Il restera malgré tout l’un des entrepreneurs les plus puissants de la Chine dans l’économie numérique. Jack Ma, le célèbre fondateur d’Alibaba, devrait quitter prochainement Ant Group, sa filiale spécialisée dans les technologies financières telles que Alipay. En tant qu’actionnaire majoritaire, Jack Ma faisait de l’entreprise sa dernière source de pouvoir, mais après une “pression extrême des régulateurs chinois” ces douze derniers mois, il s’apprête à faire un pas en arrière.
Jack Ma a déjà définitivement quitté Alibaba en 2019 au moment où les autorités chinoises étaient le plus sévères avec ses entreprises locales tournées vers l’international. Sa sortie de Ant Group souligne un fait assez surprenant : avec la conjoncture économique actuelle, il semblait que le gouvernement avait quelque peu lâché du lest pour laisser tranquille ses BATX (Baidu, Alibaba, Tencent, Xiaomi). Mais dans un article du Wall Street Journal, le contraire vient d’être démontré.
Cela rappelle un point clé, souvent oublié, dans l’affaire entre Jack Ma et l’État. Trop souvent résumés à un conflit de grandeur, d’une volonté de s’étendre à l’international, les rapports entre le milliardaire et le Gouvernement chinois s’étaient surtout tendus vis-à-vis de la volonté de libéralisme financier de la part du fondateur d’Alibaba. Comme le notait l’essayiste et entrepreneur français Charles Gave, “la monnaie est un privilège étatique. […] Les Chinois n’aiment pas la libéralisation financière parce qu’elle contribue à devenir indépendant de l’État”.
Or c’est tout ce que cherchait à faire Ant Group. Dans la préparation de son introduction en Bourse en novembre 2020, la société chinoise dévoilait son nouveau plan de prêts pour les particuliers, une offre de crédit totalement indépendante de l’État, de ses sécurités et de sa supervision.
L’ombre d’elle-même
L’annulation à la dernière minute de celle qui devait être la plus grosse introduction en Bourse de l’histoire a fortement pesé sur sa capitalisation. Dans les colonnes du Wall Street Journal, un journaliste estimait que l’entreprise aurait dû peser pour plus de 300 milliards de dollars actuellement, grâce à un portefeuille d’un milliard de clients. Elle est estimée aujourd’hui à seulement 78 milliards. “La licorne n’est plus que l’ombre d’elle même”, jugeait Bloomberg dans un éditorial.
Sans cotation en Bourse ni mainmise de Jack Ma, Ant Group ne suivra pas les mêmes ambitions et le gouvernement pourra d’autant plus contrôler sa stratégie. Selon les autorités financières, Ant Group devrait “revenir à ses racines dans les paiements et apporter plus de transparence aux transactions ; obtenir les licences nécessaires pour ses activités de crédit et protéger la confidentialité des données des utilisateurs ; établir une société financière holding et s’assurer qu’elle détient un capital suffisant”.
Un “travail de rectification”, comme le nommaient les équipes de l’entreprise, qui occupera tout le temps de la filiale d’Alibaba, au dépens de son projet d’introduction en Bourse. Selon Bloomberg, cette nouvelle stratégie tend à rendre Ant Group comme une simple banque, qui ne lui ferait pas dépasser les 30 milliards de dollars de valorisation si elle était amenée à devenir public.
Quant à Jack Ma, cette sortie d’Ant Group signera sa dernière initiative notoire dans son retrait de la vie médiatique. Grâce à cela, l’homme d’affaires semble pouvoir jouir d’une plus grande liberté, alors qu’au même moment de l’annonce sur son potentiel départ, nous apprenions qu’il avait débuté un voyage en Europe. Cela faisait deux ans qu’il n’avait pas mis les pieds autant de temps en dehors du territoire chinois. Sa venue a déjà été l’occasion de visiter l’Autriche et les Pays-Bas, et rencontrer des universitaires pour parler écologie et agriculture durable.
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