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Cette startup franchit une ligne rouge en modifiant le climat

Une startup américaine, Make Sunsets, affirme avoir opéré des lâchers de particules fines dans l’atmosphère depuis le Mexique – dans l’espoir de modifier le climat.

Alors que l’objectif de limiter le réchauffement climatique sous les 2°C (ne parlons même pas des 1,5°C des Accords de Paris…) d’ici 2050 paraît compliqué par des conflits, comme la guerre en Ukraine, qui bouleverse le marché de l’énergie, les barrières psychologiques autour de la géoingénierie climatique (autrement dit la recherche de méthodes pour modifier et contrôler directement le climat) tombent petit à petit.

Toutefois la récente annonce de la startup américaine Make Sunsets risque de provoquer une vraie levée de boucliers. Alors que la situation stimule les alternatives aux économies d’énergie comme la capture directe de CO2 dans l’atmosphère, Make Sunset veut capitaliser (car il est bien question de monétiser ses services) sur la modification directe du climat via des lâchers d’aérosols dans les couches hautes de l’atmosphère.

Contrôler le climat avec des particules de dioxyde de soufre dans l’atmosphère : la théorie

Cette méthode de géoingénierie a été conceptualisée au début des années 1990. Après l’éruption du volcan Pinatubo en 1991, dont le panache de particules s’est dispersé dans la stratosphère, les scientifiques ont constaté que la température moyenne sur Terre avait baissé. Selon les données disponibles, la baisse constatée au cours de l’année 1992-1993 était de 0,4°C en moyenne sur tout le globe.

Dans l’hémisphère Nord les températures au sol constatées étaient entre 0,5°C et 0,6°C inférieures à la normale dans les deux années qui ont suivi. Il faut dire que l’éruption du Pinatubo en 1991 est l’une des éruptions les plus majeures du XXe siècle. L’éruption soudaine après 500 ans de sommeil s’est étalée de juin 1991 au 2 septembre suivant.

Plus de 10 km3 de matériaux ont été éjectés du volcan dans ce relativement court intervalle, dont une grande partie de particules ou aérosols qui ont atteint la stratosphère. De ces matériaux on sait qu’une grande partie était en fait du dioxyde de soufre. Celui-ci réagit avec l’eau pour former des aérosols d’acide sulfurique – ce sont eux qui ont atteint la stratosphère puis se sont répandus tout autour de la planète dans l’année qui a suivi.

Or l’acide sulfurique réfléchit le rayonnement solaire. Ce qui a diminué la quantité de lumière au sol de l’ordre de 10 % dans l’hémisphère Nord. L’effet a duré pendant deux ans après l’éruption, puis les particules elles, ont continué à se disperser et à retomber un peu partout sur Terre sur une durée de trois ans depuis le début de l’éruption.

Des conséquences encore difficiles à prévoir

C’est dans ce contexte que le météorologue Paul Crutzen propose en 1991 d’imiter les volcans en menant des lâchers massifs, volontaires, de dioxyde de soufre pour abaisser la température moyenne sur Terre et ainsi limiter les effets des émissions de CO2 tout en enrayant le réchauffement climatique. Le problème, c’est que la baisse des températures n’a pas été la seule chose qui a suivi l’éruption du Pinatubo.

On pense entre autres que le temps pluvieux sur l’Amérique du Nord en 1992 et les fortes inondation dans Midwest américain en 1993 sont eux aussi liés à ces aérosols. Les poussières volcaniques ensemencent en effet les nuages par le phénomène de nucléation pouvant provoquer des hausses de précipitations. Plus grave : le taux de destruction de la couch d’ozone aurait été accéléré par les conséquences de cette éruption.

C’est pourquoi la communauté scientifique garde jusqu’à ce jour de fortes réserves contre l’expérimentation autour de ces techniques aux effets potentiellement imprévisibles. D’autant qu’il reste possible encore de limiter les dégâts en changeant nos comportements et que quel que soient le suites à donner à la lutte contre le réchauffement climatique, les changements de comportements sont et restent indispensables.

Reste que comme le pointait déjà à l’époque Paul Crutzen, cette technique de géoingénierie est potentiellement l’une des méthodes les plus économiques et sûres pour modifier le climat. Mais surtout en l’absence d’autres solutions, et si les efforts pour réduire les émissions échouent dans un monde grippé par les conflits…

La méthode de Make Sunset interroge et choque

Make Sunset n’a toutefois visiblement cure de ces réserves et a décidé de lâcher dès maintenant des particules dans la stratosphère depuis le Mexique. Ils ont pour cela utilisé de simples ballons météo. Heureusement, il ne s’agit, on vous le disait, que de deux petits lâchers – l’effet de ces derniers sera donc quasi-inexistant, même très localement, en raison des quantités de matériaux impliquées.

Mais en fonction des aérosols utilisés, l’altitude de dispersion et des vents, il est toutefois possible que ces lâchers provoquent à terme localement une légère pollution plus ou moins localisée. Make Sunsets base son modèle économique sur le concept de “crédits de refroidissement”, sur le modèle des crédits carbone.

Avec les sommes récoltées Make Sunset compte réaliser des lâchers de plus en plus massifs. On ne sait toutefois pas quel crédit il faut donner à l’initiative de Make Sunset à ce stade, ni ses chances de succès. Il semble toutefois qu’en parallèle, l’intention des responsables de Make Sunset soit justement d’interpeller le public et convaincre plus de monde de faire tomber les réserves autour de ce type de géoingénierie.

Comme le rappelle Janos Pasztor, du Carnegie Climate Governance Initiative cité par MIT Technology Review : “l’état actuel de nos connaissances ne suffit pas encore… que ce soit pour rejeter, ou pour accepter ce genre de techniques… sans parler de son implémentation à ce stade” qu’il décrit comme une “mauvaise idée” comparable à l’utilisation de CRISPR pour modifier l’ADN d’embryons humains.

Les données scientifiques des lâchers, aux abonnés absents

D’autres scientifiques craignent que l’initiative de la startup ne créée de la méfiance et ne réduise le financement des recherches sur le sujet – qui pourraient quand même s’avérer utiles, avec davantage de connaissances, un cadre et des garanties…

Sans compter le risque que de parfaits “noobs” du climat ne finissent par imiter la startup ailleurs dans le monde, et ne commencent à multiplier les lâchers “sauvages” en suivant l’exemple de Make Sunsets. Dans le détail, les premiers lancers de Make Sunsets sont décrits comme deux lâchers assez rudimentaires, quasi symboliques, sans la moindre autorisation des autorités mexicaines.

L’équipe a simplement lâché les ballons en espérant qu’ils explosent à la bonne altitude. Néanmoins l’approche de Make Sunset révèle aussi un manque consternant de méthodologie scientifique. La startup est incapable de confirmer que l’explosion des ballons s’est bien déroulée à l’altitude prévue. De même, on ne sait pas où sont retombés les restes des ballons. Aucun équipement ne collectait en effet la moindre donnée que ce soit à bord des ballons ou au sol…

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5 commentaires
5 commentaires
  1. Je vais me permettre de rappeler que les pluies acides dévastatrices pour les écosystèmes observées dans les années 80 étaient liées à un excès de dioxyde de soufre, provenant des carburants de voiture. La quantité de dioxyde de l’époque était faible par rapport à la quantité qu’il faudrait injecter dans l’atmosphère pour mitiger le changement climatique actuel.

    D’autre part, provoquer un refroidissement par ce moyen réduit la quantité d’ensoleillement reçue au niveau du sol, donc la photosynthèse (et donc les productions vivrières, et la capture de carbone par les forêts).

    Enfin, un des problèmes du réchauffement climatique est sa vitesse (c’est pas la même chose de prendre +4°C en 100 ans qu’en 10000 ans comme à la dernière déglaciation). Si on maintient le climat frais à base d’aérosols avec une durée de vie dans l’atmosphère de 2 ans, on ne peut pas s’arrêter d’en envoyer en continu. Supposons qu’un jour il faille arrêter pour cause de manque de budget, de problème d’accès au soufre, ou parce qu’on se rend compte que les conséquences des pluies acides sont vraiment trop néfastes, on se prend les +4°C en 2 ans… Cela serait dévastateur.

    1. Le changement climatique est la conséquence d une manipulation constante par des techniques de geo-ingénierie.
      La terre a un pouvoir de régénération incalculable, tellement les paramètres sont nombreux, mais il n est pas compliqué de constater l idiotie de la classe “intellectuelle”.
      Tout est fait pour ralentir les cycles.
      Le CO2 est un faux problème, qui servira bientôt de nouveaux capitalistes eugenistes.

  2. “Le CO2 est un faux problème” ? Comment il faut comprendre ?

    En tout, c’est un effet de réduction, c’est-à-dire couvrir un problème par un autre et ainsi de suite. Ici, c’est comme si qqn s’est coupé un bras en hémorragie, et le docteur disait qu’il faut lui injecter du sang sans fermer la coupure.

    En conclusion, c’est stupide ! Ça sent encore de la magouille pour tirer de l’argent publique et des fonds de recherches.

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