Ikea a connu une crise profonde durant les premiers mois de l’année 2020. Une traversée difficile de la crise sanitaire, pour une société qui a cherché à perfectionner l’expérience client en priorisant avant tout le physique au numérique. En France, ses 34 magasins ont dû fermer leurs portes pour répondre aux nouvelles règles sanitaires, participant grandement à la baisse du chiffre d’affaires de la société de 7 % sur un an, entre le 1er septembre 2019 et le 31 août 2020.
Le géant de l’ameublement n’est plus le leader. Au sein de l’hexagone, son concurrent But-Conforama (cession de Conforama à Mobilux, le 8 juillet dernier) a pris les devants et domine maintenant le marché. Le logo jaune sur fond bleu est détrôné. Son modèle est en retard. Certainement pour la première fois, l’idée de génie de son fondateur Ingvar Kamprad, en 1956, va devoir être revue et corrigée.
Les raisons du succès
Le succès d’Ikea est un parfait symbole de la mondialisation : ses raisons sont les mêmes en France qu’à travers le monde. Des meubles en « kit », à monter soi-même, et vendus dans des emballages assez plats pour pouvoir dépasser une barrière loin d’être anodine sur ce marché : les difficultés du transport. La possibilité pour les clients, enfin, de pouvoir faire l’impasse sur la location d’une camionnette ou d’un service de livraison.
En 2020, les barrières ne sont plus les mêmes. Certaines disparaissent quand d’autres viennent bouleverser la recette du succès. Ikea fait partie des principaux concernés. Ses magasins ne sont plus accessibles alors qu’ils étaient un autre ingrédient phare de sa popularité. Des parcours clients étudiés dans le détail, avec des itinéraires tout tracés pour se déplacer dans les rayons. Ikea n’avait pas attendu la crise sanitaire pour installer des flèches dans ses allées…
Au siège néerlandais, la marque n’en a jamais oublié ses origines. Elles sont suédoises, et tout le monde les connaît. Grâce à son restaurant particulièrement. En 2017, il était rapporté que ses activités de restauration lui avaient permis de générer 1,8 milliard d’euros de chiffre d’affaires. Mais le calcul oublie encore d’intégrer les retombées économiques sur les ventes de meubles, un service récréatif transformant les magasins en programme de sortie – en lieu de vie.
250 millions d’euros
Il aura fallu attendre une crise. Mais pas n’importe laquelle. Une crise sanitaire avant tout, pour faire d’Ikea un modèle en retard sur les habitudes de consommation des clients. La fermeture obligatoire des magasins pendant plusieurs mois a provoqué un vent de panique et rien qu’en France, Ikea a débloqué 250 millions d’euros pour investir.
Dans son palmarès, ses investissements en Chine sont bien plus importants. L’année dernière, son exercice comptable avait répertorié un investissement de 1,3 milliard d’euros pour renforcer son intégration au sein du pays. Mais la nouvelle cagnotte présentée en ce mois d’octobre par Ikea France est de nature exceptionnelle, symbole d’une crise et d’un bouleversement loin d’être maîtrisé.
L’investissement sera déployé sur les deux années à venir. Au programme, la moitié du montant injecté sera utilisé pour développer et lancer de nouveaux outils digitaux. Ikea a vu ses ventes en ligne augmenter de 44 %, représentants maintenant 15,4 % de son chiffre d’affaires. Mais parmi les millions investis, l’autre moitié sera consacrée aux magasins. Car Ikea explique encore continuer de capitaliser sur son modèle d’enseignes physiques.
Walter Kadnar, PDG d’Ikea France, se disait « confiant » à ce sujet. Mais les projets annoncés pour moderniser le modèle semblent encore dépendants du réseau de magasins physiques. Place de la Madeleine à Paris, l’un de ses nouveaux formats de magasins – plus petit pour accéder aux clients des centres-ville – connaîtra « quelques ajustements ». Ikea parle d’investissements pour « accélérer les synergies entre le monde physique et le monde digital », là où la firme tente avant tout de sauver les meubles.
Sa politique d’expansion des magasins, renforcée ces trois dernières années, sera certainement remise en question face à l’accélération du e-commerce provoquée par la crise sanitaire. Ikea en est conscient, s’en réjouit autant qu’il risque de s’en alarmer : « en trois ans, nous avons multiplié par quatre le chiffre d’affaires en ligne » déclarait le PDG d’Ikea France. Une croissance respectable et profitable, mais qui pour la première fois prenait à contre-pied la stratégie de la société.
Trouver un palliatif et réinventer la recette
Certains disent d’Ikea qu’il aurait dépassé la Bible en nombre d’exemplaires physiques de son catalogue. Diffusé pour la première fois en 1951, il est aujourd’hui distribué à 250 millions d’exemplaires, dans une trentaine de langues et sur une cinquantaine de marchés. Plus impressionnant encore : sur les dix millions d’habitants suédois, l’édition 2018 avait même été envoyée à 3 millions de foyers.
Ikea, l’un des derniers représentants de la vente physique et de l’expérience client originale va devoir bien plus que mettre la main à la poche. Lors de la présentation de ses résultats le 15 octobre, son patron français a donné des détails sur les investissements digitaux. Mais pour l’heure, il s’attardera sur une technologie de paiement Shop and Go, qui se limite à du scan d’articles par le client pour réduire le temps à la caisse.
Demain, le parcours devra être repensé sur internet. Une étape complexe, qui modifiera certainement l’image de la marque, à devoir remplacer ses restaurants, ses parcours fléchés et ses jeux pour enfant. Si l’expérience digitale veut trouver un héritage de la recette d’antan, des projets dans la réalité augmentée et la réalité virtuelle pourraient alors être souhaités. Ikea s’en est déjà rapproché, et ne devrait pas tarder à considérer la technologie comme un palliatif, en attendant de se trouver un nouveau parcours fléché.
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Hadrien
Une coquille dans le texte
C’est Madeleine la célèbre place parisienne 😉