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Comment la ville de Los Angeles utilise les données des trottinettes en libre-service pour optimiser les flux de circulation

Los Angeles fait partie des mégapoles en pointe dans l’intégration des dispositifs labellisés “smart city”. Focus sur l’une des dernières expérimentations en cours.

Il n’aura pas fallu très longtemps pour que les municipalités concernées par l’émergence des nouveaux moyens de mobilité individuelle se penchent de près sur la question en vue de légiférer et de contraindre leur usage. On pense bien sûr en premier lieu aux trottinettes électriques (et un peu aux vélos) en free floating, ou en libre service sans point d’attache.

Mais certaines villes souhaitent aller plus loin et s’intéressent désormais au filon en or que représentent les données générées par les millions de trajets effectués par ces trottinettes en (semi) liberté, conscientes que l’analyse des flux d’informations provenant de ces engins pourraient être utilisées pour contribuer à résoudre les problèmes d’encombrement des transports.

Il faut dire qu’il y a de la matière. Le leader Lime, présent dans 120 villes dans le monde (dont Lyon, Marseille et Paris), a franchi en septembre 2019 le cap des 100 millions de trajets dans le monde, avec une distance moyenne par location de 1,7 kilomètre. Quand on sait que Los Angeles fut l’une des premières villes servies par la start-up et que c’est aussi l’une des plus étendues au monde, on comprend que les responsables en charge de la circulation et des transports de la municipalité lorgnent avec appétit sur ces données. Comme chez nous, l’arrivée des trottinettes et vélos en libre-service a été saluée comme une partie de la solution à l’engorgement des routes et aux retards insupportables des déplacements. Et le marché – même s’il reste quelque peu chaotique et qu’il a déjà fait plusieurs morts – reste prometteur,  avec une projection évaluée à 15 milliards de dollars par an aux États-Unis et en Europe d’ici 2025, selon une étude du Boston Consulting Group.

Récupérer les données des trottinettes pour modifier en profondeur les flux de circulation

Mais de quoi s’agit-il exactement ? Après avoir conclu un accord avec la municipalité, les opérateurs de mobilité électrique individuelle ouvrent un accès à leurs données anonymisés en temps réel aux services de la ville. Alors que l’identité des conducteurs est inconnue cette dernière, un flux de données provenant du module GPS du scooter et de la liaison avec le téléphone portable – vitesse, heure de la journée, état de charge de la batterie – est envoyé vers des serveurs dans le Cloud en moyenne un million de fois par mois dans le cadre du programme pilote de Los Angeles. Chaque trajet n’est qu’un mince jeu d’octets, mais une fois agrégées, ces données représentent une ressource inestimable pour les planificateurs et les décideurs politiques qui rêvent tous de libérer l’agglomération tentaculaire de l’emprise de l’automobile. Ce qui ne sera probablement pas une mince affaire quand on connait les infrastructures de la Cité des Anges et l’aversion de ses habitants pour tout autre mode de déplacement que la sacro-sainte voiture individuelle.

Cet ensemble de données est ensuite traité en vue de résoudre les problèmes de congestion de circulation. Le fait de savoir quels itinéraires ont été empruntés permet aux responsable des services de voirie de planifier les infrastructures. Afin de collecter les données, une  norme a été créée par le département des transports de Los Angeles : la spécification des données de mobilité, ou M.D.S. En tant que plate-forme logicielle Open Source reposant sur un ensemble d’interfaces de programmation d’applications – les protocoles de communication entre les parties d’un programme informatique – la M.D.S. est aujourd’hui utilisée par plus de 50 villes américaines et des dizaines d’autres dans le monde entier.

Des données et du civisme assisté par GPS

Comme le rapporte le New York Times (source au pied de cet article), l’expérimentation de Los Angeles a suscité des vocations. La ville de Hoboken, banlieue de New York située dans le New Jersey est également intéressante à observer. D’une superficie de 1,5 km2, avec 55 000 habitants et peu de dénivelé, elle accueille des milliers de personnes qui transitent chaque jour par bus, trains et ferries pour se rendre au travail à Manhattan, de l’autre côté de l’Hudson. Le projet pilote de Hoboken, qui a débuté en mai 2019 avec Lime, s’inscrit parfaitement dans les objectifs de durabilité existants. Un accord de partage des revenus a permis d’apporter 35 cents par trajet à la ville, ce qui a permis de payer les agents chargés de l’application du code de la micro-mobilité. Une enquête réalisée à la fin du programme a montré que quelque 82 000 cyclistes ont parcouru 613 000 miles. Mais l’étude a fait ressortir ce qui est probablement le point remarquable : plus de la moitié des personnes interrogées ont déclaré que les trottinettes leur permettaient de réduire leur utilisation des taxis, des services de transport ou des voitures personnelles.

On sait également que certaines sociétés de trottinettes mettent désormais en avant leur implication citoyenne en communicant notamment sur les questions de sécurité et de civisme. A Lyon par exemple, Lime a conclu un accord avec la municipalité pour limiter le champ d’action de ses trottinettes à certains axes, avec notamment un bridage automatique géo-localisé limitant la vitesse des engins à 8 km/h dans certaines zones (j’en ai fait l’expérience hier et j’ai d’abord cru que ma Lime était tombée en panne… ) Ce type d’initiative permet de réduire la conflictualité entre trottinettistes et piétons.

Cependant, même si elles sont intéressées par ces dispositifs de traitement de la data, toutes les villes ne sont pas prêtes à les gérer, ou ne possèdent pas les ressources pour le faire. Certaines start-ups se sont ainsi opportunément positionnées sur ce marché, comme Lacuna, une jeune entreprise californienne spécialisée dans le traitement des données du free-floating et des VTC à destination des services de transports des municipalités.

L’arrivée des moyens de déplacement en libre-service dans les villes a parfois été accusée de créer le chaos, alors que les effets positifs sont rarement mis en avant (sauf par les utilisateurs, mais ils ont rarement droit à la parole, que l’on préfère accorder aux râleurs). L’utilisation intelligente des données générées par ces engins est pourtant l’approche la plus pragmatique et la plus pertinente, et les villes qui l’ont compris seront peut-être celles qui prendront une avance décisive dans l’amélioration de la qualité de vie pour tous les habitants, qu’il se déplacent ou pas, et quelque soit leur moyen de transport.

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