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Quelle est la (véritable) frontière de l’espace ? 

L’espace, ce monde inconnu fait rêver des millions de personnes, mais comment le définirions-nous ? Où commence l’espace ?

Le débat grandit de jour en jour depuis le vol, le 11 juillet dernier, de Richard Branson « dans l’espace ». Aussi tôt dit, aussi tôt contredit, Jeff Bezos, qui vient lui aussi de s’élancer pour l’espace à rappeler au monde entier l’existence de la ligne de Karman, avec en toile de fond, une question scientifique des plus intéressantes : où est l’espace ?

C’est par cette question, qui peut pourtant paraître des plus simples, que nous avons commencé notre conversation avec Olivier Sanguy, l’expert des questions spatiales pour de nombreux médias comme France Info, M6, ou encore le groupe Radio France, et aujourd’hui rédacteur en chef de la Cité de l’Espace à Toulouse. Une question qui est finalement bien plus complexe qu’il n’y paraît.

Dans l’espace, l’atmosphère devient de moins en moins dense de manière graduelle. Il est impossible de fixer une limite nette comme on peut fixer une frontière entre deux pays.

La ligne de Karman : référence internationale

Pour essayer de fixer une limite, il faut donc commencer par définir ce qu’est l’espace. L’endroit où il n’y a plus d’air ? Faux, estime Olivier Sanguy, car même à 400 kilomètres d’altitude, à la hauteur de la station spatiale internationale, l’air est toujours présent. Il est rare, très rare même, mais il a un impact non négligeable sur les trajectoires de la station. Cet air vient en effet créer un frottement autour de la station, qui doit effectuer des rehausses de sa trajectoire très régulièrement pour éviter de tomber vers nous. « La station perd environ 100 mètres d’altitude par jour », rapporte l’expert.

« Il fallait donc bien fixer une limite, et Karman, qui est un des pères de l’aéronautique, à décider de prendre 100 kilomètres, un chiffre rond, simple à retenir ». Cette valeur, si elle peut sembler plus pratique que scientifique n’a pour autant pas été prise au hasard, « elle correspond plus ou moins à l’altitude ou les mouvements de gouverne n’ont plus aucun effet sur la trajectoire d’un aéronef » explique-t-il.

Dit autrement, pour monter, descendre, aller à gauche ou à droite à cette altitude il faut utiliser la poussée de moteurs-fusées, et non la simple force de friction de l’air, comme le ferait un planeur. « C’est cette définition-là qui a été retenue par la fédération internationale de l’aéronautique » conclut Olivier Sanguy

80 kilomètres : la nuance américaine

Si les 100 kilomètres sont donc la mesure internationale pour définir la frontière de l’espace, les Américains, eux, ont une autre définition de cette limite, qu’ils fixent à 55 miles (environ 80 kilomètres). « Cette mesure leur vient historiquement du programme X15 » – des avions-fusées militaires qui ont envoyé les premiers Américains dans “l’espace” ndlr –  « Quand les pilotes dépassaient les 55 miles, l’US Air force leur donnait les ‘ailes des astronautes’ une distinction décernée aujourd’hui à toute personne qui va dans l’espace » explique Olivier Sanguy. « Scientifiquement, 80 kilomètres est une valeur tout aussi défendable que 100 kilomètres, il y a assez peu de différences entre les deux conditions de vol » assure-t il également.

Si les conditions de vol sont similaires, il est malgré tout plus difficile d’aller à 100 kilomètres d’altitude plutôt que de s’arrêter à 80. Le SpaceShipTwo de Virgin Galactic, qui a amené Richard Branson aux frontières de l’espace ne peut pas (encore) aller à 100 kilomètres « bien qu’il ait été pensé pour », rappelle Olivier Sanguy. Pour des questions de puissance moteur mais aussi de fiabilité, la capsule étant, selon les rumeurs, trop sensible pour supporter un tel vol, le SpaceShipTwo, à la différence du premier modèle de Virgin Galactic le SpaceShipOne, ne peut pas rejoindre l’espace comme l’a définit Karman.

Orbite et espace : deux choses différentes

Une autre hypothèse récemment formulée propose de fixer la limite de l’espace à 150 kilomètres, l’altitute minimale pour envoyer un objet en orbite circulaire autour de la Terre. Cette hypothèse a le mérite de donner une définition simple de l’espace : « l’endroit où l’on peut être en orbite autour de la Terre ». Une idée qui ne plaît pas beaucoup à Olivier Sanguy qui rappelle qu’aller en orbite et dans l’espace sont deux choses bien différentes.

« Il y a des fusées-sondes qui montent à 300 ou 400 kilomètres sans jamais être en orbite, pourtant elles sont bien dans l’espace », explique-t-il. « On peut être dans l’espace sans être en orbite, il est d’ailleurs bien plus simple d’aller dans l’espace que de se satelliser (se mettre en orbite) ». 

À titre d’exemple la fusée New Shepard de Blue Origin qui vient d’envoyer Jeff Bezos dans l’espace a atteint la vitesse de Mach 3 (près de 4000 km/h) alors que la vitesse minimale pour se mettre en orbite est de 28 000 kilomètres par heure. Aller dans l’espace n’est donc pas chose aisée, mais se mettre en orbite relève de toutes autres qualifications, dont l’industrie du New Space ne dispose pas encore, pour des vols touristiques.

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