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J’ai testé la dernière Audi A8 de l’histoire, puis il s’est mis à neiger

Elle fût le porte-étendard chez Audi pendant 28 ans. Bientôt, elle devra laisser sa place. Notre essai de la dernière A8 de l’histoire.

Le marché automobile fait face à une impasse dans laquelle deux forces le menacent. La transition soudaine vers l’électrique et la pénurie des composants, renforcée avec la crise ukrainienne, ont entraîné les constructeurs vers des prises de décision rapide. Et souvent, l’impasse. Celle d’un nom, d’une marque ou d’un modèle. Un nom qui renvoie à l’image d’un moteur essence, ou pire, d’un diesel.

Volvo a laissé la place à Polestar, sa nouvelle marque 100% électrique. Bientôt, ce sera au tour de Renault d’accoucher d’un nouveau nom décarbonisé, sur lequel reposera tout son espoir. Quant aux autres, qui refusent de cacher leur héritage, l’impasse les obligera à renommer leur gamme. Le Taycan plutôt que la Panamera, la nouvelle EQS succédant à la Classe S

À Madrid, mi-avril, c’est pour l’héritage de la toute dernière génération de d’Audi A8 que me voici sur la route, en direction de la ville fortifiée d’Avila. Après 28 ans de service, sous de multiples générations, la berline entre mes mains sera remplacée par un modèle dérivé du concept “Grand Sphere”. Une ultime version, censée couronner le tout. Mais en réalité, un modèle qui trouvera très peu d’acheteurs. Audi les estime à une centaine en France cette année.

Audi A8 2022 essai style
© Presse-citron

Le porte-étendard d’Audi n’est plus

Le segment de l’Audi A8 est celui des berlines à chauffeur. Pour les marques qui se sont positionnées dessus, leur modèle fait office de porte-drapeau – aux technologies les plus avancées. Ces dernières décennies, l’A8 s’est frottée aux Mercedes Classe S, Volvo V90, BMW Série 7, Jaguar XJ et autre Lexus LS. Toutes ont, à un moment où un autre, innové et fait rayonner les valeurs de leur marque, sur le confort, les avancées technologiques et de motorisation, tout comme sur leur qualité d’assemblage.

Le segment de l’Audi A8 est celui des berlines à chauffeur. Pour les marques qui se sont positionnées dessus, leur modèle fait office de porte-drapeau – aux technologies les plus avancées.

On se souvient de l’habitacle très futuriste (tout en écran) de la Classe S, avec ses nouveaux airbags pour les sièges passagers (jusque dans la ceinture). La BMW Série 7, aussi, était l’une des premières à proposer une solution pour faire avancer sa voiture pour la garer via son smartphone. Depuis, la Lexus LS a même lancé une technologique qui mémorise ses emplacements les plus fréquents, pour aider le conducteur à les effectuer sans le moindre effort.

Audi A8 2022 essai profil
© Presse-citron

Après cinq ans de commercialisation, l’ancienne A8 se retire pour laisser place à cette nouvelle et ultime version. Mais après des années en tant que porte-drapeau, voilà que le modèle ne présente aucun vrai changement. L’A8 était le porte-étendard d’Audi en matière de technologies, mais l’urgence de passer à l’électrique et la concurrence de Mercedes ont poussé la marque à délaisser son développement dans l’attente de son remplaçant électrique.

L’urgence de passer à l’électrique et la concurrence de Mercedes ont poussé la marque à délaisser son développement dans l’attente de son remplaçant électrique.

Premier constat, l’esthétisme ne change guère. Outre les feux et la calandre, rien ne détonne face à la précédente version de 2017. Pour trouver des améliorations, il faut se tourner vers les motorisations et l’arrivée d’une vraie version hybride. Celle de 2017 était très rudimentaire.

Un V6 TFSI 3.0 de 340 ch est couplé à un moteur électrique de 120 ch placé à l’arrière, pour une puissance totale de 462 ch. Ensemble, les deux blocs permettent d’abaisser les consommations à 7 litres (selon nos mesures sur 500 kilomètres de routes mixtes). Un mode 100% électrique fait son arrivée et permet de rouler près d’une cinquantaine de kilomètres (mode à préférer en ville ou à vitesse régulée).

Une proposition diesel, pour offrir plus de 1000 kilomètres d’autonomie, est toujours disponible, mais son malus exorbitant limitera le nombre d’exemplaires vendus à une dizaine seulement en France.

Sans une version hybride accomplie, Audi n’aurait pas pu commercialiser cette dernière génération de la berline. Le marché européen ne permet plus de lancer des modèles sans une solution hybride voire 100% électrique. Une spécificité qui change du marché asiatique. Sur place, l’Audi A8 est aussi proposée en version “S8” avec un modèle 100% thermique essence au V8 de 517 ch.

Audi A8 2022 essai habitacle
© Presse-citron
Mercedes EQS
En face, l’habitacle de la nouvelle Mercedes EQS © Mercedes

L’impasse d’un habitacle conservateur

Avant de prendre la route en direction d’Avila, à l’ouest de Madrid, j’ai pu profiter de l’A8 en tant que passager, sur le siège à l’arrière qui – l’usage le veut – s’avère le plus pertinent pour apprécier la voiture. Ici, l’acoustique est toujours excellente. La voiture est encore plus silencieuse avec sa nouvelle version hybride, et les mélomanes trouveront une option Bang and Olufsen pour passer d’une sono classique de 730 watts à une autre de 1920 watts.

J’ai pu profiter de l’A8 en tant que passager, sur le siège à l’arrière qui – l’usage le veut – s’avère le plus pertinent pour apprécier la voiture.

Mais autour de moi, les changements sont difficiles à trouver. Je suis à bord de l’Audi A8 de 2022 comme je l’étais dans l’A8 de 2017. Il faut dire que les améliorations concernent des technologies déjà présentes à bord de la précédente génération. Cela se résume surtout aux deux écrans individuels (option à 2200 euros sur toutes les versions) qui sont maintenant compatibles avec Android Auto et Apple Car Play, pour pouvoir diffuser le contenu de son smartphone.

Audi A8 2022 essai ecran siege arriere
© Presse-citron

Le reste de la batterie d’accessoires ne change pratiquement pas. Sur certains points, les technologies reculent. C’est le cas de la tablette située entre les deux sièges, sur l’accoudoir, qui n’est plus amovible. Sur les contre-portes, un bouton pour faire baisser les pare-soleils est loin d’être bien pensé : on ne sait jamais quoi entre les pare-soleils des fenêtres, du hayon arrière ou du toit se fermera sous notre pression sur le bouton.

Audi A8 2022 essai places arriere ecran
© Presse-citron

À l’avant, les équipements sur la planche de bord ne varient pas comparé au modèle d’il y a cinq ans. Les écrans sont les mêmes, tout comme le choix des matériaux. L’ensemble est classique… pour ne pas dire conservateur. En face, Mercedes a déjà fait table rase du passé sur le style de sa nouvelle Classe S. Un choix qu’Audi n’a pas pris, laissant la nouvelle et dernière berline A8 sensiblement tournée vers les modèles de la dernière décennie.

L’ensemble est classique… pour ne pas dire conservateur. En face, Mercedes a déjà fait table rase du passé sur le style de sa nouvelle Classe S.

Alors forcément, pas de comparaison possible avec Tesla et son système d’infodivertissement. L’Audi A8 a beau disposer d’une connectivité internet, son interface, ses applications et sa fluidité ne rivalisent pas. Pour lire un divertissement sur les écrans arrière, il faudra passer par un câble HDMI ou un smartphone. Et comble de l’inconfort, les deux écrans ne sont pas reliés et il ne sera pas possible de diffuser le même contenu, en simultané. Audi aurait pu faire comme Volvo : signer un partenariat avec Google pour limiter un peu son retard. Surtout sur un modèle à plus de 100 000 euros.

Tarifs de l’Audi A8 2022 :

Motorisation/FinitionA8AvusAvus Extended
Audi A8 50 TDI (diesel)99 000 €111 600 €117 200 €
Audi A8 60 TFSI e (hybride)116 500 €129 100 €134 700 €
Audi A8 2022 essai places arriere
© Presse-citron

Heureusement, la voiture n’a pas perdu de son prestige et de sa qualité de fabrication optimale. On se retrouve avec une berline où le confort fait un sans-faute et où les assemblages sont parmi les meilleurs de l’industrie actuelle. À condition toutefois d’aller piocher dans les options, quelle que soit le niveau de finition choisi, y compris Avus Extented (le plus haut). En ouvrant la liste, on peut voir que la caméra de recul n’est pas de série sur le modèle de base… à partir de 116 500 euros.

Les écrans à l’arrière coûtent 2200 euros, la télécommande centrale pour les sièges arrière 600 euros et la vision nocturne, qui traduit sur l’écran numérique les obstacles de nuit, coûte 2570 euros de plus. Longue de 5,17 m (ou 5,30 m en version Limousine), l’A8 possède un assistant au stationnement, mais lui-même est payant (2850 euros) tout comme les feux Matrix LED, permettant une plus grande précision dans l’éclairage (3540 euros).

Audi aurait pu faire comme Volvo : signer un partenariat avec Google pour limiter un peu son retard. Surtout sur un modèle à plus de 100 000 euros.

Habitacle Audi A8 2022
© Audi

Il lui reste cela, le plaisir de conduire

À quelques kilomètres avant d’arriver à Avila, mon avis sur la dernière A8 s’améliore alors que la voiture reste une parfaite routière, bluffante dans son confort et dans sa polyvalence. Ses roues arrière directrices, accouplées à un châssis excellent, un moteur avec d’excellentes relances (qui se fait discret !) et une suspension adaptative me font oublier l’ennui des SUV ou des citadines électriques. Il lui reste cela. Le plaisir de conduire, ou de se faire conduire.

Le tout, sans se mettre en danger. Dans la descente d’un col, dans la région montagneuse du parc de la Cuenca Alta del Manzanares (avant de trouver les plateaux d’Avila), les technologies de l’ombre de l’Audi A8 ont révélé tout leur potentiel. Le freinage, en communication direct avec le GPS, est préventif de chaque épingle serrée, où nous arrivons trop vite. Une assistance qui n’est pas de refus pour garder le contrôle et ne pas se faire surprendre par les 2,3 tonnes de la voiture (à vide !).

À l’approche d’une zone de ralentissement, un système passif émet une vibration sur la pédale de frein pour nous inviter à freiner également. Très discret et pratique, plutôt qu’un avertissement sonore ou lumineux.

Audi A8 2022 essai arriere
© Presse-citron

Bloqués en A8, sans possibilité d’avancer

Technologies de sécurité active et passive, agrément de conduite, confort… l’héritage n’est pas perdu. Mais l’impasse est bien là. Matérialisée sous nos yeux, après une nuit à Avila. Dehors, le sol recouvert de neige avait contraint la ville à se couper totalement d’un accès à Madrid. Nous sommes en Espagne, en plein mois d’avril, mais une tempête était passée par là, condamnant l’autoroute, les nationales et un itinéraire par le massif montagneux. Rien ne nous permettait de rentrer de ces essais, nous étions bloqués, nous et notre Audi A8.

Technologies de sécurité active et passive, agrément de conduite, confort… l’héritage n’est pas perdu

Parti tôt le matin, je pensais pouvoir passer le col avant que la neige n’ait entièrement effacé la route. Ce n’est qu’en arrivant au sommet, où un croisement devait me donner la direction de Madrid, que le tapis blanc recouvrait absolument tout. J’étais obligé de rebrousser chemin et rentrer à Avila, sur une seule voie de circulation (à contresens…) et avec l’ensemble des autres journalistes à inviter à faire demi-tour.

Lors de cette épopée, la berline aux anneaux s’est montrée irréprochable. Système de transmission Quattro, suspension adaptative et freinage progressif nous ont permis de ne pas partir dans le décor (malgré nos pneus été). Bloqué, il ne me restait plus qu’à profiter des sièges arrière de la voiture et de leur inclinaison pour me réchauffer et travailler en tout confort, en attendant de trouver une solution.

Voilà donc le sort de l’Audi A8. Une berline accomplie, dans un environnement qui ne lui offre plus de chemin pour progresser et pour s’intégrer dans une nouvelle décennie. L’impasse d’un changement drastique dans l’industrie, et d’un segment délaissé au profit de modèles moins chers et à la silhouette de SUV (devenus plus populaires que les berlines).

Voilà donc le sort de l’Audi A8. Une berline accomplie, dans un environnement qui ne lui offre plus de chemin pour progresser et pour s’intégrer dans une nouvelle décennie.

Installez l’ensemble des modèles de la gamme Audi, demandez à n’importe qui son modèle qui lui semble représenter la marque pour son avenir, et il y a de grandes chances pour que la plupart citent l’e-tron Sportback, ou l’e-tron GT. L’A8 a excellé dans les années, 80, 90, 2000 et 2010. Elle n’ira pas plus loin. Place maintenant à sa remplaçante.

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Audi A8 TFSI e 2022

116 500 €
7.5

Conduite

9.0/10

Habitacle

8.0/10

Technologies embarquées

6.5/10

Autonomie

7.5/10

Prix/équipements

6.5/10

On aime

  • Motorisation hybride au point
  • Confort/qualité des assemblages
  • Agréments de conduite
  • Équipements de sécurité active

On aime moins

  • Pas de gros changements par rapport à la génération 2017
  • Système d'infodivertissement en retard
  • Habitacle conservateur
  • Trop d'options
  • Suspension active adaptative (via caméra) indisponible en Europe
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