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Qu’est-ce que la « présomption de salariat », qui s’initie chez les livreurs ?

Une première européenne ; l’antichambre d’un vrai changement, ou l’opportunité d’une alternative.

Les livreurs indépendants, collaborant avec Uber Eats, Deliveroo, ou encore Glovo, vont peut-être devenir de véritables salariés en Espagne. C’est une première au sein de l’Union européenne, et ces travailleurs indépendants n’ont jamais été aussi proches d’un véritable changement.

Fruit d’un accord entre le gouvernement et les partenaires sociaux, jeudi, la modification devrait entraîner les livreurs à toucher un salaire et bénéficier des avantages sociaux. Mais cet avenir n’est pas encore certain, et dans l’attente de la réponse des entreprises, le principe de « présomption de salariat ».

Une nouvelle présomption de salariat pour les livreurs

Les livreurs de repas, travaillant sous le statut d’autoentrepreneur, « sont désormais des salariés et pourront profiter de toutes les protections » d’un employé classique, a annoncé la ministre du Travail Yolanda Diaz jeudi. Les entreprises ont actuellement trois mois pour se mettre en conformité.

En réponse, les entreprises concernées ont signé un communiqué commun, très critique de cette décision. Uber Eats, Deliveroo, Stuart et Glovo dénonçaient un « salariat forcé (…) mettant en danger un secteur qui apporte 700 millions d’euros au PIB national ». De potentiels appels en justice pourraient d’ailleurs avoir lieu, mais en attendant, la présomption de salariat est bien arrivée dans le Code du travail espagnol.

Pour en arriver à sa décision, le gouvernement de Pedro Sanchez s’est appuyé sur une précédente affaire à la Cour suprême, où des litiges entre Glovo (application de livraison espagnole) et ses livreurs avait permis de conclure à une relation de travail effective entre les deux parties prenantes.

« J’ai dit de nombreuses fois qu’un travailleur qui parcourt nos rues à vélo avec une appli n’était pas un entrepreneur », appuyait la ministre Yolanda Diaz. Désormais, « des milliers de travailleurs et travailleuses seront des employés, [les entreprises] cotiseront pour eux et ils auront droit à toute la protection sociale qu’ils n’ont pas aujourd’hui », ajoutait-elle.

Chez les livreurs, bien sûr, le statut d’indépendant menait à de nombreux avantages et tous ne réagissaient pas de la même manière à cette présomption de salariat.

Cristina Ausin, 24 ans, qui travaille à la fois pour Uber, Glovo et Amazon, expliquait à l’AFP : « J’ai un problème de santé avec des crises imprévisibles… je ne peux pas m’adapter à un horaire imposé. Avec ces applications, si j’ai une crise je me déconnecte sans donner d’explications. Avec un contrat fixe, il faudra que je justifie un arrêt de travail ».

Lire aussi – Deliveroo, valorisé 7 milliards de dollars, prépare son entrée en bourse

Le besoin d’une alternative au salariat ?

En Europe, aucun pays n’a encore réussi à imposer ce changement de modèle économique aux plateformes. Dans le cadre de litiges, des entreprises comme Just Eat ont déjà embauché des livreurs sous le statut de salarié.

Cela dit, la transition générale n’a pas eu lieu. Les procédures judiciaires prenant des chemins différents selon les pays, et aboutissant très généralement à très peu de changement.

C’est le cas de l’Italie, où les discussions étaient bien avancées. En septembre, la plupart des plateformes avaient signé un accord avec un syndicat pour encadrer plus explicitement le statut d’autoentrepreneur des livreurs, au sujet de la rémunération et d’une assurance en cas d’accident.

Malheureusement, le projet était tombé à l’eau alors que les négociations autour des congés payés et maternité furent refusés par les entreprises.

En Californie, ce fut un référendum populaire qui annula un projet de loi visant à considérer les livreurs comme des employés.

Pour arriver à trouver une solution, comme le rappelait Jérôme Martin dans sa newsletter « Cafétech », Bruxelles et l’Union européenne pourraient aboutir sur « une initiative législative avant la fin de l’année ».

En substance, ils réfléchiraient à une alternative bien plus personnalisée pour les livreurs, sans être indépendants ni salariés. Un modèle hybride où les protections d’un salarié viendraient se conjuguer avec la flexibilité du métier.

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