Mistral AI : cette startup française va-t-elle faire trembler ChatGPT ?

• Une startup française en cours de constitution, Mistral AI, s’apprête à lever 100 millions d’euros – devenant de facto l’un des premiers acteurs européens du secteur
• L’entreprise a l’ambition de créer un ChatGPT français et elle réunira a priori un casting impressionnant
• Toutefois on peut douter de ses chances face à OpenAI

En matière d’IA, face à des acteurs comme OpenAI et Midjourney aux États-Unis, difficile de ne pas remarquer que l’Europe et la France sont à la traîne. Mais cela pourrait changer dans les prochaines années à la faveur de nouvelles startups en train d’éclore.

Parmi elles, la startup française Mistral AI est sans conteste l’une des plus intéressantes. Un des investisseurs du projet confirme à l’AFP que la structure (qui n’est toujours pas, au moment où nous écrivons ces lignes, inscrite au registre des sociétés de l’INSEE) s’apprête à lever 100 millions d’euros de financements, ce qui valoriserait potentiellement la firme à 240 millions d’euros.

Le casting de Mistral AI est prometteur, mais…

Derrière Mistral AI on trouve quelques pointures passées par les États-Unis. Son fondateur est Arthur Mensch, expert des modèles de langage qui a passé trois ans chez Google pour développer DeepMind, l’un des premiers projets IA de la firme. Le dirigeant aurait également, selon Les Échos et Le Point convaincu Guillaume Lample, un chercheur qui a participé au développement du modèle LLaMa chez Meta (Facebook).

Autre nom pouvant rejoindre l’équipe : Thimothée Lacroix, lui aussi passé par Facebook. Ou encore Jean-Charles Samuelian, PDG de Alan, une startup spécialisée dans les assurances. L’américain LightSpeed Venture sera à l’œuvre pour mener la levée de fonds, qui reposera essentiellement sur des investisseurs individuels européens et français.

En levant dès maintenant 100 millions d’euros, Mistral AI se donne des chances de viser des montants supérieurs lors de futurs tours de table, dans un secteur qui va assurément attirer de plus en plus d’argent dans les prochaines années. Toutefois toute la question est de savoir si la France et plus largement l’Europe ont la dimension suffisante pour booster ce type de startups au niveau requis.

En effet, les GAFAM injectent plutôt des milliards de dollars (voire des dizaines) pour se positionner sur l’IA. Ainsi Microsoft a par exemple injecté 10 milliards de dollars dans OpenAI, l’auteur de ChatGPT. Meta et Google misent plutôt sur des projets internes, mais l’allocation de ressources est vraisemblablement tout aussi significative.

Le problème est d’un côté que le développement des IA s’accélère et que ces projets ont tous besoin d’une énorme quantité de ressources de calcul – OpenAI loue ainsi le nécessaire auprès de Microsoft Azure, ce qui lui revient à 700 000 dollars par jour. Microsoft, d’ailleurs, profite de son expertise en matière de datacenters pour développer une nouvelle puce dédiée aux modèles GPT pour réaliser des économies sur ce versant.

L’Europe a-t-elle la dimension suffisante pour propulser ce genre de projets ?

Un effort dont le montant n’est pas connu, mais qui coûte vraisemblablement une somme faramineuse (et devrait donner dans tous les cas une longueur d’avance supplémentaire à Microsoft et OpenAI…). OpenAI qui s’apprête d’ailleurs à monter un nouveau tour de table à 100 milliards de dollars. Pour réellement rivaliser avec ChatGPT il faudrait donc que la startup puisse rapidement atteindre ces montants et s’appuyer sur des infrastructures techniques aux dimensions et capacités d’innovation semblables.

De quoi compliquer nettement l’implantation de Mistral AI en Europe, étant donné que le continent ne compte pas dans ses rangs de réels concurrents directs des GAFAM américains. On se souvient d’ailleurs d’autres initiatives arrivées trop tard et qui ont fini par faire “flop”. Le moteur de recherche Qwant, made in France, avait tout, par exemple, pour damer le pion à Google.

Sauf que le moteur de recherche lancé en 2013 représente aujourd’hui autour de 1 % des recherches en France, loin derrière Yahoo (3,85 % chiffres Satcounter avril 2023 en France sur ordinateur de bureau) et encore plus loin derrière Bing (autour de 9,75 %) sur lequel il repose pour une partie de ses résultats.

Et parce qu’il utilise des infrastructures à l’étranger, Qwant s’est récemment privé de financements, dont un de Bpifrance. De facto, grâce à son intégration des technologies de OpenAI, Bing représente aujourd’hui une bien plus grande menace contre la position dominante de Google qui capte 83,12 % des recherches en France.

Pour s’établir en Europe avec des solutions du continent, Mistral AI devra vraisemblablement se tourner vers OVHCloud (8e mondial) – dont les infrastructures sont de tailles bien plus modestes que celles de Microsoft Azure, et n’étaient disponibles que dans 13 régions et 33 zones en 2022 (selon le site Dgtl Infra) contre 60 régions et 116 zones pour Microsoft Azure sur lequel repose ChatGPT.

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