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Effet Mandela ou sabotage des SVOD ? Nos souvenirs mis à rude épreuve

Dans un monde où les plateformes de streaming sont reines, la mémoire des spectateurs fait des saltos et l’effet Mandela risque de s’intensifier.

Aujourd’hui, les services de vidéo à la demande fleurissent de partout : Netflix, Prime Video, Disney+, OCS… De leur côté, les ventes de DVD sont en chute libre depuis une bonne décennie. Désormais, en quelques clics (et en échange de quelques euros par mois), vous avez accès à des catalogues si riches qu’on en aurait presque le tournis. Aussi pratique et agréable cela soit-il au quotidien, l’essor des plateformes de streaming a quelques inconvénients. Parmi eux, il y en a un dont on ne parle pas vraiment. Celui qui floute nos souvenirs. Oui, oui. Attendez, on vous explique.

Effet Mandela : quand les SVOD jouent avec nos souvenirs

Oui, cela sonne un peu dramatique comme cela. Et pourtant… Avec l’avénement des SVOD, les gens ont laissé tomber les DVD, aussi bien à l’achat qu’en location, en boutique physique comme en ligne. Du moins, c’est le cas de la majorité de la population. Si bien qu’en dix ans, les ventes de DVD ont chuté de 82%. Outch. En même temps, les plateformes de streaming sont à portée de main. Elles offrent plus de choix, plus de contenus, pour un prix plus intéressant. Même si leur démultiplication commence à faire grimper l’addition à la fin du mois. Mais c’est un autre débat.

Toujours est-il que, désormais, les SVOD peuvent directement modifier leur contenu à la source. C’est d’autant plus vrai quand il est question de créations originales diffusées exclusivement sur la plateforme. Hop, on constate une petite erreur et on peut la modifier ni vu ni connu. C’est terriblement pratique pour les plateformes. Mais cette possibilité de modification en toute discrétion risque de poser des problèmes dans un futur assez proche. En effet, cela va vraisemblablement jouer avec la mémoire des spectateurs et créer un paquet de souvenirs collectifs contraires.

Pour faire simple, si vous vous rappelez d’une scène en particulier mais qu’entre temps, le SVOD a modifié cette dernière, pour une raison X ou Y, il sera quasiment impossible de prouver que votre souvenir est véridique ou que votre cerveau vous a simplement joué un tour. À moins d’avoir le DVD sous la main. Mais comme nous l’avons déjà dit, très peu de personnes achètent encore ce support.

On vous donne un exemple concret pour que vous y voyez un peu plus clair. En mai dernier, Netflix dévoile la saison 4 de Stranger Things. Les fans sont ravis, la plateforme enregistre des records d’audience… Bref, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Jusqu’à ce qu’une poignée de fans pointent du doigt une incohérence : l’un des épisodes se déroule le 22 mars 1986. Oui, et alors ? Eh bien dans la saison 2 de la série, on apprend qu’il s’agit de la date d’anniversaire de Will, un des protagonistes. Mais dans cette nouvelle saison, aucune mention de cet anniversaire. Plus tard, les frères Duffer ont révélé avoir complètement oublié ce détail. “Oops”. De ce fait, les réalisateurs envisagent de modifier l’épisode 8 de la saison 2 de Stranger Things et de changer l’anniversaire de Will. Il ne serait donc plus né le 22 mars mais le 22 mai.

Extrait de Stranger Things (S2)
© Netflix

Pour le moment, le changement n’a pas encore été fait. Mais cela pourrait bientôt être le cas. Si cela se produit, Winona Ryder, qui interprète Joyce Byers, pourrait ré-enregistrer sa réplique (mise à jour) ou les équipes pourraient carrément changer l’originelle de manière numérique. Cela serait possible grâce à une technologie de synchronisation labiale développée par George Lucas pour la prélogie de Star Wars.

Ainsi, dans deux ans, lorsque la saison 5 de Stranger Things sortira sur Netflix, d’aucuns pourront débattre longuement sur la date d’anniversaire du personnage. Et à moins d’avoir le DVD de la saison 2 de la série à disposition, ou cet article peut-être, il sera (presque) impossible de savoir si ceux qui sont sûrs que Will est né le 22 mars ont raison ou s’ils sont victimes de l’effet Mandela, un phénomène qu’on vous explique juste en dessous.

Bien entendu, il s’agit d’un exemple précis mais vous avez compris l’idée. À force, il sera difficile de vérifier la véracité de nos souvenirs. Même si vous êtes certains de ce que vous avancez, vous n’aurez aucune preuve tangible et aucun moyen de contrecarrer l’argument de votre interlocuteur. Les spectateurs du monde entier auront, ainsi, des souvenirs collectifs mais il sera impossible de savoir si ces derniers sont erronés, énièmes victimes de l’effet Mandela, ou bien réels. De quoi faire chauffer nos neurones.

L’effet Mandela intensifié ?

De fait, les plateformes de streaming risquent fort d’intensifier l’effet Mandela. Mande-quoi ? Pour ceux qui ne connaissent pas ce phénomène, c’est assez simple. La majorité des personnes est persuadée que Dark Vador dit “Luke, je suis ton père” dans Star Wars épisode V : L’empire contre-attaque. Pourtant, en réalité, il déclare “Non, je suis ton père”. De même, la méchante belle-mère de Blanche-Neige n’a jamais dit “Miroir, mon beau miroir, dis moi qui est la plus belle”. Dans le classique d’animation de Disney, la réplique est “Miroir magique au mur, qui a beauté parfaite et pure ?”.

Extrait de Blanche-Neige
© Disney

Ce phénomène désigne, ainsi, un souvenir que partagent plusieurs personnes mais qui est, en réalité, faux. La mascotte de Monopoly n’a jamais porté de monocle et le bout de la queue de Pikachu n’a jamais été noir. Notre cerveau nous joue des tours. Mais le fait que de nombreuses personnes aient le même souvenir que nous est déroutant.

Pour comprendre son émergence, il faut remonter à la fin des années 2000. En effet, l’auteure Fiona Broome en parle pour la première fois dans son livre Real, Lies, or Memorex ?. Tout cela fait écho à Nelson Mandela (dont le nom, bah oui). De nombreuses personnes étaient persuadées qu’il était mort en détention dans les années 80. C’est bien loin de la réalité puisque Nelson Mandela est sorti de prison en 1990 pour ensuite diriger l’Afrique du Sud de 1994 à 1999. Si d’aucuns s’accordaient sur sa mort, se souvenant même des soi-disants funérailles télédiffusées, l’ancien chef d’État sud-africain est mort en 2013. Soit plus de deux décennies plus tard.

Avec l’avénement des plateformes de streaming comme Netflix, Prime Video ou Disney+ et leur possibilité de tout modifier à la source, l’effet Mandela risque de s’intensifier. Mais le piège est là : sera-t-il réellement question de l’effet Mandela ? En effet, le phénomène pointe du doigt les souvenirs collectifs erronés. Mais qu’en est-il des souvenirs communs qui sont réels mais impossibles à prouver ? Plus nous avancerons, moins nous aurons de preuves. Loin de nous l’idée de tomber dans les théories du complot, bien entendu, mais il n’empêche que l’interrogation est légitime. Si cela n’est pas vraiment important dans les faits, le sujet reste pertinent.

Dans un futur proche, de plus en plus de personnes se souviendront d’une réplique de film, d’un anniversaire d’un personnage, d’une scène précise dans une série mais ne pourront jamais remettre la main dessus. À moins, peut-être, de fouiller tout Internet et de retrouver une vieille vidéo YouTube.

Les SVOD ne sont pas les seuls à être pointés du doigt

Si on élargit le phénomène aux plateformes de streaming musicales comme Spotify ou Deezer, c’est la même chose. Votre artiste préféré vient de sortir un nouvel album, que vous vous précipitez d’écouter en boucle tout le week-end. Quelques semaines passent, vous avez écouté d’autres albums, d’autres playlists. Puis vous vous dites que, quand même, cet album était bien sympa et que cela fait un moment que vous ne l’avez pas lancé. Oui mais voilà, il y a des chansons que, vous semble-t-il, vous entendez pour la première fois. Non, c’est certain : après cette musique, il y a normalement ce titre précis. Mais, dans l’instant T, une autre chanson s’est glissée entre les deux.

Pourtant, vous avez vérifié, il ne s’agit pas de la version Deluxe que vous écoutez. Se peut-il que vous ayez complètement oublié ce titre ? Qu’il soit passé inaperçu pendant vos multiples écoutes du mois passé ? Devenez-vous fou ? Votre mémoire se moque-t-elle de vous ? Ou alors… Puisque tout peut être modifié à la source… En réalité, l’artiste a ajouté des nouvelles chansons après la sortie de son album. Directement sur Spotify (ou Deezer), sans s’embêter avec une version Deluxe. Tout va bien, vous pouvez faire confiance à votre cerveau pour cette fois. Mais quand même, quel phénomène étrange !

On retrouve des expériences similaires aussi du côté des jeux vidéo. Effectivement, les gamers le savent, les studios proposent régulièrement des mises à jour de leurs jeux automatiquement. Si cela peut s’avérer bien pratique et agréable, certains joueurs ont constaté que parfois, des anciens contenus disparaissaient à la suite de ces mises à jour. Notamment des contenus pour lesquels ils avaient payé. Et là, c’est tout de suite moins drôle. D’autant qu’il n’est plus simplement question de jouer avec notre mémoire et nos souvenirs. On pourrait presque considérer cela comme une pratique déloyale ou injuste.

Difficile d’imaginer à l’heure actuelle les dérives que ces modifications à la source causeront. Si nous plébiscitons le “tout dématérialisé” pour sa praticité, il ne faudrait pas que cela se retourne contre nous. Au fur et à mesure, nous risquons de ne plus faire autant confiance à notre cerveau. Si ce dernier n’est pas un disque dur et qu’il peut être en tort, bien sûr, il s’agit tout de même d’un organe sur lequel on peut compter. En général.

Alors que notre capacité d’attention est en train de baisser à cause d’Internet et des réseaux sociaux, le fait que les SVOD et autres plateformes puissent changer leurs contenus directement à la source et nous jouer des tours avec nos souvenirs n’est pas bon signe. Outre un sentiment désagréable, cela pourrait éventuellement avoir des répercussions sur notre santé ou notre manière d’appréhender le monde. Qui sait ?

Avez-vous déjà remarqué ce phénomène ? Pouvons-nous parler d’une évolution de l’effet Mandela ? Quelles conséquences pourraient avoir ces modifications à la source, à votre avis ?

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Netflix
Netflix
Par : Netflix, Inc.
4.1 / 5
14,5 M avis
2 commentaires
2 commentaires
  1. Il n’y a en effet pas que les gamers qui peuvent être victimes du phénomène de disparition de contenus achetés. C’est aussi le cas pour les films achetés sur les plateformes de streaming. Les films peuvent disparaître du jour au lendemain sans prévenir ni raison, des catalogues des plateformes et par conséquent, des bibliothèques personnelles.

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