Le Baromètre du numérique 2025 vient de rendre son verdict sur nos habitudes de consommation numérique, et nous n’avons pas réellement de quoi être fiers des différentes statistiques qui en résultent. Nous autres, Français, sommes en proie à un véritable phénomène de dépendance collective aux écrans de toutes sortes.
Smartphones, réseaux sociaux ou télévision : nos visages sont trop longtemps figés devant ces lueurs artificielles, et nous en sommes parfaitement conscients. C’est du moins le cas pour une bonne partie d’entre nous, qui assument accorder trop de temps à ce(s) loisir(s). Assistons-nous à un nouveau syndrome de Stockholm, version 3.0. ? Voici un petit résumé de cette étude, menée par l’Arcep et ses partenaires (l’intégralité est consultable sur cette page).
Un asservissement aux écrans consenti
Le rapport indique que « 41 % de la population déclare passer plus de trois heures par jour devant les écrans pour un usage personnel, dont la moitié, soit 20 % de la population, plus de 5 heures par jour ». Notre attention est, pour beaucoup, complètement colonisée par les dispositifs numériques que nous avons sous la main.
Notre relation au smartphone est l’incarnation parfaite de cette captation attentionnelle, lui qui est presque devenu un appendice indispensable à notre survie. « 80 % de la population utilise quotidiennement un téléphone mobile ou un smartphone, soit une progression de 4 points en un an ». Le psychiatre Laurent Karila, cité dans le rapport, le compare même avec un « “e-doudou” pour adultes ». Toujours à portée de main, prêt à nous distraire et à nous offrir une dose de plaisir immédiat.
Les chiffres présentés par le médecin pourraient quasiment être interprétés comme une forme de régression psychique : « 53 % des répondants consultent leur smartphone dès le réveil, 32 % l’utilisent à table, 36 % vont aux toilettes avec lui, 43 % vont au lit avec lui, et 15 % s’endorment même avec lui ». Pourrait-on imaginer une description plus précise d’une relation parasitaire ?
La conscience impuissante : lucidité sans action
Comme indiqué en introduction, le baromètre fait état d’un paradoxe : il y a coexistence d’une lucidité à propos de ces comportements et d’une incapacité totale à les modifier. « Plus de quatre personnes sur dix indiquent que le temps qui leur est consacré est trop important » explique le rapport. Une conscience critique qui demeure parfaitement stérile face aux mécanismes addictogènes mis en place par les géants de la tech pour nous maintenir dans leurs mailles.
Autre corrélation qui prouve cette dissonance cognitive : « 57 % des personnes indiquant regarder des écrans plus de 5 heures par jour considèrent y consacrer trop de temps, comme 45 % des personnes y restant entre 3 et 5 heures contre un quart (25 %) de celles y passant 2 heures par jour ou moins ». Plus nous passons de temps devant les écrans, plus nous sommes conscients que c’est trop.
Une impuissance qui atteint des sommets lorsqu’on analyse les données concernant les jeunes adultes. Contrairement à la mythologie des « digital natives », le rapport dévoile que « les jeunes adultes (18-24 ans) sont, de loin, les plus nombreux à éprouver des difficultés concernant la réalisation de démarches administratives en ligne. Près du quart des 18-24 ans redoute de se tromper (24 %) et un sur cinq (21 %) ne comprend pas ce qui est demandé ». Voilà donc la génération supposément à l’aise avec le numérique, réduite à une anxiété paralysante face aux formulaires administratifs en ligne.
Point culminant du rapport : « 65 % de la population préfère accomplir une activité de leur vie quotidienne en se déplaçant, de manière physique, plutôt qu’en ligne. 82 % privilégient par exemple, le déplacement en magasin pour leurs courses alimentaires et 64 % pour leurs vêtements ». Quelle magnifique illustration de notre schizophrénie collective : nous proclamons notre attachement au monde tangible tout en sacrifiant chaque jour davantage de notre temps à l’univers virtuel.
Ce portrait d’une société française à la fois consciente et paralysée face à sa propre addiction numérique est aussi celui d’une nouvelle forme d’aliénation, où la lucidité ne suffit plus à garantir l’autonomie. Nous voilà spectateurs impuissants de notre propre vassalisation numérique, prisonniers consentants d’une cage dont nous détenons pourtant la clé. Et rien n’indique que la situation s’améliorera, c’est même tout l’inverse.
- Une large partie de la population française passe plusieurs heures par jour devant des écrans, en particulier les smartphones, devenus omniprésents dans la vie quotidienne.
- beaucoup reconnaissent passer trop de temps en ligne, mais restent incapables de modifier leurs habitudes face aux stratégies d’engagement des plateformes numériques.
- Malgré une connexion permanente, une partie des jeunes adultes peine à gérer des démarches administratives en ligne, tandis que la majorité des Français affirme préférer les interactions physiques au numérique.
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