement.
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