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On a cherché à comprendre le style du nouveau Tesla Cybertruck

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le design du nouveau pickup électrique de Tesla, le Cybertruck, aurait une utilité toute particulière.

Présenté le 21 novembre dernier, le Cybertruck de Tesla s’est attiré les foudres de guerre. Il faut dire qu’en prenant comme inspiration le film Blade Runner, se déroulant en novembre 2019, mais sorti en 1982, son design n’a pas laissé indifférent les fans de la marque et le grand public d’une façon générale.

Certains l’ont trouvé « horrible », « trop poussé », ou au contraire « révolutionnaire », comme nous pouvions le lire sur Twitter. Mais une chose est sûre, Elon Musk et ses équipes n’ont pas fait les choses de façon aléatoire. Derrière la folie de la marque Tesla, la surprise du Cybertruck pourrait trouver des explications très stratégiques justifiant son design.

Tesla Cybertruck pickup
© Tesla

Une explication physique du design du Cybertruck

Pour cette première piste de réflexion, il faut revenir un petit peu en arrière et s’appuyer sur un autre pickup, lancé à la fin de l’année 2004. Dans un très pertinent article de TechCrunch, une comparaison peu probable a été faite avec la Honda Ridgeline de première génération. Son point commun avec le nouveau Cybertruck : une conception monocoque, loin d’être insignifiante sur le pickup électrique de Tesla.

Le choix n’a pas été anodin, à préférer ce type d’architecture plutôt que la traditionnelle carrosserie sur cadre, distinguant la partie cabine de la partie benne. Pour pouvoir disposer de la meilleure manière ses batteries électriques, Tesla a opté pour la première alternative, car cela permet d’avoir plus de place et d’être moins encombré par le châssis.

Mais malheureusement, ce choix entraîne une difficulté de développement. Aujourd’hui, les pickups sont plus limités par leur châssis que leur moteur concernant l’augmentation de leurs capacités de remorquage. Il y a, effectivement, une hausse proportionnelle des contraintes sur le châssis, qui endure une force amenant la structure à se tordre. La solution conventionnelle est de renforcer le châssis, mais le raisonnement est différent avec une architecture monocoque. Tesla a donc dû opérer différemment.

Si ce n’est pas le châssis qui peut être renforcé, alors cela devra être la carrosserie en elle-même et les supports verticaux. Ce renforcement passe en majeure partie au niveau des montants de pare-brise, mais également de chaque côté de la lunette arrière. Si on regarde le Cybertruck, on peut voit qu’il s’agit effectivement de parties prépondérantes. Vous voyez là où nous voulons en venir…

tesla cybertruck
Les montants du pare-brise et de la lunette arrière sont prépondérants © Tesla

Cette difficulté est celle qu’avait connue le Ridgeline de Honda, mais également l’ensemble des modèles d’un autre segment : celui des SUV. En subissant les mêmes forces sur leur structure, la solution est toujours la même : renforcer le corps de la voiture. Et avec l’augmentation des performances que permet un moteur électrique monté sur un pickup (voir notre article relatif au duel entre le Cybertruck et le F-150 de Ford), le défi est d’autant plus important. Ainsi, le style du nouveau modèle de Tesla pourrait s’expliquer par une contrainte, plutôt que comme résultat de la folie d’Elon Musk.

Une explication marketing, du design du Cybertruck

Changeons maintenant de point de vue et passons sous l’angle marketing et commercial. Cela tombe bien, car Elon Musk est un professionnel de la communication —et chercher à pénétrer le marché des pickups est peut-être bien l’un des exercices les plus difficiles quand on est à la tête d’une marque automobile.

Tout part d’un constat. 89 % de la clientèle de pickup est masculine aujourd’hui masculine. Mais plus pertinent encore, la domination du pickup de Ford s’explique par une psychologie de vente très particulière : les conducteurs du modèle le changent tous les 5 à 10 ans, en renouvelant leur exemplaire avec un autre, de la génération au-dessus. Plus qu’une fidélité, une habitude. Et cela se paie : le F-150 est le pickup le plus vendu aux États-Unis, mais également en première position toute catégorie de segment confondue.

De fait, le défi était grand pour Tesla : faire changer une habitude bien ancrée chez la plupart de la clientèle du segment, avec la difficulté de proposer un véhicule à la technologie alternative et encore presque inexistante sur le marché : le moteur électrique. L’image de marque pourrait également être une contrainte : Tesla n’a pas d’expérience dans le segment et ses voitures sont d’autant plus appréciées par leurs avancées technologiques qu’elles ne sont connues par leurs capacités fonctionnelles et pratiques.

Cela nous amène à nouveau au style du Cybertruck. Finalement, Elon Musk n’avait peut-être pas le choix : il fallait réinventer une catégorie de véhicule, au risque de choquer. Au final, le prochain pickup électrique de Tesla peut effectivement être vu comme un ovni, mais un ovni qui permettra demain d’exceller dans un segment qu’il aura lui-même inventé. Dans le Cybertruck, la sensation d’être dans un pickup n’est pas ressentie : 6 places sont d’ailleurs disponibles, alors que le gabarit du modèle n’est pas sensiblement différent de celui du F-150, en termes de dimensions.

elon musk cybertruck
© Tesla

Pour conclure, permettez-moi une réflexion plus personnelle. En ayant pris l’habitude de couvrir les nouveautés automobiles depuis plusieurs années, je ne me rappelle pas avoir, un jour, eu autant de surprise et d’incompréhension à voir le voile se lever sur une voiture. Dans la salle du Tesla Design Center d’Hawthorne en Californie, une tension assez gênante avait gagné le public. Sur scène, Elon Musk n’était pas non plus très énergétique. Comme plongé dans un sentiment de timidité, les esprits étaient tous égaux, à voir pour l’une des premières fois le marché automobile se transformer. Qu’on l’aime ou non, qu’il s’agisse ou non d’une réussite commerciale, c’était en tout cas l’une des premières fois que les changements en termes de mobilité de demain se faisaient sentir autre part que dans les technologies. Un sentiment de Blade Runner, qui méritera d’en approfondir les réflexions.

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11 commentaires
11 commentaires
  1. Outre la stratégie de mise à jour hyper fréquente des F150, le succès de Ford s’établit aussi dans un placement tarifaire imbattable.
    Avec par exemple le Ford F-150 XL qui est accessible à moins de 30 000 $ et déployant 290 chevaux, la marque réussit à commercialiser un véhicule au rapport prix/puissance incomparable.
    Tesla ayant un positionnement tarifaire plus “haut de gamme” risque fort de rencontrer des difficultés à séduire les PME ou les particuliers à petit budget…

    1. LOL FORD T15 SHELBY A 200 000 $$$
      pourtant tellemnt loin en dessous des performances du TESLA cybertruck qui coute 69900 dans sa version long range et 39900$ pour l entrée de gamme

  2. Je crois que contrairement à ce qu’on pourrait penser au premier coup d’œil, la volonté de réduire la résistance aéro d’un Pick-up explique en grande partie l’esthétique du Cybertruck. Pas de rétro, benne qui se ferme, suspension hydraulique abaissant la garde au sol suivant la vitesse, pare-brise/capot profilé, jantes fermées, panneaux lisses, etc.
    D’ailleurs ça semble être confirmé par les premiers essais CFD des lignes générales du véhicule.
    Par contre que ce soit pour une question structurelle ou aérodynamique, le concept a été très mal expliqué (voir pas du tout…) pendant la conférence, Musk préférant faire du Buzz à grand coup de masse…

    1. J’y vois aussi une façon de réduire les coûts de production. Vitrage plat, carrosserie cintrée plutôt que post-formée. L’investissement dans l’outil de production doit-etre moindre. Sans parler de l’assemblage qui sera grandement simplifié car peu d’éléments de carrosserie…

  3. Une autre piste à considérer pour expliquer le design, c’est le matériau utilisé.
    L’inox ne se travaille pas comme l’acier ou l’aluminium. C’est très raide, très difficile à cintrer et à emboutir. Surtout celui ci qui semble être un inox particulier puisque sorti des productions spaceX.
    Du coup à part faire des arrêtes vives, il n’y avait pas d’autre choix.

  4. Bon, je vais mettre mon grain de sel dans une discussion bien aboutie.

    Nous avons, globalement, actuellement, des voitures de même aspect, de même forme, et par catégorie; elles se ressemblent toutes. Alors, pourquoi ne pas essayer une autre approche du design de ces mêmes voitures, Tesla est un précurseur dans la technologie véhicule électrique (VE), pourquoi ne le serait-il pas pour le design ? Avez-vous déjà vu ce type de forme auparavant ?

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