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Quand la pollution atmosphérique atteint des pics, l’air pur devient un luxe

Face à la situation catastrophique de la pollution de l’air en Inde, un sujet est revenu sur le devant de la scène dans la presse internationale : les bars à oxygène.

Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la pollution de l’air y est 32 fois supérieure au seuil jugé comme le maximum recommandé. En Inde, depuis plusieurs semaines, le taux de particules fines dans l’air explose. Le 3 novembre dernier, un pic a été atteint. New Delhi, la capitale du pays, voit son ciel recouvert d’un épais brouillard fortement nocif, qui a déjà tué pas moins de 1,2 millions d’Indiens, selon une étude publiée dans la revue scientifique The Lancet.

Face à cette situation tragique et urgente, les articles de presse se multiplient. Pour illustrer la gravité de la situation, un service très spécial est mis sur le devant de la scène : la présence de bars dans la capitale, proposant aux habitants de payer pour respirer de l’air pur pendant 15 minutes. New York Times, Euronews, ou encore le quotidien India Today, tous ont écrit à son sujet. Une information tout à fait juste, mais qui oublie de mentionner un point : le bar en question est ouvert depuis le mois de mai, et les enseignes de ce type sont bien plus nombreuses qu’on ne le pense, dans le monde. Un exemple désastreux, qui permet de se rendre compte de la qualité de l’air, en dépassant les frontières de l’Inde.

Quand l’air pur devient un luxe en Inde

Au sud de New Delhi, dans le district de Saket, l’oxygène propre se paie cher. En continuant de marcher dans l’une des rues de la zone commerciale du quartier, on peut y apercevoir les lumières du logo « Oxy Pure ». Cette enseigne, au look attrayant, est bien plus luxueuse encore que l’établissement de prêt-à-porter italien situé à cent mètres. Loin d’être unique au sein du pays, ce qui devrait être une normalité est facturé au prix du luxe. Il suffit d’y entrer, pour en découvrir le concept et les tarifs : avec un peu plus de 6 euros (500 roupies), il est possible de s’offrir une session de 15 minutes, le nez plongé dans des tubes diffusant un air parfumé dénué de toute pollution atmosphérique. Ici, les avantages de l’oxygène se commercialisent. Et les bénéfices y sont promus de la meilleure façon : « cela détoxifie le corps et réduit l’impact de la pollution et de tout le carbone que vous inhalez. Cela dynamise également le corps et vous rend plus détendu » explique le gérant de ce « bar à oxygène », interviewé par Euronews.

Malgré tout, chez Oxy Pure, la clientèle n’est pas très variée. 500 roupies, c’est bien loin d’un prix attractif et accessible. Ici, les clients sont aisés. Pour oublier pendant quelques minutes les maux de gorge ou de tête liés à l’inhalation d’un trop fort taux de particules fines, mieux vaut avoir les moyens. Il faut dire que la majeure partie de la population vit avec moins de 4 000 roupies par mois (50 euros), trop peu pour s’offrir les frais d’un service aussi rapide, temporaire, et illusoire, que celui offert par l’établissement. Selon Le Monde, même l’achat d’un masque « de moyenne qualité » n’est pas à la portée de tous. Son prix tourne autour de 300 roupies. Trop dissuasif.

Des bars à oxygène, loin de se limiter à l’Inde

Devenu l’objet type des articles au sujet de l’état atmosphérique indien, le concept d’Oxy Pure a été très populaire dans la presse. Dans un article de mise en perspective, nos confrères du service CheckNews.fr de Libération mentionnent notamment une vidéo française publiée par Euronews, titrée « Contre la pollution, des bars à New Delhi proposent de payer pour respirer ».

Mais contrairement à ce qu’il est écrit partout, les bars à oxygène ne sont pas une première, et ne se cantonnent pas qu’à l’Inde pour y trouver des clients. Dans un article très objectif de Science Reporter, on y apprend par exemple que Toronto avait accueilli son premier bar de ce genre en 1996. Bien que la qualité de l’air n’y fût pas catastrophique, l’enseigne trouvait déjà des clients. Une histoire que Paris a également vécue : dans un article paru en 2008 dans Libération – sobrement titré « Se shooter l’air de rien » – la Ville lumière accueillait un « bar » à deux pas des Champs-Élysées. Pour 10 euros, 10 minutes de « bouffée d’air ». De quoi attirer une clientèle locale jugée, sans complexe, de « Parisiens asphyxiés ». 

De la pollution de l’air à l’encre noire

Retournons en Inde, et tentons d’expliquer les niveaux actuels de particules fines. Dans le cadre d’un communiqué, la haute instance judiciaire pointe du doigt les États du Penjab, d’Haryana et d’Uttar Pradesh. Ce serait en partie à cause d’eux que le taux de particules fines explose, alors que des milliers de feux dans le nord-ouest de l’Inde auraient apparus ces derniers jours. Loin d’être accidentels, ces feux proviennent d’une pratique illégale des agriculteurs, pour qui la solution est la plus avantageuse pour effectuer un nettoyage de leurs champs à moindre coût.

inde pollution
© Youtube / Graviky Labs

Mais le « smog » de Delhi, comme il est régulièrement mentionné dans la presse internationale, doit aussi sa provenance à la circulation locale, l’une des plus denses de la planète. En février dernier, la startup Graviky Labs pointait du doigt l’importance des particules fines rejetées, en lançant un nouveau service de « recyclage » des rejets des pots d’échappement. Avec « Air Ink », un appareil à installer sur les pots d’échappement, le carbone noir est recueilli puis traité, dans un processus de purification. Comme un symbole, le produit qui en résulte est un pigment de carbone sous la forme d’encre. Dans une vidéo promotionnelle, le cofondateur de la société Anirudh Sharma y décrit sa volonté à la fois écologique, mais surtout artistique, en donnant le contenu à des artistes pour en réaliser des œuvres à l’encre noire, et dénoncer les déboires de leur propre manière. Les résultats, aussi beaux qu’alertant, ont de quoi alarmer. Voyez par vous-même :

Les propos incongrus d’un ministre de la Santé

Dans un monde idéal, l’urgence de la situation devrait dicter l’urgence d’action. En Inde, les difficultés respiratoires se sont conjuguées à un malaise social encore plus critique, n’ajoutant rien de bien au climat ambiant. Sur Twitter, le ministre de la Santé Harsh Vardhan a souhaité donner de sa personne pour améliorer la situation, d’une façon jugée totalement incongrue. « Manger des carottes », écrivait-il sur le réseau social, précisant que cet aliment « aide votre corps à obtenir de la vitamine A, du potassium et des antioxydants qui permettent de lutter contre l’héméralopie (en référence à la faible visibilité liée au brouillard de particules fines ndlr), et aide aussi contre d’autres difficultés liées à la pollution ».

Un tweet qui n’a pas échappé aux habitants de la capitale, s’insurgeant que de tels propos puissent être véhiculés en premier lieu d’une situation aussi critique. « C’est votre premier conseil face à la pollution ? Vous feriez mieux de quitter votre poste et de le laisser à quelqu’un capable de réellement faire quelque chose… » écrivait un internaute sur Twitter, docteur et écrivain scientifique.

Comme si la situation n’était pas assez loufoque, le ministre de l’Environnement a ajouté sa part de propos scandaleux. Quelques heures après la publication du message du ministre de la Santé, Prakash Javadekar a tweeté un lien d’un titre du musicien Emani Sankara Sastry. Pour mieux commencer sa journée, quoi de mieux que de la musique, conseillait le représentant de la République fédérale. Un climat environnemental et social, qui a de quoi être étouffant, face à l’urgence climatique.

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1 commentaire
1 commentaire
  1. Et l’argent que vous foutez dans Chandrayan je sais pas quoi ( avertisseur pour aller sur la lune) peut pas servir à Faire des avancées sur la dépollution des villes ? Voila ce qui s’appelle péter plus haut que son cul

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