Sur Roblox, vos enfants sont-ils en danger ?

Le journal Libération publiait ce week-end un article intitulé « Roblox, les dangers d’un jeu d’enfant ». Le quotidien national alerte sur les dangers de cette plateforme de jeux très populaire (et c’est un euphémisme) chez les enfants de moins de 15 ans. En tête des inquiétudes, un pratique doublement discutable : l’ubérisation du travail d’enfants. Pour bien comprendre ce phénomène, nous vous proposons une plongée au coeur de l’expérience Roblox.

Roblox, c’est quoi ?

Créée en 2004 aux Etats-Unis, la plateforme Roblox est un monde virtuel où les enfants et adolescents se retrouvent pour discuter, partager et surtout jouer à plus de 27 millions de jeux dont la totalité ont été créés par eux-mêmes. Car l’originalité de Roblox réside dans la création de jeux.

Sur Roblox, les jeunes utilisateurs peuvent développer leurs propres jeux sans aucune connaissance en codage (ce que l’on appelle le no code) grâce à un kit de création proposé directement par la plateforme. Parmi les 47 millions d’utilisateurs actifs quotidiens, 10,5 millions ont déjà élaboré leur propre jeu.

En résumé, Roblox, c’est un peu le métaverse des enfants et adolescents. Et forcément, les marques et célébrités se jettent à pieds joints dans cet univers plein d’opportunités. En 2020, le chanteur américain Lil N’as X organisait un concert virtuel sur la plateforme et réunissait plus de 33 millions d’utilisateurs. Paris Hilton a créé son propre espace « Paris World » qui n’est rien d’autre qu’une réplique virtuelle de sa villa de Beverly Hills. Elle aussi y a organisé un concert. Fin 2021, c’est le fabricant de chaussures Nike qui s’est lancé sur Roblox avec Nikeland, raconte Libération. Sony Music y est aussi allé de son petit évènement.

Un modèle économique très « limite »

Si Roblox fait surgir beaucoup de craintes c’est d’abord pour son modèle économique très discutable. Si l’accès à la plateforme est totalement gratuit, l’entreprise mise sur un modèle de « pay to win » (payer pour gagner) voire « pay to go on » (payer pour avancer) mais surtout « pay to create ». En gros, l’accès à Roblox est gratuit, s’amuser sur Roblox est payant.

La monnaie d’échange est appelée Robux. Pour créer leur jeu, les utilisateurs doivent donc investir en Robux. S’ils veulent que leur jeu soit mis en avant, ils doivent encore mettre la main au portefeuille (de papa/maman). La mécanique est la même pour à peu près tout : avancer dans un jeu, améliorer son personnage, acheter des skins etc.

Apologie de la précarité

L’autre problème vient de la rémunération des développeurs. Car les jeux développés rapportent bien sûr de l’argent. Cela pose donc quelques limites puisque les utilisateurs sont essentiellement des enfants. Quid du travail des mineurs ?

La méthode est aussi astucieuse que cynique. Certains développeurs freelance gagnent leur vie grâce aux jeux créés sur la plateforme. Roblox met beaucoup en avant ces success stories pour pousser les jeunes utilisateurs à développer leurs propres jeux et pas seulement jouer.

Et pour cause, sur chaque jeu développé, Roblox empoche pas moins de 73% des recettes, laissant donc 27% des revenus aux développeurs. Des miettes. En faisant miroiter aux enfants qu’ils peuvent eux aussi devenir riches et célèbres en créant leurs jeux sur la plateforme, Roblox joue donc un jeu dangereux.

Cela est d’autant plus condamnable que les développeurs ne peuvent récupérer leur argent qu’après avoir obtenu 100 000 Robux (environ 1000 euros) grâce à leurs jeux. Une somme facilement atteignable pour une poignée de développeurs professionnels mais astronomique pour les développeurs en herbe.

« Une poignée (de développeurs) fera des millions de dollars de bénéfices alors que la grande majorité touche des sommes très modiques » explique à Libération Bruno Vétel, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université de Poitiers, spécialiste en socioéconomiques des jeux en ligne.

Grâce à ce modèle économique, l’entreprise génère des milliards de dollars. Roblox a réalisé une entrée fracassante en Bourse en mars 2021 avec une capitalisation de 38 milliards de dollars. « Ce qui est questionnable du point de vue éthique, c’est que ce système repose sur le fait qu’on laisse miroiter aux joueurs potentiels qu’ils peuvent eux aussi devenir des productions de contenus et devenir riches. Or ici, ce discours s’adresse à des mineurs » conclut Bruno Vétel.

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