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Carte biométrique : “nous passons de l’expérimentation à la généralisation” (BNP Paribas)

Une carte bancaire biométrique est disponible chez BNP Paribas. Le responsable des paiements innovants du groupe bancaire français a répondu à nos questions. Interview.

Le moyen de paiement le plus sûr évolue en 2021. Après le cryptogramme visuel dynamique, les émetteurs de cartes et les banques se tournent vers un équipement bien connu des smartphones : le capteur d’empreinte biométrique. BNP Paribas a travaillé avec Visa et Thales pour la mettre au point. Depuis trois mois maintenant, elle distribue la carte dans l’ensemble de ses agences.

Pourquoi changer pour une carte biométrique ? Le petit morceau de plastique longtemps promis à l’abandon, concurrencé par le paiement mobile dématérialisé sur notre smartphone, ne proposera l’innovation qu’en l’échange d’un surcoût. Il est de 24 euros par an chez BNP Paribas, réservé aux clients admissibles à la carte Visa Premier (134 euros par an de cotisation).

Pour tout comprendre, Presse-citron s’est entretenu avec Jean-Marie Dragon, Responsable Monétique et Paiements Innovants de BNP Paribas. De l’expérimentation à la généralisation, l’homme s’est prêté à l’exercice de l’interview pour présenter les intérêts, le fonctionnement et le cheminement de la carte biométrique du groupe bancaire français.

Carte biometrique BNP Paribas
La carte bancaire biométrique de BNP Paribas © BNP Paribas

Presse-citron : La carte biométrique est arrivée en France chez BNP Paribas. Concrètement, comment fonctionne-t-elle et à quoi sert-elle ?

Jean-Marie Dragon : Le principe est de substituer le code confidentiel des cartes bancaires par l’empreinte digitale. Ainsi, les clients peuvent payer en sans contact au-delà du plafond des 50 euros instauré pour toutes les autres cartes.

Le COVID a profondément changé l’utilisation des cartes par nos clients. Aujourd’hui, la vente de proximité (en face à face dans les boutiques) représente 78 % des transactions et 69 % du montant total, toutes cartes confondues chez BNP Paribas. La vente à distance représente 22 % des transactions en nombre, et un peu plus de 30 % du montant total.

Si l’on se penche sur les ventes de proximité, les transactions faites avec le code confidentiel sont de l’ordre de 41 %. C’est donc quasiment 60 % des transactions par carte qui sont réalisées en paiement sans contact. La hausse du plafond et la crise sanitaire ont convaincu de nombreux commerçants à accepter la carte bancaire dès 1 €, ce qui généré une très forte utilisation.

Presse-citron : Il semble donc que l’argument principal de la carte biométrique soit l’absence du plafond des 50 € du paiement sans contact. La sécurité des paiements n’est-il pas un autre avantage ?

Jean-Marie Dragon : Nous présentons essentiellement la carte biométrique en valorisant sa facilité d’utilisation et son affranchissement du plafond de paiement en sans contact. L’argument sur le risque de fraude avec les transactions sans contact n’est pas tout à fait pertinent, car nous constatons aujourd’hui que les paiements sans contact ne sont absolument pas plus risqués que les paiements en contact classique.

À l’origine, le paiement sans contact avait fait l’objet de nombreux doutes. Dans la pratique, ce n’est pas du tout démontré. Il n’y a pas d’inquiétude d’une manière générale à payer sans contact avec la crainte d’avoir des transactions débitées sans les avoir faites.

Presse-citron : Le paiement mobile explose avec la crise sanitaire et concurrence les cartes bancaires biométriques. L’un est gratuit, l’autre coûte 24 euros, abonnement où il faudra rajouter les cotisations de Visa (134 euros pour une Visa Premier). Combien coûte cette carte à produire par rapport à une carte normale ? La carte bancaire a-t-elle encore un avenir ?

Jean-Marie Dragon : Comme nous sommes encore au démarrage, le coût n’est pas encore représentatif des volumes. Nous avons commencé à généraliser la carte en juin, nous sommes encore dans la phase de déploiement, notre campagne de communication monte en puissance. Il s’agit d’un gros investissement à faire et nous parions sur le succès de cette carte-là.

Concernant le paiement mobile, qu’il explose… oui et non. Son usage a beaucoup progressé, notamment sur Apple Pay, mais cela ne représente que 5 % des transactions aujourd’hui. C’est beaucoup bien sûr, mais après l’avoir lancé il y a un peu plus de 3 ans maintenant, nous constatons que la croissance des utilisateurs est régulière, mais pas très importante. Cela dit, ceux qui l’utilisent, l’utilisent vraiment, en substitut de la carte.

Quel est alors l’avenir de la carte ? Les clients feront le choix. Ce qui nous a amené à lancer la carte biométrique c’est qu’il y a des clients qui ne sont pas prêts à mettre leur carte sur leur smartphone. Il y a déjà beaucoup de choses sur notre mobile et certains veulent entretenir la frontière. La carte biométrique peut donc devenir un substitut. Nous n’opposons pas les deux solutions. Nous cherchons à laisser le choix au client.

Nous entendons souvent dire que la carte en plastique est condamnée. Elle l’est, mais nous ne savons pas dans combien de temps elle disparaîtra. Sur le marché français, les clients sont encore très attachés à la carte. On voit bien le succès du sans contact et l’habitude qui est prise. Si la carte doit disparaître, cela prendra encore plusieurs années.

Nous entendons souvent dire que la carte en plastique est condamnée. Elle l’est, mais nous ne savons pas dans combien de temps elle disparaîtra

BNP Paribas
Le paiement mobile, grand concurrent du paiement sans contact © BNP Paribas

Presse-citron : Combien de cartes ont été distribuées depuis le début ? Quels sont vos objectifs pour les mois/années suivantes ? 

Jean-Marie Dragon : Je ne peux pas vous donner de chiffre. Nous avons eu un démarrage progressif, avec une phase de test en interne, puis auprès de certains de nos clients… Nous avons généralisé le déploiement à tout le réseau BNP Paribas en juin. L’activité a vraiment pris en septembre. Nous avons lancé une campagne de communication à la télévision et au cinéma. Elle a fait booster les ventes. Depuis qu’elle a démarré, nous vendons deux fois plus de cartes.

Presse-citron : Mais votre objectif, en interne, c’est un chiffre symbolique ? Important ? Représente-t-il plus de 5 % de vos clients ?

Jean-Marie Dragon : Nous n’avons pas encore ce type d’objectifs. Il s’agit d’un nouveau produit, qui est disponible uniquement sur la carte Visa Premier. Elle ne s’adresse pas à tous les clients. Mais en fonction de la demande, nous étendrons l’option sur toutes les cartes. Aujourd’hui, c’est encore un peu tôt pour prendre cette orientation.

Nous surveillons l’usage du client. Par exemple, pour enregistrer son empreinte digitale, il faut une mesure avec un lecteur, dans une agence BNP Paribas, afin de bien enregistrer son empreinte digitale. La mesure n’est pas aussi simple que sur un smartphone.

La carte sera adoptée à partir du moment où les clients prendront l’habitude et le réflexe de passer par un paiement sans contact quel que soit le montant. C’est la même chose pour les commerçants. Nous avons constaté que plusieurs d’entre eux sont aussi dans l’appréhension avec le sans contact au-delà de 50 euros.

Nous avons constaté que des commerçants sont aussi dans l’appréhension avec le sans contact au-delà de 50 euros

Presse-citron : À l’inverse d’un smartphone, une carte bancaire ne possède pas de batterie. Comment fonctionne le capteur biométrique ? Y’a-t-il des risques de panne ?

Jean-Marie Dragon : Il n’y a aucun risque de panne. Pour une transaction sans contact, une induction est générée par le terminal vers la carte. C’est avec cette induction que nous faisons fonctionner le capteur biométrique. C’est différent sur une carte bancaire à cryptogramme visuel dynamique. Celles-ci ont une batterie.

Presse-citron : Donc cela veut dire que les clients doivent poser plus longtemps la carte sur le terminal pour que l’induction soit bien générée ? Existe-t-il une différence avec une carte sans contact classique ?

Jean-Marie Dragon : Non. C’est exactement pareil.

Presse-citron : Avez-vous rencontré des freins réglementaires pour le lancement d’une carte biométrique ? Quid de la sécurité et du stockage des données biométriques des clients ?

Jean-Marie Dragon : Il n’y a eu aucune contrainte réglementaire. Le produit est certifié par tous les organismes de paiement les plus rigoureux. BNP Paribas ne sort pas de produit qui ne soit pas certifié – qui ne réponde pas aux normes. Que s’agisse de produits commercialisés à grande échelle ou en phase de test. C’est essentiel.

Les données biométriques sont enregistrées uniquement dans la puce de la carte. Au moment de l’enregistrement, nous utilisons un petit boîtier où le client doit d’abord s’identifier, pour nous assurer que le client utilise la bonne carte à son nom. Ensuite, il faut poser plusieurs fois son pouce sur le lecteur biométrique, à la manière de ce que l’on connaît sur un smartphone.

Une fois que c’est fait, l’empreinte est scellée dans la puce, et elle restera dans la puce. L’empreinte digitale est numérisée, et elle ne circule pas. Il n’y a pas d’envoi de la trace de l’empreinte digitale sur les réseaux. La lecture de l’empreinte génère uniquement un certificat, comme c’est le cas pour un code secret. Cela veut dire qu’il n’y a pas une grande base centralisée des clients, avec leurs données biométriques, sur un serveur quelque part dans le cloud. Toutes les données individuelles restent localisées dans la puce.

Presse-citron : Vous avez choisi Visa et Thales pour cette innovation, et vous n’avez pas proposé celle-ci pour vos clients Hello Bank! ou pour le Compte Nickel. Expliquez-nous vos différents choix. 

Jean-Marie Dragon : Le choix s’est fait sur le fait que nous ne pouvions pas ouvrir la carte à l’ensemble des clients d’un seul coup. D’abord parce que nous sommes toujours dans la phase d’apprentissage, cela ne fait que trois mois que nous avons officiellement lancé le produit. Ensuite, car il y a un surcoût. Tant que nous n’avons pas une volumétrie qui nous permettra d’avoir des coûts accessibles, ce sera difficile de le généraliser à l’ensemble de nos clients.

Progressivement, si le marché souscrit à l’intérêt de la carte biométrique, les coûts de production vont diminuer et c’est clairement dans notre stratégie de l’ouvrir au plus grand nombre. Aujourd’hui, nous sommes passés de l’expérimentation à la généralisation. Si jamais Nickel et Hello bank! y ont un intérêt, ils pourront clairement y bénéficier.

Il y a un certain nombre de choses qui sont lancées en avance, que ce soit par Nickel ou par Hello bank!, je pense à la carte en métal par exemple, par rapport au réseau traditionnel BNP Paribas. Parfois, ces produits-là restent spécifiques à ces établissements. Par exemple, la carte métal n’est pas disponible chez BNP Paribas. Il arrive que chaque entité puisse garder ses spécificités.

Presse-citron : Toutes ces questions débouchent sur la question du client type de votre nouvelle carte biométrique. Quel est son profil ? S’agit-il de particuliers ? De professionnels ?

Jean-Marie Dragon : Comme nous avons choisi un seul produit, qui est la carte Visa Premier, nous nous adressons à l’ensemble des clients détenant ou pouvant détenir cette carte. Après, nous avons vocation à étendre la carte à l’ensemble des clients si l’intérêt est manifesté. Il n’y a pas de raisons qu’on ne puisse pas la proposer aux professionnels et aux entreprises sur les cartes dites « commerciales ». Dès lors qu’il y a un intérêt, que cela réponde à une demande, nous ne nous limitons pas.

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