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La technologie au chevet de Notre-Dame de Paris

Relevés laser, modélisations et simulations numériques vont permettre de restaurer la cathédrale.

Alors que le secteur du bâtiment continue d’effectuer sa transition numérique, les acteurs de la restauration et de la conservation des monuments historiques utilisent, eux aussi, ces nouvelles technologies depuis plusieurs années. La restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, suite à son incendie, s’annonce comme l’un des projets majeurs de la première moitié du XXIème siècle et les outils numériques sont appelés à y jouer un grand rôle.

Le numérique comme source documentaire

La première tâche à effectuer lorsqu’on est en charge de la conservation d’un édifice patrimoniale, c’est d’en effectuer des relevés. Ces derniers servent à mieux comprendre le bâtiment et à bénéficier d’une source d’informations indispensable lors de sa restauration. Depuis quelques années, les relevés laser en 3D sont venus compléter les plans, les coupes et les inventaires. Par chance, une entreprise spécialisée avait, il y a quelques années, effectué à Notre-Dame de Paris un relevé dit « en nuage de point » de la charpente de la cathédrale, la fameuse « forêt » désormais réduite en cendre. L’entreprise Arts Graphique et Patrimoine avait effectué ces relevés (150 scans de précision millimétrique, 3 à 5 milliards de points) à différentes périodes et a retrouvé opportunément les données dans ses archives. Elles seront d’une importance capitale si décision est prise de reconstituer la charpente à l’identique.

Diagnostic et enquête pénale

Dès les premiers jours après l’incendie, l’équipe d’AGP est déjà au travail. Sur ordre du Ministère de la Culture et du préfet de Région, l’équipe dresse un relevé 3D de la cathédrale après l’incendie en relevant 30 à 40 milliards de points. Des drones sont utilisés pour intervenir dans les zones inaccessibles. Objectif : comparer la situation après l’incendie avec les anciens relevés pour visualiser les impacts, localiser les points de fragilité et définir les interventions urgentes de consolidation. Gaël Hamon, dirigeant d’AGP, pense même pouvoir contribuer à l’enquête en cours, destinée à comprendre l’origine de l’incendie.

Notre Dame de Paris après l'incendie
Relevé laser FARO à l’intérieur de Notre Dame de Paris après l’incendie. © AGP

« On a pas attendu Ubisoft pour modéliser Notre-Dame »

Mais la documentation numérique ne se limite pas à la charpente, l’ensemble de l’édifice a été scanné avec différents niveaux de précision. C’est le cas notamment de la fameuse flèche édifiée par Viollet-le-Duc au XIXème siècle, elle aussi disparue. Ces relevés compléteront avantageusement les documents traditionnels. Si la presse s’est fait l’écho, il y a quelques jours, de la possibilité de se servir du modèle numérique développé par Ubisoft pour son jeu Assassin’s Creed Unity, au ministère de la Culture, on tient à nuancer les choses. « Notre-Dame dans Assassin’s Creed est un très bel objet, mais il n’est pas fidèle à la réalité, c’est un jeu. Et l’on n’a pas attendu Ubisoft pour modéliser Notre-Dame !» grince-t-on à la direction des Patrimoines. « Depuis plusieurs années, on fait appel à des sociétés spécialisées comme AGP ou Life3D pour faire des relevés 3D d’une précision millimétrique».

Modélisation de la voûte de la Nef de Notre Dame de Paris
Modélisation de la voûte de la Nef de Notre Dame de Paris. © AGP

Les vertus de la simulation

Le numérique permet donc de documenter l’édifice en amont du sinistre, d’en réaliser un diagnostic après, mais peut aussi contribuer à la restauration elle-même. Lorsqu’architectes, ingénieurs et historiens de l’art devront établir un programme, ils devront prendre en compte l’état de la structure, dont certains éléments ont été endommagés comme la voûte de la nef, qui s’est partiellement écroulée, fragilisant l’ensemble. Mais en travaillant selon le processus BIM (Building information Modeling), les ingénieurs pourront, grâce à une maquette numérique intégrant l’ensemble des données techniques (résistance des matériaux, poussées, fragilités, pathologies, etc.) étudier l’opportunité et la faisabilité de chaque solution de restauration (matériau de la charpente, dessin de la flèche, etc.). Ce qui hier relevait de calculs complexes et d’une part d’incertitude est aujourd’hui précisément modélisé par l’ordinateur, qui permet aussi de simuler le vieillissement de l’édifice et de prévenir les risques.

Des documents pour la postérité

Le progrès des technologies de l’information permet aujourd’hui de créer de véritables doubles numériques des bâtiments. Ces jumeaux informatiques, utiles pour la conception, le sont également pour la compréhension du geste architectural et la conservation de sa mémoire. Quel que soit le choix qui sera fait pour la restauration de Notre-Dame, les relevés effectués sur l’édifice et les modélisations qui en sont tirées pourront servir aux architectes et historiens de l’art du futur. C’était justement la démarche d’Andrew Tallon, un universitaire américain qui avait entrepris lui aussi de scanner l’édifice parisien il y a quelques années. En matière de cathédrale, si le temps politique s’inscrit dans l’urgence, le temps de la connaissance s’inscrit, lui, dans la durée, c’est-à-dire celle de la transmission et de la postérité. Et c’est bien là le principal message que les cathédrales gothiques nous ont laissé.

Modélisation de la flèche de Notre Dame de Paris.
Modélisation de la flèche de Notre Dame de Paris. © AGP

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