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Le Décret de Donald Trump visant les réseaux sociaux déjà attaqué en justice

Une plainte a été déposée par le Centre pour la Démocratie et la Technologie contre le décret du président américain publié jeudi dernier. Ce texte violerait le premier amendement de la constitution américaine garantissant la liberté d’expression.

La bataille livrée par le président américain contre les médias sociaux ne fait que commencer. Le décret visant à limiter le pouvoir des réseaux sociaux à signaler les fausses informations a été publié jeudi dernier et fait déjà l’objet d’une plainte déposée par le Centre pour la Démocratie et la Technologie (CDT). Pour ce dernier, le texte serait une atteinte à la liberté d’expression protégée par le premier amendement de la constitution américaine.

En début de semaine dernière, ce sont deux tweets du président relatifs au vote par correspondance qui ont été étiquetés comme trompeurs. Vendredi dernier, c’est un tweet relatif à la mort de George Floyd qui a été masqué avec l’étiquette indiquant que la publication violait les règles du site et glorifiait la violence. “Quand les pillages démarrent, les tirs commencent” a déclaré le président américain. Mais comme ses tweets sont considérés comme d’intérêt public, les utilisateurs pouvaient quand même y avoir accès en cliquant dessus.

L’interprétation des experts sur l’application de ce décret

Ce conflit est en réalité déjà arrivé à son point culminant avec la publication du décret présidentiel le jeudi 28 mai. Ce texte vise à modifier l’article 230 du “Communications decency act”, datant de 1996. Cette loi protège les plateformes de deux manières : en les exonérant de toute responsabilité légale concernant le contenu publié par les utilisateurs et en leur donnant également le droit de modérer ces propos.

Le décret de Donald Trump, s’il était appliqué, retirerait l’immunité légale dont bénéficient ces plateformes et les priverait de leur droit à modération. La question cependant demeure : ce décret peut-il vraiment être appliqué en l’état ? L’application de ce texte semble complexe à mettre en œuvre, car la légalité même de celui-ci souffre de nombreuses failles d’après les experts.

La première serait qu’il est compliqué de remettre en cause une jurisprudence constante basée sur l’interprétation de ce fameux article 230 depuis plus de vingt-cinq ans selon Kate Klonick, professeure de droit à la St John’s Univesity. Rappelons que contrairement à la France, le droit américain, comme tous les pays de la Common Law, est un droit prétorien, autrement dit la jurisprudence a une force juridique beaucoup plus importante en termes de hiérarchie des normes. En France, le juge n’est pas créateur de règles, il précise juste l’application et les contours de celles-ci qui ont été préalablement codifiées par le législateur.

L’autre point bloquant serait que celui-ci a été pris en représailles des tweets signalés et serait par conséquent inconstitutionnel d’après Jameel Jaffer, professeur de droit à l’université de Columbia. En effet, en termes de compétence, il revient au Congrès de pouvoir modifier cette loi et non au président sur simple décret.

Par ailleurs l’application du décret de Trump pourrait se révéler contre-productive pour lui-même. En effet, les plateformes, via la remise en cause de l’article 230 du “Communications decency act” se verraient alors privées de leur immunité concernant les fausses informations et n’hésiteraient pas alors à être plus strictes en censurant directement les publications pour se protéger d’éventuelles attaques en justice, d’après Kate Ruane, juriste auprès de l’Union américaine pour les libertés civiles.

Comme nous pouvons le constater, ce texte donne lieu à une bataille d’interprétation d’experts juridiques et il semble que seule la justice pourra trancher sur la véritable légalité de celui-ci.

La plainte déposée par le CDT

Le CDT a décidé d’attaquer en justice ce décret en considérant en effet que Twitter est dans son droit quand il signale les tweets du président américain. La stratégie du président ne serait qu’une technique d’intimidation.

Le décret est “conçu pour dissuader les services de médias sociaux de lutter contre la désinformation, la répression des électeurs et la montée de la violence sur leurs plateformes”, a déclaré Alexandra Givens, la directrice générale du Centre pour la démocratie et la technologie.

Le CDT a déposé plainte aujourd’hui parce que les actions du président constituent une attaque directe contre la liberté d’expression protégée par le premier amendement. Le gouvernement ne peut et ne doit pas forcer les intermédiaires en ligne à modérer le discours selon les caprices du président. Le blocage de cet ordre est crucial pour protéger la liberté d’expression et poursuivre un travail important pour garantir l’intégrité des élections de 2020″ a déclaré le CDT dans un communiqué de presse.

Il convient par ailleurs de rappeler que Facebook n’a pas pris la même position à ce sujet, ayant laissé les publications du président, sans les signaler, ne voulant pas être « arbitre de la vérité ». Cela a d’ailleurs valu à Mark Zuckerberg un scandale interne aux termes duquel plusieurs employés se sont indignés de la ligne de conduite prise par leur patron.
Cette bataille n’en est qu’à ses débuts et démontre la difficulté, pour les réseaux sociaux, simples hébergeurs et non éditeurs, de gérer les publications polémiques ou fausses de ses utilisateurs.

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Par : Twitter, Inc.
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