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Comment Lyon est devenu un carrefour important des jeux automobiles

Découvrez dès maintenant notre interview de Stéphane Baudet, fondateur du studio Tiny Digital Factory qui nous parle de son parcours et de l’importance du bassin lyonnais dans le développement de jeux automobiles.

La semaine dernière, nous avons eu la chance de nous entretenir avec Stéphane Baudet, le fondateur du studio lyonnais The Tiny Digital Factory. De V-Rally à GT Manager, en passant par le mythique Test Drive Unlimited, Stéphane Baudet a vu le bassin lyonnais devenir un pôle important dans le développement de jeux sur la simulation automobile. Il a d’ailleurs décidé d’y installer son propre studio. Stéphane a accepté de nous accorder quelques minutes pour répondre à nos questions, pour nous présenter The Tiny Digital Factory, nous parler de son parcours et nous donner son point de vue sur la région lyonnaise et son importance.

Tiny digital Factory Team
© Tiny digital Factory

Presse-citron : Commençons par une petite présentation, pouvez-vous nous parler de votre parcours et comment en êtes-vous arrivé à la création de The Tiny Digital Factory ?

Stéphane Baudet : J’ai commencé à la fin des années 1980, à Lyon, dans la société Infogrames qui a connu pas mal de succès au cours des années 1990 et au début des années 2000. Au départ, j’étais programmeur de jeu, avant d’évoluer au cours de ma carrière pour devenir programmeur en game designer, chef de projet puis producteur, jusqu’à diriger plusieurs productions et studios. J’ai fondé le studio Eden Games, toujours à Lyon. C’est avec ce studio que nous avons pu créer plusieurs succès dans le sport automobile avec V-Rally, ainsi qu’un autre gros succès qui s’appelait Test Drive Unlimited. J’ai ensuite quitté ce studio pour rejoindre Ubisoft, où j’ai pu diriger le studio d’Annecy.

Test Drive Unlimited Wallpaper
Test Drive Unlimited (2006)

J’ai pu me consacrer à la partie multijoueur en ligne des jeux Ubisoft en particulier sur Splinter Cell et Assassin’s Creed. J’étais co-directeur créatif avec Patrice Desilets pour la partie Assassin’s Creed. C’est à cette période que je me suis rapproché de Montréal pour rejoindre le studio Behaviour Interactive, qui était un très gros développeur indépendant avec lequel on pouvait créer des jeux pour beaucoup de sociétés. À ce moment-là, c’était le début des jeux mobiles et du free-to-play, je me suis donc spécialisé dans ce domaine. On a donc connu quelques succès dont Fallout Shelter que nous avons fait pour le compte de Bethesda. Fort de ce succès-là, j’ai pris la décision de créer une nouvelle entreprise, un peu comme j’avais déjà pu le faire avec Eden Games à la fin des années 1990. C’est comme ça que The Tiny Digital Factory est né, d’abord à Montréal, un petit studio d’environ huit à dix personnes. Nous avons crée Rollercoaster Tycoon Touch, notre premier jeu mobile. Cela a été un petit succès nous permettant de valider notre compétence dans les jeux mobiles free-to-play.

F1 Mobile Racing
© Tiny Digital Factory / Codemasters

Après quelques années, j’ai décidé de rentrer en France, naturellement à Lyon, avec un deuxième studio. Nous avons réduit les effectifs à Montréal pour augmenter ceux à Lyon et nous sommes désormais une vingtaine. Depuis la France, je reste un grand passionné d’automobiles, donc j’ai proposé à l’éditeur anglais Codemasters d’adapté leur licence Formula One en jeu mobile, puisqu’ils n’en avaient pas, toujours sur le modèle de Free-to-play. On a donc co-produit cette adaptation avec mon ancien studio Eden Games. Avant de faire GT Manager, qui est notre nouveau jeu. Il s’agit de notre première production entièrement que nous avons entièrement financée, développée et éditée.

P-C : F1 Mobile Racing est un succès incroyable avec plus de 15 millions de téléchargements. Quel est l’objectif pour GT Manager dans les mois à venir ? 

S.B : On revoit toujours nos objectifs en fonction du lancement du jeu. C’est un jeu qui va rester plus discret étant donné qu’il n’y a pas la marque « F1 ». Sur F1 Mobile Racing, nous avons 80% des joueurs que l’on appelle des joueurs « organiques ». C’est à dire, que ce sont des utilisateurs qui vont rechercher le jeu sur les différents stores avec les mots-clés « F1 ». Économiquement, c’est très intéressant, puisque cela permet d’attirer un bon nombre de joueurs sans avoir à payer de grosses campagnes publicitaires. Sur GT Manager, nous n’avons pas cet avantage. Nous avons signé de nombreux partenariats avec des constructeurs (Porsche, Mercedes, McLaren…), nous avons les principales marques qui s’investissent dans le domaine du « GT », mais cette discipline reste tout de même moins importante que la F1.

GT Manager
© Tiny Digital Factory

Donc aujourd’hui, l’objectif principal est de viser un tiers de ce que l’on faisait avec F1 Mobile Racing. Le point de vue intéressant, c’est que sur notre jeu de F1, nous avons beaucoup de joueurs, mais le retour financier n’est pas forcément optimal. Plus vous avez une communauté de joueurs réduite, plus vous avez une communauté qui va s’investir et payer. Ainsi, on vise un tiers de l’audience de F1 Mobile Racing, par contre on vise une rentabilité bien plus élevée avec GT Manager. Et pour le moment, environ un mois après la sortie du jeu, lorsque l’on se projette à un tiers de l’audience de F1 Mobile Racing, on est bien dans cette courbe où l’on devrait gagner plus de revenus. Pour cela, nous avons beaucoup appris de nos précédents travaux et nous nous sommes rendu compte que les personnes passionnées de sport automobile n’ont pas forcément envie d’avoir un jeu de conduite sur mobile, car c’est moins confortable. Les deux éléments qui sont pour moi essentiels au développement d’un jeu mobile et que nous avons appris au fil des années, c’est de vraiment considérer que l’on ne joue pas à un jeu mobile, comme on joue à un jeu console ou PC. Ce sont des jeux auxquels nous jouons plusieurs fois par jour et plusieurs fois par semaine.

GT Manager Gameplay
© Tiny Digital Factory

L’autre élément c’est la construction free-to-play et essayé de chercher la chose pour laquelle les gens seraient prêts à dépenser leur argent. Il faut trouver quelque chose qui ne soit pas une barrière, qui ne soit pas obligatoire, mais qui peut être un plus pour les joueurs qui apprécient le jeu. On a intégré de la publicité, mais elle n’est pas obligatoire. On essai d’avoir un compromis entre un jeu qui est très adapté à la plateforme sur mobile et avec un bon juste milieu au niveau du free-to-play. L’une des contraintes que l’on avait en F1, c’est qu’en une saison on avait seulement dix voitures et dix livrées en une saison. Alors, si les joueurs avaient leur Ferrari, Mercedes ou leur Red Bull, pourquoi iraient-ils acheter d’autres voitures ? Dans GT Manager, on a tout de suite anticipé ça, et l’on a tout de suite voulu créer des catégories de voitures et pour mettre en place ce côté collection avec des épreuves spéciales ouvertes qu’à certains types de véhicules et qu’à certaines marques.

P-C : Si jamais les objectifs avec GT Manager sont remplis, est-ce que vous envisagez de concevoir d’autres jeux sous licences comme la NASCAR, le WRC etc.. ?

S.B : C’est possible, on travaille toujours sur plusieurs projets en parallèle. Pour la petite histoire, GT Manager a débuté avant F1 Mobile Racing, mais quand le projet fut officiel avec Codemasters, on a mis de côté notre première idée avant d’y revenir dessus. De la même façon, nos équipes commencent à travailler sur d’autres projets et nous avons effectivement des déclinaisons de notre concept et cela va dépendre du succès de GT Manager. Pour le moment, cela commence très bien, mais il est encore trop tôt pour le confirmer. Mais il y a de grandes chances pour que notre concept se décline sur d’autres disciplines. On a en permanence des discussions, que ce soit avec les organisateurs que ce soit le WRC, la Formule E, et la F1 aussi. Aujourd’hui, on a de la chance de travailler avec plein de partenaires qui souhaitent eux-mêmes participer aux prochains jeux. Donc, il va y avoir une suite à GT Manager et il y’aura sans doute un autre projet qui sera plus dans l’esprit de Test Drive Unlimited (mais qui ne sera pas TDU) qui va essayer d’innover, comme Test Drive avait pu innover sur console avec ce monde ouvert. On souhaite prendre des risques pour faire des choses innovantes, différentes, qui ne marcheront peut-être pas, mais on aura la fierté d’avoir essayé. Une chose que je trouve vraiment bien en France, on a de nombreuses aides qui nous permettent d’innover, des systèmes de crédits d’impôt sur la recherche, qui peuvent nous permettent d’investir et si ça ne marche pas, grâce aux soutiens de ces aides, cela ne met pas la société en péril. Ainsi, je dirai que c’est même un devoir d’innover.

P-C : Vous nous avez parlé de votre parcours, d’abord chez Infogrames, puis Eden Games, Ubisoft ou encore Behaviour Interactive. Des studios spécialisés dans le développement des jeux sur consoles et PC. L’objectif pour plus tard est de rester sur mobile ou également de vous diriger sur consoles et PC ?  

S.B : Alors, c’est l’éternel débat et même parfois en interne avec beaucoup de discussions et débats. Il y a deux ans, on avait Rollercoaster Tycoon Touch et j’ai suggéré l’idée de faire une version Switch à partir de la version mobile. Le jeu n’a pas été vraiment bien reçu étant donné qu’il gardait vraiment cet aspect jeu mobile. Donc, on est un peu plus frileux désormais sur ce domaine. Je pense que l’on ne s’est pas donné les moyens. Si aujourd’hui on veut refaire des jeux, sur PC ou consoles, il faut que l’on s’en donne les moyens. Mais je n’ai pas envie de faire de l’opportunisme et juste porter nos jeux. On n’envisage pas les grosses consoles, car le budget ne sera jamais à notre portée. Mais sur PC et Switch, c’est envisageable si l’on trouve la bonne adaptation. Mais en tout cas, nous n’avons pas pour objectif de concevoir des jeux spécialement et uniquement pour consoles ou PC.

Rollercoaster Tycoon Touch
© Tiny Digital Factory

P-C : Vous avez eu la chance de collaborer avec d’autres studios, que ce soit Codemasters ou Eden Games, envisagez-vous d’autres collaborations à l’avenir ? 

S.B : Pas dans l’immédiat. On l’a fait, car on avait des affinités avec ses studios, mais c’est toujours un peu compliqué. Aujourd’hui, je pense que l’on va se concentrer sur nos propres jeux pour avoir une continuité et ne plus abandonner nos jeux et les faire évoluer et faire progresser l’entreprise.

P-C : Suite à votre parcours, nous avons pu voir que le point de départ c’était la région lyonnaise et que vous y êtes revenus. Depuis les années 1990, le bassin lyonnais est devenu un pôle très important du développement de jeux automobiles, entre Infogrames, Eden Games, maintenant nous avons KT Racing, Ivory Tower pour ne citer qu’eux, comment expliquer que cette région lyonnaise soit devenue un lieu moteur de cette simulation automobile ? 

S.B : Tout vient des mêmes jeux et des mêmes équipes avec d’abord V-Rally chez Infogrames avec David Nadal et Jean Yves Geffroy qui dirigent aujourd’hui Eden Games. Ivory Tower, c’était l’équipe de Test Drive Unlimited. KT Racing, c’est aussi l’équipe de Test Drive Unlimited 2. Ce sont les jeux que nous avons pu faire, soit à la fin d’Inforgrames, soit à l’époque d’Eden Games qui ont permis de conduire à la création de ces nouvelles entreprises et j’en suis très fier. C’est aussi une des raisons pour lesquelles nous sommes revenus à Lyon, car il y a un savoir faire dans la région permettant de créer des carrières qui vont pouvoir se développer que ce soit chez Eden, Ivory et d’une structure à une autre. Aujourd’hui, une des raisons que l’on n’envisage pas de faire de nouvelles collaborations, c’est que nous sommes un peu concurrents, même si l’on s’adore, on reste des concurrents dans les recrutements, les développements et même si nous échangeons énormément c’est plus compliqué de collaborer. On reste tout de même des confrères, on vient tous de la même maison, mais on reste aussi compétiteur et je suis vraiment ravi qu’il y ait quatre studios à Lyon dans le même domaine et de me dire qu’en quelques sortes, d’avoir été à la naissance de tout ça.

L’équipe de Presse-citron remercie Stéphane Baudet de nous avoir accordé un moment pour cet échange. N’hésitez pas à retrouver dès maintenant les jeux de The Tiny Digital Factory sur l’Apple Store et le Google Store.

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