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[détox] Est-ce que l’Imprévu vous intrigue ?

Nouvel épisode de [détox] dans lequel nous continuons de nous pencher sur ces médias qui proposent de nouvelles approches de l’actualité.

Quatrième épisode de notre nouvelle rubrique « Détox : comprendre la mutation numérique dans les médias ». Cette série d’articles publiés un vendredi sur deux à 15h (de la lecture pour le weekend) tente de décrypter, comprendre et expliquer l’impact d’internet et du mobile dans l’évolution de l’information et des médias.
Dernièrement, nous avons abordé le concept de slow média via l’exemple du Quatre Heures et fait un petit tour du côté des newsletters culturelles et d’information. Cette fois-ci, je vous propose de nous intéresser au concept de deep média, ces sites d’actualité qui ne souhaitent pas simplement relayer des faits mais plutôt les analyser, les comprendre et les expliquer. Cet article sera découpé en deux parties, dont la première est disponible aujourd’hui.
L’imprévu fait partie de cette nouvelle vague de média qui a fait le choix de vivre de ses lecteurs et non de la publicité. Pour pouvoir accéder à l’ensemble des articles, il faudra donc souscrire à un abonnement mensuel ou annuel, qui varie entre 5 et 6,50€.
L’imprévu est donc un site d’information indépendant qui propose un regard différent sur la société. Les sujets abordés sont en général liés aux actualités du moment mais prennent le temps d’entrer dans les détails, sans suivre à la minute près les sujets imposés par les agendas de la communication politique, institutionnelle ou les faits divers. Entretien avec Clémence Lerondeau, responsable de la communication du site.

Une histoire de patience

Clémence, peux-tu nous parler des débuts de L’imprévu ?

L’imprévu est un projet qui est né en 2014 de conversations sur notre frustration, en tant que lecteurs et journalistes, d’avoir le sentiment de courir après l’actu sans jamais avoir le temps de la comprendre ou de l’expliquer, et d’une envie commune de l’équipe de faire autre chose de l’info.

Le projet a mûri puis a été lancé en bêta privée en juin 2015. Bêta privée durant laquelle nous avons beaucoup sollicité les lecteurs sur leurs impressions, leurs envies, leurs besoins, afin de façonner le site.

Lorsque la bêta publique, ouverte à tous, est arrivée en août 2015, nous y avons intégré les premiers retours d’expérience. Enfin, nous avons lancé la version abonnés le 29 février 2016, une version plus aboutie et construite grâce aux lecteurs. Certains de leurs retours ont d’ailleurs été implémentés , du point de vue de la navigation, des aspects techniques comme les flux RSS, mais aussi des sujets traités : le sujet des banques, qui était en ligne pour le lancement, nous a ainsi été suggéré par un lecteur. Une construction patiente et ouverte en somme.

Pour avoir suivi L’imprévu pendant quelques semaines avant la sortie de la version abonnés, j’ai noté de mon côté une nette amélioration du design du site. La page d’accueil fait la part belle aux images, les sections sont bien séparées et on constate une excellente utilisation de la couleur. Vous pouvez d’ailleurs comparer les deux versions grâce à l’image ci-dessous.

Comment définirais-tu la philosophie de L’imprévu ?

L’imprévu est un média en ligne qui propose une distance face à l’actualité qui s’emballe, et une pause dans le flux.

Une pause, pour nous, c’est la possibilité d’approfondir un sujet, de le maîtriser et d’en prendre possession. C’est une proposition de recul, de distance. L’imprévu veut résister au déferlement de push, de notifications et résister à l’amnésie des médias !

On met en oeuvre cette philosophie dans nos contenus et nos rubriques qui apportent un peu de distance. Il y a le Droit de Suite, pour raviver les mémoires, le Fil Rouge, dont le but est de ralentir pour mieux comprendre certains sujets complexes, l’Affaire à Suivre, qui permet d’aborder des sujets peu ou pas traités, passés sous le radar des médias, et enfin l’Avant Veille, une revue de presse de la rédaction qui replonge dans les archives des médias pour éclairer l’actualité récente et voir les leçons que l’on a pu tirer des “buzz médiatiques” des mois ou des années précédentes.

Les sujets post-it — Crédit : Hugo Duchesne

Des rubriques originales qui se complètent

Peux-tu développer un peu plus le concept des rubriques ? Comment avez-vous déterminé ces sections ?

Ces différentes rubriques sont le reflet de la ligne éditoriale de L’imprévu, elles permettent toutes de faire un pas de côté, une pause.

Le Droit de suite est une pratique journalistique assez ancienne, mais qui se fait rare. L’imprévu la revendique au cœur de sa ligne éditoriale et la met en œuvre, en revenant sur le terrain et à travers des reportages, des enquêtes, des interviews aussi, sur des sujets que l’actualité, à force d’être dans le live et dans le dernière minute, a un peu oublié. Cela nous pousse à nous pencher à nouveau sur des faits divers anciens. Nous avons par exemple consacré un Droit de suite au drame de Pau ou sommes revenus sur des conflits sociaux qui ont été marquants à une époque, comme les affaires Continental ou Bata. Cette rubrique nous permet aussi de donner la parole à des acteurs de la vie publique un peu sortis du bruit médiatique, comme Arlette Laguiller. La proposition que nous faisons au lecteur avec cette rubrique, c’est de contextualiser un évènement, le mettre en perspective et de continuer à l’informer sur des sujets qu’il a peut-être perdu de vue.

Le Fil Rouge est une rubrique dont nous-mêmes avons ressenti le besoin ! Nous sommes constamment confrontés, en tant que lecteurs, à des notions, à des expressions toutes faites, sans savoir – réellement – à quoi elles ont trait. Nous avons donc voulu concevoir un format simple, court, pédagogique, pour que chacun puisse se réapproprier les termes de l’actualité. C’est ainsi qu’à travers une série de questions toutes simples, mais essentielles, que chacun pourrait se poser, on peut tenter de comprendre enfin ce que veulent dire les médias, les entreprises, les politiques lorsqu’ils parlent de “vidéosurveillance”, de “la justice” ou encore des “lobbies”.

Le format du fil rouge est assez original : avec ces questions-réponses qui se suivent, il y a une innovation dans la manière de présenter l’information qui peut avoir une portée pédagogique. Je ne sais pas si tu connais les Card Stacks de Vox ? C’est ce qui a inspiré les fils rouge et a initié notre approche,  en nous poussant à réfléchir, nous aussi sur comment informer et expliquer tout en restant étant agréables à lire.

Derrière un fait divers, un communiqué de presse reprise à tour de bras ou une catastrophe naturelle, il y a des enjeux de long terme…

Enfin, L’Affaire à Suivre est un format dont le concept est lui aussi venu d’une certaine frustation chez nous : pourquoi y a-t-il des sujets dont on ne parle pas ? Pas assez forts ? Pas assez cliquables ? Trop spécifiques ? Bref, nous nous sommes dit qu’il fallait aussi se pencher sur ces sujets là, en faisant des enquêtes les plus approfondies possibles. Cela nous permet de nous aventurer sur des chemins pas totalement balisés, mais qui font pourtant parti du paysage quotidien : les statistiques, qui abondent chaque jour à la Une des quotidiens ou dans les programmes politiques, mais dont on connait mal les “fabricants”, ou encore ces Jeux TV et leurs candidats qui sont très présents dans les grilles des programmes, mais dont on connaît finalement assez mal les secrets de fabrication .

Via ces trois rubriques, nous souhaitons redonner du sens au temps dans les médias, faire prendre conscience que, derrière un fait divers, un communiqué de presse repris à tour de bras ou une catastrophe naturelle, il y a des enjeux de long terme. Certaines questions semblent nouvelles chaque jour, alors qu’elles ne le sont pas. C’est pourquoi nous nous attachons à des sujets de société que nous cherchons à “mettre à jour”, pour savoir quelles leçons nous avons tirées d’un évènement et comment vivent les gens qui ont été touchés à l’époque.

J’aime beaucoup le principe de recherche des articles en fonction de la durée de lecture, comment est venue cette idée ?

Là encore pour L’imprévu, le rapport au temps (temps des médias, mais aussi temps que l’on consacre à s’informer) joue un rôle central, dans la ligne éditoriale, mais aussi dans le design du site. Nous voulons, si nous le pouvons, encourager les gens à prendre un temps de recul, de réflexion sur l’information. Et pour les encourager, nous avons pensé qu’il était important d’être transparent d’emblée en leur donnant le temps de lecture de chaque article et leur permettre ainsi de choisir la pause qu’ils voulaient ou pouvaient prendre dans le flux. Pas de mauvaise surprise : si l’utilisateur n’a que 10 minutes à consacrer à la lecture, les articles qui correspondent s’affichent.

D’ailleurs, ce rapport au temps, nous l’avons également mis en visuels pour notre lancement.

Crédit : L’imprévu

Un même journaliste travaille-t-il sur toutes les sections où chacun a-t-il sa spécialité ?

Les journalistes écrivent pour l’ensemble de ces rubriques : pas de spécialistes de l’une ou l’autre. En revanche, évidemment et c’est normal, chacun a des affinités ou des expertises sur des thèmes. D’ailleurs, un sujet peut faire l’objet d’articles sous différents formats : il y a par exemple eu une Affaire À Suivre sur la méthanisation dans l’agriculture et le sujet a été prolongé, avec un angle “chiffres et données” dans un Fil rouge en trois questions. Les Fils Rouges peuvent ainsi soutenir un Droit de suite ou une Affaire à suivre, les compléter, ou les prolonger selon un angle particulier.

Combien êtes-vous au sein de L’imprévu aujourd’hui ?

Au sein de la rédaction , il y a quatre des co-fondateurs : Claire Berthelemy, Pierre Leibovici, Thomas Deszpot (qui est rédacteur en chef) et Marie Coussin. Claire, Pierre et Thomas sont à temps plein, Marie à temps partiel. Et surtout, nous travaillons avec une douzaine de pigistes réguliers, que nous rémunérons.

La rémunération des pigistes nous tient particulièrement à coeur, j’avais d’ailleurs écrit un article à ce sujet notre Medium : S’abonner pour s’informer. Il y a également un autre article sur les membres de l’équipe de L’imprévu.

Comment sont choisis les thèmes abordés ?

Les thèmes sont abordés selon nos questions, nos frustrations, mais aussi selon les propositions faites par les pigistes qui ont chacun des intérêts et des spécialités.

Si les sujets correspondent à la ligne de L’imprévu et qu’ils reviennent sur des évènements oubliés, ils sont discutés en conférence de rédaction. Et puis, nos lecteurs et abonnés aussi nous proposent des sujets ! Le papier sur les banques par exemple, comme je le disais, vient d’un lecteur. Nous avons d’ailleurs intégré, au profil personnel de chaque abonné, un module de proposition de sujet à la rédaction : nous les encourageons à le faire, de manière anonyme s’ils le souhaitent. Nous invitons aussi les abonnés à voter pour choisir un angle d’approfondissement d’un papier, via un module de consultation placé à la fin de certains articles. C’est le cas pour l’article sur Bataille.

Quelle que soit la provenance du sujet, notre objectif est de toujours redonner de la mémoire à l’information et de la suivre dans la continuité, en donnant les clés pour la comprendre.

Comment explorez-vous les différents canaux de communication ? Je vois par exemple que vous avez une newsletter avec des articles exclusifs pour les abonnés.

Nous les explorons, d’abord, à notre rythme 🙂

Il y a les mails, évidemment. Deux infolettres différentes coexistent : la première, “les coulisses ” est ouverte à tous, abonnés ou non et est envoyée tous les 15 jours pour donner à voir les papiers publiés, tant sur le site que sur le blog. La deuxième, “la Lettre Imprévue”, est réservée aux abonnés. Elle est aussi envoyée tous les 15 jours et c’est un produit éditorial à part entière : une rencontre, un entretien pour raconter un évènement qui a disparu du radar des médias. Ce contenu n’existe que par mail, c’est un bonus aux abonnés. La première édition revenait sur le scandale de l’amiante.

Sur Twitter ou Facebook, nous collons à notre temporalité, et nous publions régulièrement mais avec parcimonie. Ces outils nous servent avant tout à promouvoir les papiers, et comme nos articles ne sont jamais périmés, ils reviennent régulièrement ! Ils nous servent aussi de passerelles de conversation avec nos lecteurs et abonnés. Nous avons aussi un blog sur Medium, dans lequel nous faisons le récit des coulisses de L’imprévu : on y raconte qui on est, où en est le projet, on explique nos choix… bref, on est transparent.

Résistez au flux d’actu ! — Crédit : L’imprévu

Pourquoi avoir opté pour un business model par abonnement et non pour un financement par la publicité ?

L’imprévu est depuis la naissance-même de son projet, alors qu’il n’était qu’une idée, un média indépendant – financièrement et éditorialement, et ce dans le but de ne nous interdire aucun sujet !

Pour garantir cette indépendance, le choix d’un modèle économique mixte a été fait. D’une part, des revenus issus des abonnements, pour s’affranchir des publicités et de leur pollution visuelle et éditoriale : 5€/mois en annuel et 6,50€/mois en mensuel, 3€ pour les publics précaires). L’autre partie des revenus nous vient des  formations, dispensées auprès de médias et écoles de journalisme : data journalisme , au web social, etc..

Nous avons d’ailleurs une démarche de transparence sur nos finances : dans notre blog sur Medium depuis le départ, mais aussi et surtout grâce à une page “pourquoi s’abonner” sur la nouvelle version du site, qui détaille nos ressources et nos dépenses. Nous rendons des comptes à nos abonnés …

Quelles sont les prochaines étapes de développement ?

Continuer à construire le site grâce aux retours des abonnés et des lecteurs ! Du point de vue éditorial, grâce à leurs suggestions d’abord. Il y a un vrai enjeu de publier de plus en plus de papiers, toujours en profondeur. Et puis recueillir leurs retours sur cette nouvelle version : design, navigation, fonctionnalités souhaitées … Nous espérons continuer à glaner leurs besoins pour faire progresser et évoluer le site. Et on espère avoir cette démarche avec de plus en plus d’abonnés !

Nous réfléchissons également à d’autres formats éditoriaux, toujours en lien avec la temporalité à contre courant. Et à de nouvelles fonctionnalités pour les abonnés !

>> Retrouvez nos précédents articles de la série [detox]

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Par : Opera
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