Quels sont les pays contre la voiture électrique en Europe ?

• En plus de l’Allemagne, l’Italie et plusieurs pays d’Europe de l’Est forment désormais un bloc pour créer des exceptions dans le texte qui doit interdire les voitures thermiques à partir de 2035 en Europe
• Au coeur de cette passe d’armes : les carburants synthétiques (e-Fuel) que souhaitent développer certains constructeurs
• Les discussions entre l’alliance pro e-carburants et la Commission se poursuivent, pour le moment – mais la position allemande semble s’imposer peu à peu

L’Allemagne s’est rapproché de l’Italie, de la République tchèque, de la Hongrie, de l’Italie, de la Pologne, de la Roumanie et de la Slovaquie en marge d’une réunion des ministres des Transports européens lundi 13 mars 2023. Leurs gouvernements s’opposent en effet tous à l’interdiction des voitures thermiques à partir de 2035 sur le Vieux Continent – en tout cas en l’état actuel du texte.

Là où ça coince, c’est que le projet prévoyait jusqu’ici de totalement mettre les voitures à essence et diesel sur la touche. Alors que des constructeurs automobiles parient sur un compromis : celui de voitures “classiques”, mais roulant exclusivement avec un carburant synthétique neutre en émissions carbone – fabriqué en utilisant des énergies renouvelables et des composés carbonés capturés dans l’air.

Pourquoi l’Allemagne et d’autres pays s’opposent à l’interdiction des voitures thermiques

Au moment où nous écrivons ces lignes, d’ailleurs, et alors que les négociations sont toujours en cours, la Commission aurait accepté de soumettre un nouveau projet de texte avec une exemption sous conditions pour les véhicules thermiques roulant exclusivement avec des e-Carburants. En 2022 le Parlement européen, la Commission et les États membres de l’UE se sont mis d’accord pour bannir la vente de véhicules thermiques neufs dans l’UE d’ici 2035.

L’idée avait été validée courant octobre par les 27 États membres, dont l’Allemagne. Le volte-face du pays il y a quelques semaines était donc une surprise. Volker Wissing, ministre des transports allemand, avance de son côté que se priver de véhicules thermiques roulant exclusivement avec des e-carburants nuirait à l’innovation en Europe. Plusieurs constructeurs allemands, en particulier Volkswagen et Porsche croient en l’avenir des véhicules roulant au “e-Fuel”.

Bien sûr la technologie a des avantages, au moins sur le papier : elle permet de continuer d’utiliser (et de développer) des technologies de motorisation extrêmement bien maîtrisées, et de ne pas forcer tous les constructeurs à électrifier leurs gammes. Côté consommateur, le e-Fuel garantit de ne pas trop changer les habitudes, que ce soit du côté de l’autonomie, ou de la manière de faire le plein.

A lors que l’on parle de carburant synthétique, il faut souligner que la fabrication proprement dite du carburant est de facto une forme de stockage d’électricité particulièrement inefficiente. En effet, pour être neutres en termes d’émission, les e-Fuels doivent nécessairement être générés via des procédés industriels requerrant à la fois de capturer du CO2 et de casser et réassembler la molécule en un hydrocarbure par hydrolyse ou d’autres procédés utilisant de l’électricité, avant de procéder à du raffinage…

Les voitures thermiques roulant au e-Fuel sont-ils une chimère ?

Comme il faut pour cela construire des unités de production d’énergie renouvelables (dont la construction proprement dite n’est pas neutre d’un point de vue émissions) et que la consommation du secteur promet d’être excessive (après tout aucun moteur à combustion n’a une efficacité de 100 %), ces e-Fuels ne seront jamais vraiment neutres énergétiquement.

D’autres acteurs redoutent que l’ajout d’exemptions pour les e-carburants ne provoque une incertitude réglementaire au sein de l’UE, débouchant sur la rémanence sur le marché de véhicules thermiques au-delà de 2035, ainsi que potentiellement un soutien de la demande en carburants “non-décarbonés” au-delà de cet horizon.

L’industrie automobile emploie plus de 800 000 allemands et représente le secteur le plus important de l’économie allemande, générant environ 417 milliards d’euros par an. Porsche et Volkswagen sont, on vous le disait, aux avant postes sur le sujet. Mais tous les constructeurs ne sont pas au diapason, y compris en Allemagne. A l’image de Audi, qui s’oppose à la position du ministre des Transports allemand, et donc au report du vote.

Audi parie de son côté sur une électrification complète de ses gammes à l’issue de cette décennie histoire d’être prêt à l’horizon 2035, quoi qu’il arrive. Reste que, au-delà de ces décisions, les consommateurs européens pourraient bien faire pencher la balance en faveur de l’électrique.

Fabriquer les e-Fuels sera cher (le prix du litre le sera donc également…), et il est vraisemblable que charger sa voiture électrique soit in fine beaucoup moins cher que de faire le plein de carburant synthétique. Et avec l’évolution des technologies de charge rapide, il n’est même plus certain que d’ici 10 ans faire le plein d’essence soit moins long que de charger son véhicule…

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