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Comment Netflix utilise la donnée pour façonner des programmes que vous allez aimer

Netflix est un service de divertissement qui a rendu les séries indispensables à nos vies. Mais c’est aussi (et surtout ?) une redoutable machine à analyser et exploiter la data.

Cet article est adapté d’une étude de Claire D. Costa de Digitalogy, avec son autorisation.

Il fut un temps où les analystes considéraient que le vrai métier de Netflix était celui de négociant en droits audiovisuels. Mais c’est au final beaucoup plus que cela, et c’est surtout différent. Netflix est une véritable entreprise technologique, une data-company qui transforme l’analyse des données de ses abonnés en or massif.

La data science permet d’obtenir une image plus réaliste des goûts de vos consommateurs sous la forme de graphiques et de tableaux qui utilisent de multiples mesures. Cet élément d’information crucial aide à façonner des produits et services de manière à ce qu’ils paraissent uniques aux clients, c’est l’hyper-personnalisation.

L’entreprise de Los Gatos a en effet accumulé au fil du temps – et continue à le faire avec toujours plus de précision – tout ce qu’elle peut savoir sur ses abonnés, comme leur âge, leur sexe, leur lieu de résidence, leurs goûts en matière de médias, pour n’en citer que quelques-unes. En rassemblant des informations à travers chaque interaction avec le client, Netflix peut plonger directement dans l’esprit de ses spectateurs et avoir une idée de ce qu’ils pourraient avoir envie de regarder ensuite, avant même qu’ils ne terminent une émission ou un film. C’est une autre version de l’économie de l’attention, chère aux GAFA comme Facebook et Google, qui consiste à vous retenir le plus longtemps possible sur leurs plateformes afin de transformer ce temps en argent pour les annonceurs.

Mais curieusement, Netflix – créée en 1998, et qui était au départ une petite compagnie spécialisée dans la location de DVD en VPC – est très rarement mentionné de façon négative parmi les entreprises qui exploitent nos données. Pourquoi ? Pour une raison simple : comme il n’y a pas de publicité sur Netflix, nous supposons – et acceptons – que la plateforme utilise celles-ci dans un but vertueux, à savoir nous proposer des programmes toujours meilleurs, et toujours plus adaptés à nos goûts. De fait, sur ce point précis, Netflix fonctionne un peu comme Apple : rien n’est gratuit, mais en contrepartie ce n’est pas vous le produit.

Quelques éléments concernant Netflix

  • Malgré une concurrence accrue, Netflix compte toujours le plus grand nombre d’abonnés en 2020
  • 155 millions d’adultes dans le monde ont un abonnement à Netflix
  • L’entreprise est plus ancienne que la plupart des utilisateurs ne le pensent
  • 41% des utilisateurs de Netflix regardent sans payer grâce au partage de mot de passe et de compte
  • Netflix a été l’un des premiers services de streaming disponibles sous forme d’application sur différents appareils

Netflix a une base d’utilisateurs massive de plus de 155 millions d’abonnés, dont 15 millions supplémentaires depuis le début de la crise du coronavirus, et perfectionne chaque jours ses algorithmes pour mieux nous connaitre. Voici par exemple ce que la plateforme de VOD sait de nous :

  • Les recherches sur la plate-forme
  • Quel jour vous regardez le contenu
  • À quelle heure regardez-vous le contenu
  • L’appareil sur lequel le contenu a été regardé
  • La nature du contenu visionné
  • Les portions de contenu qui ont été revues
  • Si (et probablement où et à quel moment) le contenu a été mis en pause, rembobiné ou avancé rapidement
  • Les données de localisation de l’utilisateur
  • Lorsque vous quittez un programme
  • Les notes données par les utilisateurs
  • Le comportement de navigation et de défilement

Il est à noter cependant que certaines données sont probablement quelque peu faussées par des comportements involontaires générés par les dysfonctionnements de l’application. Il n’est pas rare en effet de devoir reprendre un programme à cause d’une coupure de connexion, ou du fait que la fonction qui permet de caster à partir de son téléphone est parfoit particulièrement capricieuse.

Au fil du temps, Netflix a déployé plusieurs algorithmes et mécanismes qui utilisent ces données et génèrent des informations critiques qui aident à orienter l’entreprise dans la bonne direction. Voici quelques-uns de ces outils et fonctionnalités :

Le moteur de recommandation en temps quasi réel

Avec une masse d’utilisateurs, chacun génère des centaines d’évaluations par jour en fonction de ce qu’il regarde, recherche et ajoute à sa liste de surveillance, ces données devenant finalement une partie de la Big Data récoltée par la plateforme. Netflix stocke toutes ces informations et, à l’aide d’algorithmes clés d’apprentissage machine, il construit un modèle dessinant une carte des goûts du spectateur. Ce modèle peut ne jamais correspondre à celui d’un autre spectateur, car les goûts de chacun sont uniques.

Sur la base des évaluations, Netflix classe ses médias et suggère au téléspectateur ce que le système de recommandation pense qu’il pourrait aimer regarder ensuite. De fait, Netflix saura tout, comme si cette personne a regardé cinq minutes d’une émission et qu’elle s’est ensuite arrêtée, et en déduire l’heure de la journée où elle va se reconnecter, en se basant sur son historique.

La sélection de vignettes présentant les programmes

Une affiche de film est comme la couverture d’un bouquin ou la une d’un journal : c’est ce qui va vous donner envie de regarder. Netflix pousse aussi l’utilisation de l’intelligence artificielle dans ses confins les plus subtils afin d’optimiser ces affiches, qui sont en l’occurrence plutôt des vignettes. Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi Netflix montre plusieurs vignettes différentes pour un seul et même programme ? La réponse est fascinante.

L’outil qui se cache derrière cela s’appelle AVA, qui est essentiellement un algorithme qui sélectionne quelles vignettes montrer à qui. Abréviation de Aesthetics Visual Analysis (analyse visuelle esthétique), AVA passe au crible toutes les vidéos disponibles et identifie les images qui conviennent le mieux pour être utilisées comme “affiches”. AVA prend en considération de nombreux paramètres avant de finaliser les images, comme les expressions faciales des acteurs, l’éclairage de la scène, les zones d’intérêt, le positionnement des sujets à l’écran. Il permet même de catégoriser et de trier les œuvres d’art pour les montrer aux utilisateurs, classés en plusieurs groupes de goût.

Le planning de production

Mais la data n’est pas exploitée qu’au moment de la diffusion. Elle intervient également en amont de la création et permet de façonner les programmes en fonction. Les données jouent un rôle essentiel lorsque les créateurs ont une idée sur une nouvelle émission ou un nouveau film. De nombreuses réflexions ont lieu avant que les idées ne soient mises sur papier, et c’est là que les données entrent en jeu. Grâce à son expérience dans la création de contenus nouveaux et originaux et à ses nombreuses données sur la façon dont les spectateurs ont perçu le contenu précédent, la Big Data contribue à faire émerger les solutions possibles à de nombreux défis rencontrés lors de la phase de planification.

Ces défis peuvent inclure l’identification des lieux de tournage, l’heure et le jour du tournage, et plus encore. Même avec des modèles de prédiction simples, Netflix peut permettre d’économiser une grande partie des efforts investis dans la planification, ce qui réduit encore les dépenses. De fait, Netflix commande du contenu original parce qu’il sait ce que les gens veulent avant qu’ils ne le fassent.

C’est ainsi qu’en 2013 fut décidé le rachat des droits d’une mini-série anglaise de quatre épisodes intitulée… House of Cards pour en faire le succès que l’on sait, et la série emblématique de Netflix (jusqu’à son logo sonore, qui est la reprise du geste fétiche de Franck Underwood lorsqu’il frappe son bureau du poing). Comme l’indique la vidéo ci-dessous (déjà pourtant ancienne), l’analyse des données croisées avait indiqué que David Fincher et Kevins Spacey constitueraient un duo gagnant pour la réussite du feuilleton. La donnée ne s’était pas vraiment trompée…

Metaflow, la machine a optimiser la productivité

Netflix a mis en place Metaflow, un protocole de production dans le Cloud, centré sur l’humain, qui vise à stimuler la productivité des spécialistes maison de la data. L’idée derrière Metaflow était de faire en sorte que les data scientists de Netflix ne se préoccupent plus de l’infrastructure des modèles, mais plutôt de la résolution des problèmes. Metaflow leur a donné la liberté d’expérimenter leurs idées en leur offrant un ensemble de fonctionnalités très précises qui lui donnent presque l’impression d’être un cadre prêt à l’emploi.

Le vaste réservoir de données sur lequel Netflix fonctionne est réparti sur plusieurs plateformes telles que Amazon S3, Druid, Redshift et MySql, pour n’en citer que quelques-unes.

Netflix utilise Apache Druid pour s’assurer que ses utilisateurs bénéficient à chaque fois d’une expérience utilisateur de haute qualité. Fournir une expérience utilisateur de premier ordre à chaque fois n’est pas une mince affaire. Cela nécessite une analyse constante de plusieurs événements, la collecte des données nécessaires et leur analyse. Ces données peuvent aller des informations de lecture aux informations sur les appareils, en passant par la mesure des performances de la plateforme et bien d’autres encore. Toutes ces mesures d’événements rendent les données brutes compliquées, et c’est là que Druid entre en jeu.

La donnée joue un rôle essentiel, non seulement en décidant du fonctionnement de Netflix, mais aussi en ouvrant la voie à de nouvelles possibilités de croissance. Les nouvelles technologies apportent souvent leur lot de problèmes, mais chez Netflix, ces questions sont abordées de front, en prenant systématiquement en compte les contributions de la communauté.

Netflix est certainement la seule “chaine de télé” (notez les guillemets) à faire usage de la data à un tel niveau de sophistication, avec des équipes d’ingénieurs hyper spécialisés qui comptent certainement pour une part fondamentale de sa masse salariale. Ce qui serait cohérent avec le fait que Netflix a la réputation d’être la société de la Silicon Valley qui paie le mieux ses ingénieurs, jusqu’à deux fois plus que des entreprises comme Google ou Facebook, chez qui pourtant les salaires sont déjà particulièrement élevés. C’est à ce prix que la plateforme arrive à retenir des millions de personnes pour de longues séances de binge watching qui font certainement rêver ses concurrents, tant l’entreprise a pris d’avance sur la connaissance des goûts de ses abonnés. Attention cependant à ne pas laisser la technologie décider de tout, au risque de gommer entièrement l’aspect humain, qui reste clé dans les métiers de la création.

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Par : Netflix, Inc.
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